Julien Denormandie déclare la guerre aux marchands de sommeil et crée un numéro pour les dénoncer
Le ministre en charge du logement a annoncé la création d'une "plateforme d'accompagnement" sous la forme d'une ligne téléphonique permettant de dénoncer les marchands de sommeil ou supposés tels. Il a rappelé certaines des mesures déjà contenues dans la loi Elan en matière de lutte contre l'habitat indigne.
Devançant son déplacement prévu à Lille et à Roubaix le 17 septembre sur le thème de la lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil, Julien Denormandie a dévoilé, le 16 septembre au micro de Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV et RMC, les mesures supplémentaires envisagées contre ces derniers. Reprenant une thématique martiale également utilisée par ses prédécesseurs, le ministre de la Ville et du Logement veut déclarer "une véritable guerre aux marchands de sommeil".
L'Adil au bout du fil
La mesure la plus spectaculaire annoncée à cette occasion consiste en l'ouverture d'une "plateforme d'accompagnement" sous la forme d'une ligne téléphonique – le 0806 706 806 –, permettant de dénoncer les marchands de sommeil ou supposés tels. Explication du ministre du Logement : "Dès que vous vous sentez sous l'emprise de ces malfrats, de ces escrocs, de ces marchands de sommeil, vous appelez et derrière vous avez quelqu'un qui vous accompagne. [...] Le professionnel pourra envoyer les services de la mairie, ou la police du logement, par exemple." Pour Julien Denormandie, les marchands de sommeil "vivaient dans un sentiment d'impunité. Ils sont maintenant considérés comme des trafiquants de drogue. On applique les mêmes sanctions".
"Que vous soyez locataire, victime d’un marchand de sommeil ou d’un logement insalubre ou que vous ayez connaissance d’une telle situation, contactez le numéro 0806 706 806. Un conseiller de l’agence départementale pour l’information sur le logement (Adil) sera à votre écoute et vous expliquera les démarches à effectuer", a ensuite résumé le ministère dans un communiqué, détaillant le processus selon les cas :
- "Pour un locataire, le conseiller apprécie et évalue la nature et l’importance des désordres (humidité, risque d’effondrement de la toiture, chauffage défectueux…) du logement, en s’appuyant sur une grille d’auto-évaluation. Selon les informations qui lui seront communiquées, il complète cette grille et informe ensuite sur les droits et obligations du locataire. Il vérifie également si le bailleur a déjà été informé des désordres et selon quelles formalités."
- "Pour un bailleur ou propriétaire occupant, le conseiller l’informe de ses obligations et des aides financières disponibles pour faciliter la réalisation des travaux. Les modalités et conséquences de la conservation de l’allocation de logement sont, le cas échéant, portées à sa connaissance. De même, le conseiller indique les démarches d’information préalables à fournir au locataire avant l’exécution des travaux."
L'étape suivante : "En cas d’insalubrité (cumul de désordres avec des problématiques d’humidité par exemple), l’Adil signale, après accord de l’interlocuteur, la situation à l’agence régionale de santé (l’ARS). Une lettre sera envoyée afin de l’informer de l’orientation du dossier, après validation par les acteurs du pôle départemental de l’habitat indigne et ce dans un délai de 2 à 3 jours."
Plans pluriannuels et groupes locaux
Au-delà de la création de cette ligne dédiée, le ministre n'a pas annoncé de mesures véritablement nouvelles. Celles-ci figurent en effet dans la loi Elan ("portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique") du 23 novembre 2018, qui renforce encore les dispositifs instaurés par les précédents gouvernements. Julien Denormandie s'est donc contenté de rappeler l'impossibilité d’acquérir de nouveaux biens - notamment aux enchères - pendant 10 ans contre 5 ans auparavant (voir notre article ci-dessous du 23 mai 2019), la confiscation systématique de leurs biens et indemnités d’expropriation, la présomption de revenus tirés des activités frauduleuses (d'où l'assimilation au traitement des trafiquants de drogue), ou encore l'obligation pour les syndics et les agences immobilières de dénoncer les marchands de sommeil.
Le communiqué du ministère rappelle pour sa part la circulaire du 8 février sur la "gouvernance locale", avec la mise en place dans chaque département d’un plan pluriannuel de lutte contre l’habitat - portant à la fois sur le repérage des situations, l'information, les liens avec le parquet ou encore le suivi des arrêtés - et de "groupes locaux de traitement de la délinquance dédiés à la lutte contre l’habitat indigne".
Julien Denormandie n'a pas évoqué en revanche le sort de la proposition de loi "visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux", adoptée en première lecture par le Sénat il y a trois mois (voir notre article ci-dessous du 12 juin 2019).
La fin programmée des "passoires thermiques"
Comme ses prédécesseurs, Julien Denormandie n'a pas précisé comment seraient logées les personnes aujourd'hui victimes des marchands de sommeil. Car, aussi prédateurs et immoraux soient-ils, ces derniers assurent une fonction que les acteurs du logement "légal" ne parviennent pas aujourd'hui à assumer.
Lors de son interview, le ministre du Logement a également apporté des précisions sur d'autres aspects. Rappelant que sept millions de Français vivent dans une "passoire thermique" dans le parc locatif, il a ainsi réaffirmé la volonté du gouvernement de mettre fin à cette situation, concrétisée dans la loi Energie et climat : "Les propriétaires ont entre 2023 et 2028 pour réaliser les travaux. Les sanctions seront déterminées en fonction de l'avancée de la loi."
Interrogé sur les fortes hausses de taxe foncière subies par certains propriétaires, Julien Denormandie a renvoyé la question aux collectivités, affirmant qu'"il n'y a aucun projet du gouvernement d'augmenter de manière générale la taxe foncière".