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Modes de garde - Prestation partagée d'éducation de l'enfant : le nouveau congé parental

Deux décrets du 30 décembre 2014 mettent en place une nouvelle prestation familiale : la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE, selon la graphie adoptée par la Cnaf). Celle-ci remplace un dispositif phare de la branche Famille en matière de garde d'enfants : le complément de libre choix d'activité (CLCA). La PreParE - qui s'applique aux enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2015 - résulte non pas d'une loi de financement de la sécurité sociale, mais de l'article 8 de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes (voir notre article ci-contre du 24 juillet 2014).

Des conditions d'attribution inchangées

Un véhicule législatif inhabituel qui s'explique par le principal changement introduit par cette prestation : l'obligation de partager le congé parental entre les deux membres du couple (d'où le "partagée" dans l'intitulé), alors qu'aujourd'hui seuls 4% des bénéficiaires du CLCA sont des hommes.
Les conditions d'attribution de la PreParE sont identiques à celles du CLCA : au moins un enfant de moins de trois ans (ou adoption d'un enfant de moins de 20 ans), arrêt de l'activité professionnelle ou passage à temps partiel, au moins huit trimestres de cotisations vieillesse (attestant l'exercice d'une activité professionnelle) au cours des deux, quatre ou cinq dernières années (selon le nombre d'enfants).
Le montant de la prestation est également inchangé. En cas de cessation complète de l'activité, il est de 390,52 euros par mois, qui s'ajoutent à la prestation de base pour les ménages qui y ont droit. A noter : il existe également, à partir de trois enfants à charge, une PreParE majorée (638,33 euros par mois), soit un montant équivalent à l'actuel complément optionnel de libre choix d'activité (Colca).

Mais des durées de congé parental modifiées

Le changement intervient avec la durée de la prestation. Pour le premier enfant, la durée est de six mois maximum pour chacun des membres du couple, au lieu de six mois pour un seul des conjoints dans le cas du CLCA. A partir de deux enfants à charge (autrement dit s'il y a déjà un autre enfant au sein du foyer au moment de la naissance), la durée est de 24 mois maximum pour chaque membre du couple (mais dans la limite du 3e anniversaire de l'enfant, soit un maximum de fait de 36 mois, l'hypothèse de congés simultanés étant peu réaliste compte tenu de la perte de revenus), au lieu de trois ans pour un seul des conjoints dans le cas du CLCA. Enfin, la réforme introduit une disposition spécifique pour les triplés, avec une durée maximale de 48 mois pour chaque membre du couple, dans la limite du 6e anniversaire des enfants (soit une limite de 72 mois dans les faits). Dans le cas d'une famille monoparentale, les durées sont respectivement de 12 mois, 36 mois et 72 mois, mais bien sûr sans obligation de partage du congé parental.

Durée allongée, si...

C'est là en effet que se situe toute l'ambiguïté de la PreParE. En théorie, la durée du congé parental est rallongée (de six mois à 12 mois pour un premier enfant, de 36 mois à 72 mois à partir du deuxième...), mais à la condition expresse que les deux parents prennent un congé parental. Si l'intention de favoriser l'égalité des sexes n'est pas contestable, tout le monde sait pertinemment qu'il faudra des décennies pour que, dans les ménages décidant de prendre un congé parental, 100% des hommes acceptent d'en prendre leur part.
En attendant, si seule la mère décide de prendre un congé parental - ce qui est le cas quasi général aujourd'hui -, la PreParE perd son "avantage concurrentiel" sur le CLCA. Dans le cas du premier enfant, le congé parental maximal de la mère reste ainsi de six mois, comme aujourd'hui. Pire, cette durée maximale se réduit à partir du deuxième enfant : au lieu de 36 mois aujourd'hui, elle tombe à 24 mois avec la PreParE si seule la mère prend le congé parental. Au final, seules les familles monoparentales sont assurées de gagner au change en termes de durée du congé parental.
Autant que la promotion de l'égalité des sexes, la mesure vise en effet à réduire aussi les dépenses de sécurité sociale... En revanche, cette réduction de fait de la durée du congé parental pourrait bien avoir pour conséquence d'accroître la pression sur les modes de garde collectifs ou individuels. Au grand dam des collectivités territoriales... et de la branche Famille (voir notre article ci-contre du 1er octobre 2014).

Références : décrets 2014-1705 et 2014-1708 du 30 décembre 2014 relatifs à la prestation partagée d'éducation de l'enfant (Journal officiel du 31 décembre 2014).