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La proposition de loi sénatoriale sur l'habitat insalubre renvoyée en commission, mais pas abandonnée

Ce renvoi répond au souci des sénateurs de "prendre un peu plus de temps pour approfondir la réflexion sur les dispositifs proposés", en lien avec les dispositions prévues par la loi Elan et avec les conclusions à venir des députés missionnés sur le sujet par le Premier ministre.

La commission des affaires économiques du Sénat n'a pas adopté la proposition de loi "visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux". A cette occasion, elle a décidé de renvoyer le texte en commission. La proposition de loi était présentée par Bruno Gilles, député des Bouches-du-Rhône et conseiller municipal de Marseille, et par une soixantaine de ses collègues du groupe Les Républicains.

Ordonnance et proposition de loi : la coordination s'impose

Cette décision, sur un sujet pourtant d'une actualité brûlante (voir nos articles ci-dessous), peut surprendre, dans la mesure où la proposition de renvoi en commission émane du rapporteur du texte, qui n'est autre que Dominique Estrosi-Sassone, députée (LR) des Alpes-Maritimes et spécialiste reconnue des questions de logement. Le renvoi se fait d'ailleurs avec l'accord de l'auteur du texte. Il sera donc confirmé lors de la discussion de la proposition de loi en séance publique, le 5 mars.

Lors de l'examen en commission des affaires économiques, Dominique Estrosi-Sassone a en effet expliqué que "toute modification de la législation, aussi opportune soit-elle, doit, pour être efficace, s'accompagner d'une mobilisation forte et coordonnée des pouvoirs publics dans la mise en œuvre de cette politique et d'un déploiement de moyens humains et financiers en adéquation avec les besoins". Or l'article 198 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi Elan) habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance pour harmoniser et simplifier les différentes polices - pas moins de treize - susceptibles de s'exercer en matière de lutte contre l'habitat indigne, mais aussi pour préciser les modalités du transfert de la compétence aux présidents d'EPCI et pour favoriser la création de services intercommunaux mutualisant les moyens matériels et financiers de lutte contre l'habitat indigne et les immeubles dangereux. Le gouvernement a récemment indiqué qu'il travaillait à l'élaboration de cette ordonnance, dans la perspective d'une entrée en vigueur au 1er janvier 2021 pour ce qui concerne les transferts de compétences (voir notre article ci-dessous du 22 janvier 2019). En outre, Edouard Philippe a chargé deux députés - Guillaume Vuilletet, député (LREM) du Val d'Oise, et Alexandra Louis, députée (LREM) des Bouches-du-Rhône - de préparer cette réforme (voir notre article ci-dessous du 12 décembre 2018). Les deux parlementaires en mission doivent remettre leur rapport au mois de mai.

Prendre un peu de temps

Dans ces conditions, Dominique Estrosi-Sassone a suggéré aux membres de la commission de "prendre un peu plus de temps pour approfondir notre réflexion sur les dispositifs proposés dans la proposition de loi". Elle a indiqué souhaiter également "étudier d'autres dispositifs qui permettraient de simplifier certaines procédures. Ce délai supplémentaire [lui] permettait d'examiner la nécessité et la faisabilité d'autres dispositifs de prévention". En effet, le volet préventif de la lutte contre l'habitat indigne est aussi important que le volet curatif et ne doit pas être oublié dans le débat". Des entretiens supplémentaires sont également prévus avec des acteurs de la lutte contre l'habitat insalubre, dont l'AdCF (Assemblée des communautés de France), ainsi que des visites de terrain à Aubervilliers, à Montfermeil et à Marseille.

La proposition de loi devrait donc faire son retour au mois de juin. A défaut, et selon les préconisations qui seront remises au mois de mai par les deux députés missionnés par le Premier ministre, ses dispositions ainsi modifiées pourraient être intégrées au texte de la future ordonnance.

Renforcer les capacités de contrôle et d'intervention des collectivités

Dans son état actuel, la proposition de loi de Bruno Gilles comporte plusieurs dispositions. Elle entend notamment "renforcer les capacités de contrôle et d'intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière de logements insalubres ou dangereux". Pour cela, la proposition de loi prévoit notamment de systématiser les permis de diviser et de louer et de transformer, dans le cas du permis de louer, la décision implicite d'acceptation au bout de deux mois de silence en une décision implicite de rejet.

Le texte étend également les motifs d'expropriation, en prévoyant le cas où un propriétaire refuse de mettre en œuvre les travaux de réhabilitation qui mettraient un terme à l'état d'insalubrité. Comme l'explique l'exposé des motifs, "un état d'insalubrité remédiable auquel le propriétaire refuse de remédier devient de fait irrémédiable, sauf à changer de propriétaire".

La proposition de loi réduit aussi d'un an à trois mois la durée durant laquelle les locataires peuvent demeurer dans un immeuble après qu'il a été déclaré insalubre. L'objectif est "en une telle hypothèse, de reloger au plus vite les occupants". De même, le texte réduit de trois mois à un mois le délai imparti pour qu'un agent se rende sur place, lorsqu'un citoyen saisit l'administration (maire ou préfet) d'une demande tendant à ordonner des mesures pour faire cesser des situations de danger ou d'insalubrité présentées par l'état d'un immeuble.

Enfin - et de façon désormais habituelle dans tous les textes qui se succèdent sur le sujet -, la proposition de loi prévoit de renforcer l'efficacité des sanctions contre les marchands de sommeil. Elle aggrave ainsi les sanctions administratives encourues en cas de manquement à l'obligation de déclaration de mise en location ou à celle de disposer d'un permis de louer.

Références : Sénat, proposition de loi visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux, examinée et renvoyée en commission des affaires économiques le 20 février 2019, examinée en séance publique le 5 mars 2019.