Accès aux soins - Pour la première fois, le nombre de médecins en activité régulière a reculé en 2008
Comme chaque année, le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) publie son "Atlas de la démographie médicale". L'édition 2009 revêt toutefois un relief particulier juste après la promulgation de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), qui a donné lieu à de vifs débats sur la question : pour la première fois depuis très longtemps, le nombre des médecins en activité régulière est en baisse, en valeur absolue. Au 1er janvier 2009, la France comptait certes 216.017 médecins en activité (inscrits au tableau de l'ordre) contre 215.028 au 1er janvier précédent, soit une légère progression de 0,5%. Mais le nombre de médecins en activité régulière (médecins installés et disposant d'une adresse professionnelle) recule de 2% sur la même période, passant de 203.855 à 199.736. La différence entre ce recul et la légère hausse générale s'explique par l'augmentation du nombre de médecins remplaçants et de praticiens ne déclarant pas d'activité. Conséquence de ce recul des médecins en activité régulière et de la croissance de la population française : la densité médicale commence à s'effriter, non pas seulement dans les zones défavorisées mais désormais aussi au niveau national. En un an, elle est ainsi passée de 300,2 à 290,3 médecins en activité régulière pour 100.000 habitants.
Cette évolution d'ensemble en cache une autre, tout aussi inquiétante : l'accélération du vieillissement du corps médical. Avec l'effet combiné des classes d'âge et du numerus clausus, le nombre de médecins de moins de 40 ans a diminué de 11,7% en un an, alors que la tranche d'âge des 60 ans et plus augmente de 52,6% sur la même période... L'âge moyen des médecins s'établit désormais à 51 ans, ce qui laisse présager de forts taux d'arrêt d'activité dans les prochaines années. L'ordre en profite pour rappeler que "ce n'est pas d'hier que le Conseil national de l'ordre des médecins alerte les pouvoirs publics afin que le numerus clausus ne stagne pas à 3.500 médecins formés par an. Il aura fallu environ six ans pour être entendus et ce n'est que d'ici douze ans que sortiront les médecins issus du numerus à 7.500 !".
Sans être plus satisfaisante, la situation est plus stable en matière d'inégalités géographiques. Les écarts entre régions ont cessé de se creuser - dans la mesure où les régions favorisées sont à leur tour touchées par le recul de la démographie médicale -, mais ils se situent toujours à un niveau élevé. La densité est ainsi de 237,5 médecins en activité régulière pour 100.000 habitants en Picardie (245,5 au 1er janvier 2008), contre 375 en région Paca (385, il y a un an). L'ordre insiste sur la nécessité de dépasser les comparaisons régionales pour s'intéresser au niveau infrarégional, avec les écarts croissants entre grandes villes - où continuent de s'installer les étudiants sortis des CHU - et zones à plus faible densité. Selon le Cnom, ces chiffres "confirment les conclusions émises les années précédentes : les mesures d'incitation ou de coercition destinées à favoriser le retour des médecins dans les zones sous-dotées ne se révèlent pas efficaces et les jeunes médecins se détournent de la médecine de soins".
Face à cette situation, qui fait peser "de sérieuses menaces sur l'accès aux soins", le Conseil de l'ordre formule trois propositions : favoriser le regroupement professionnel des médecins, mener une réflexion "sur les possibilités de rémunération panachée entre rémunération à l'acte et au forfait" (ce qui pourrait faire grincer quelques dents) et créer un statut du médecin remplaçant. Ce dernier mode d'exercice représente en effet désormais 5% des médecins inscrits et monte même à 25% chez les nouveaux inscrits. Le Cnom attend beaucoup de la mise en place des agences régionales de santé (ARS), tout en regrettant de ne pas être partie prenante à leur organisation, alors qu'il constitue le "seul véritable expert en démographie médicale".
Jean-Noël Escudié / PCA
