Accès aux soins - Déserts médicaux : vers une "contribution forfaitaire" pour les médecins récalcitrants
Auditionnée le 29 janvier par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, la ministre de la Santé a levé le voile sur les mesures que le gouvernement pourrait mettre en place pour lutter contre les "déserts médicaux". La date de cette annonce ne doit rien au hasard. D'une part, les négociations sur cette question entre la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) et les syndicats de médecins libéraux sont sur le point d'échouer, sauf surprise de dernière minute à laquelle la pression ainsi mise par le gouvernement pourrait contribuer. Le 16 janvier, le président (CFDT) de la Cnam s'était d'ailleurs prononcé en faveur d'une taxe pour les médecins exerçant en zones sur-dotées qui ne prêteraient pas main forte à leurs collègues de ces déserts médicaux, par exemple par le biais d'un cabinet secondaire, d'un cabinet partagé ou d'une participation à la permanence des soins. D'autre part, le Parlement doit entamer, le 10 février, l'examen du projet de loi "Hôpital, patient, santé, territoires" (HPST), qui pourrait servir de véhicule à d'éventuelles mesures contraignantes. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi HPST se cantonne en effet à des mesures incitatives (régionalisation de la répartition de l'offre médicale, renforcement des aides à la création de maisons médicales pluridisciplinaires...), dont l'efficacité n'est pas apparue évidente ces dernières années. Enfin, l'accord récemment signé avec les infirmiers libéraux met en place, pour la première fois depuis 1945, un mécanisme de "bonus/malus" dans les territoires sous ou sur-dotés (voir notre article ci-contre). Le gouvernement souhaite manifestement s'engager dans cette brèche, quitte à détériorer ses relations avec les médecins libéraux, pour lesquels la remise en cause de la liberté d'installation constitue un casus belli.
Devant la commission des affaires sociales, Roselyne Bachelot a toutefois écarté l'idée d'une "taxe", mais a évoqué celle d'une "contribution forfaitaire". La différence - qui peut paraître subtile - tient au fait que cette idée avait été évoquée il y a quelques mois à l'occasion des Etats généraux de l'organisation de la santé (Egos) et avait alors recueilli, selon la ministre, un large consensus. Avant d'évoquer le recours à un texte législatif ou réglementaire, Roselyne Bachelot laisse encore la porte ouverte à la concertation, en indiquant qu'il appartient aux partenaires sociaux de négocier la mise en oeuvre d'une telle mesure. Si celle-ci est adoptée, les médecins qui refuseraient de s'installer dans une zone sous-dotée ou de participer de façon ponctuelle à sa couverture pourraient se libérer de leur obligation en acquittant cette cotisation forfaitaire. Environ 2,6 millions d'habitants vivent actuellement dans une zone géographique sous-médicalisée et la situation en la matière tend à se dégrader dans les zones rurales et dans les banlieues difficiles.
Jean-Noël Escudié / PCA