Offre de soins - Vers une baisse de la densité médicale à l'horizon 2030 ?
Avec 208.000 médecins en exercice au 1er janvier 2007, la densité médicale a peut-être atteint son apogée. C'est du moins ce que laisse entendre une étude prospective de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux. En dépit d'une population plus nombreuse et plus âgée, le nombre de médecins devrait en effet décroître dans les prochaines années. Alors que l'Assemblée nationale se prépare à reprendre, le 2 mars, l'examen du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), ces conclusions devraient contribuer à alimenter un débat qui s'annonce animé. Intitulée "La démographie médicale à l'horizon 2030 : de nouvelles projections nationales et régionales", l'étude passe en revue quatre scénarios : un scénario de référence - dit "tendanciel" et reposant sur un maintien à long terme des choix individuels des médecins - et trois scénarios destinés à apprécier l'impact de mesures d'ajustement alternatives.
Le scénario tendanciel montre qu'en dépit d'un important relèvement du numerus clausus à hauteur de 8.000 étudiants jusqu'en 2011, le nombre de médecins actifs devrait baisser de près de 10% dans les prochaines années. Il ne retrouverait son niveau actuel qu'aux environs de 2030... Cette tendance générale recouvre toutefois des évolutions très contrastées. La baisse sera ainsi plus marquée pour les spécialistes que pour les généralistes. En 2030, le nombre de spécialistes devrait être inférieur de 2,7% à son niveau de 2006 (101.000 contre 104.000), alors que celui des omnipraticiens progresserait très légèrement de 0,6% (105.000 contre 104.000). De ce fait, le nombre de ces derniers serait supérieur de 3,4% à celui des spécialistes alors que les deux catégories sont aujourd'hui à égalité. Au sein même des spécialistes, l'étude révèle de très fortes disparités : +39,9% pour les chirurgiens mais -4,9% pour les anesthésistes réanimateurs, +47,4% pour les neurologues et +46,8% pour les médecins de santé publique, mais -61,7% pour les médecins du travail, -47,1% pour la rééducation et la réadaptation fonctionnelle, -35,5% pour l'ophtalmologie...
Ces évolutions auraient pour effet - entre autres conséquences - de modifier les inégalités régionales, mais sans les réduire pour autant. Sous l'effet conjugué de l'évolution démographique et de celle du nombre de médecins, la densité médicale chuterait ainsi fortement en Corse (-35%), en Languedoc-Roussillon (-30%), en Ile-de-France (-26%), en Provence-Alpes-Côte d'Azur (-26%) et en Midi-Pyrénées (-22%). Elle croîtrait au contraire de 10 à 16% en Poitou-Charentes, en Franche-Comté, en Basse-Normandie, en Bretagne, en Auvergne et en Lorraine. Autre tendance qui ne manquera pas de relancer le débat sur la liberté d'installation : une concentration de l'activité médicale dans les pôles urbains avec CHU (54,3% des effectifs aujourd'hui). A l'horizon 2030, le nombre de praticiens exerçant sur ces territoires progresserait de 5,5%, au détriment de celui des médecins exerçant dans un pôle urbain sans CHU (-6,2%), dans une commune multipolarisée (-10,5%) et, surtout, dans une zone rurale (-25,1%).
Jean-Noël Escudié / PCA