Accès aux soins - Démographie médicale : les inégalités régionales s'aggravent
Le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) - que son statut charge d'une mission particulière en matière de suivi de la démographie médicale - publie pour la première fois, le 13 avril, des "atlas régionaux de démographie médicale". Ces 23 documents (régions métropolitaines et DOM-TOM) ne manqueront pas d'intéresser les collectivités, de plus en plus préoccupées par la question de la désertification médicale de certains territoires. Ils se présentent sous la forme de monographies d'une trentaine de pages. Chaque atlas présente ainsi les mêmes types d'informations, à partir des données disponibles au 1er janvier 2009 :
- les effectifs des médecins inscrits au tableau de l'ordre (en activité totale ou en activité régulière), ainsi que le solde des entrées et des sorties (autrement dit l'évolution de la démographie médicale) ;
- le détail des effectifs pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes, ainsi que pour les médecins remplaçants dont le rôle va croissant depuis plusieurs années ;
- le cadre d'activité et le mode d'exercice, autrement dit la répartition entre l'exercice libéral et l'exercice salarié et son évolution depuis 1988.
Chaque atlas propose également de nombreux tableaux, graphiques et cartes sur la pyramide des âges des médecins, la répartition par sexe, la répartition des effectifs entre départements et à l'échelon communal, les secteurs d'activité des nouveaux inscrits à l'ordre...
Ces atlas régionaux tracent, dans l'ensemble, un portrait assez sombre, qui corrobore les précédentes analyses du Conseil de l'ordre au niveau national (voir notamment notre article ci-contre du 10 septembre 2009). Le premier élément est la poursuite de la baisse des effectifs de médecins. Entre le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2009, 19 régions sur 22 ont ainsi connu une diminution des effectifs inscrits au tableau de l'Ordre. Les plus fortes baisses concernent les régions Lorraine (-5,5% en un an, dont -11,7% en Meurthe-et-Moselle), Bourgogne (-3,9%) et Centre (-3,7%). La population française continuant de croître, le nombre de médecins pour 100.000 habitants diminue donc encore plus rapidement, tandis que le vieillissement de la population ne fait qu'accroître le besoin de soins de proximité. Cet effet de ciseau explique la difficulté croissante d'accès aux soins dans de nombreux territoires ruraux, mais aussi dans des zones urbaines défavorisées. Seule "consolation" pour les régions sous-dotées : aucune région n'est à l'abri, au moins pour une partie de son territoire. Provence-Alpes-Côte d'Azur - qui dépasse désormais l'Ile-de-France en termes de densité médicale (même si Paris continue de détenir le record avec 742 médecins pour 100.000 habitants contre une moyenne nationale de 290) - combine ainsi une densité record sur la côte (plus de 600 médecins pour 100.000 habitants dans le Var) et de grands déserts médicaux dans les départements de l'arrière-pays alpin (notamment dans les Alpes-de-Haute-Provence).
Les écarts entre régions ne se limitent pas à la seule densité de l'offre médicale. Ils jouent également en matière d'âge moyen. Faute de progression et de renouvellement suffisant des effectifs, les médecins libéraux vieillissent. En Bourgogne ou en Auvergne, par exemple, la moyenne d'âge est de 53 ans chez les généralistes hommes et de 48 ans chez les femmes. Ce vieillissement se fait sentir également en termes de renouvellement de la profession. Si l'âge moyen de la première inscription au tableau de l'ordre est de 34 ans au niveau national, les écarts vont de 32 ans (Haute-Normandie, Limousin, Pays-de-la-Loire) à 40 ans (Corse). Mais le plus inquiétant réside sans doute dans la fuite devant l'exercice libéral généraliste, pourtant indispensable à la couverture santé des zones rurales. Plus du quart des nouveaux entrants (27,6%) choisissent ainsi une activité salariale exclusive, jugée moins contraignante et moins isolée. La situation n'est guère meilleure pour les spécialistes, puisque quinze spécialités n'ont enregistré aucune inscription en libérale entre le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2009.
Jean-Noël Escudié / PCA