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Environnement - Déchets : la Cour des comptes note des progrès mais appelle à renforcer la gestion de proximité

Trois ans après un rapport thématique sévère sur la gestion des déchets ménagers par les collectivités territoriales, la Cour des comptes reconnaît dans son rapport public annuel 2014 des "résultats positifs en matière de prévention et de maîtrise de l'évolution des coûts". Mais elle insiste aussi fortement sur la nécessité de mieux traiter localement ces déchets.

En septembre 2011, la Cour des comptes consacrait un rapport spécifique à la gestion des déchets ménagers et assimilés, qui épinglait les collectivités territoriales. Elle avait alors formulé trois grands constats : "la France présente en Europe des résultats honorables, quoique contrastés" ; les plans départementaux "sont souvent imprécis et non directifs" et l'Etat "ne joue qu'insuffisamment son rôle" ; les coûts de collecte et de traitement "augmentent de façon peu maîtrisée (+6% par an), tout en étant insuffisamment mesurés".
Trois ans après, l'analyse des Sages de la rue Cambon est beaucoup moins sévère. En présentant ce 11 février le rapport public annuel de la Cour, son président, Didier Migaud, a noté que la gestion des déchets ménagers faisait partie des domaines où les recommandations de la Cour ont été "particulièrement suivies". Cette gestion "a progressé, avec une stabilisation de ses coûts, le renforcement de la planification départementale des équipements et le développement de financements incitant les citoyens et entreprises à la maîtrise de leurs volumes de déchets", a relevé Didier Migaud. Sur les 30 recommandations formulées en 2011, "une dizaine a été globalement appliquée", indique la Cour tandis que "d'autres sont devenues sans objet ou méritent d'être regroupées".

Progrès de la prévention et du recyclage

Au chapitre des "évolutions plutôt positives", le rapport fait état des "nouvelles exigences" fixées par les objectifs européens et nationaux. "Les progrès en matière de collecte et de traitement des déchets ménagers se poursuivent lentement en France : la prévention et le recyclage augmentent alors que, dans le même temps, l'incinération sans récupération d'énergie et la mise en décharge diminuent", constate la Cour. Les dernières données disponibles pour la période 2008-2010 font ressortir "des augmentations en volume de près de 10% du recyclage et de 20% de l'incinération avec récupération d'énergie, une diminution de 13% de l'incinération sans récupération d'énergie et une stabilisation de la mise en décharge". Les objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement, "sans être complètement satisfaits, sont en passe de l'être : selon l'Ademe, la diminution des ordures ménagères de 7% à l'horizon 2013 est presque atteinte, comme devrait l'être l'objectif de les recycler à hauteur de 35% en 2012, puis 45% en 2015, alors que la diminution de 15% du stockage et de l'incinération reste encore éloignée", ajoute le rapport.
Des progrès ont été faits en matière de prévention. Ainsi, "le dispositif des plans et programmes de prévention des déchets initié en 2009 a suscité une forte mobilisation : 52 départements sont dotés d'un plan de prévention et 375 établissements publics de coopération intercommunale, représentant 64% de la population, sont couverts par des programmes locaux de prévention", souligne le rapport. Autre satisfecit : les coûts de gestion, bien que "difficiles à mesurer", semblent "globalement en voie de stabilisation". Les collectivités locales consacraient en 2010 plus de 6,7 milliards d'euros à la collecte et au traitement des déchets des ménages, des déchets assimilés (déchets des entreprises collectés avec les déchets ménagers), ainsi que des déchets de voirie, rappelle la Cour des comptes. Celle-ci note aussi "un renforcement réglementaire" concernant la planification et une tarification "un peu plus incitative".

Eviter le transport de déchets sur longues distances

Malgré ces bons points, le rapport souligne encore "des insuffisances persistantes" sur le nombre d'installations de traitement ou de stockage ou encore sur des "mécanismes de financement toujours inadaptés". La Cour insiste sur deux orientations principales. La gestion des déchets par les collectivités locales "doit s'accompagner d'une politique préventive de gestion en amont, qui passe notamment par le développement des filières de responsabilité élargie du producteur (REP), responsabilisant les producteurs". En outre, "le principe de gestion de proximité doit être réaffirmé comme principe cardinal de l'organisation territoriale : chaque département devrait ainsi disposer des équipements nécessaires à la gestion des déchets sur les territoires identifiés par le plan départemental". Car aujourd'hui, "la gestion des déchets ménagers reste marquée par la difficulté persistante à mettre en place des filières de proximité quand les capacités de traitement sont insuffisantes", souligne le rapport, ce qui peut conduire les acteurs "à avoir recours au transport des déchets, parfois sur de longues distances, vers des sites de traitements finaux". Entre 25 et 40% du territoire serait concerné par ce problème. Pour y remédier, la Cour évoque aussi la possibilité de taxer davantage les tonnes d'ordures ménagères devant être traitées ou stockées hors de la zone couverte par le plan départemental de gestion.
Au final, la Cour formule huit recommandations dont six s'adressent exclusivement à l'Etat. Celui-ci doit ainsi "déterminer l'échelon pertinent pour la planification (région ou département) et le traitement (département, syndicat mixte), et envisager de rendre les plans prescriptifs après approbation par les parties prenantes", "renforcer le rôle des préfets en matière de contrôle et de suivi des plans, devenus prescriptifs, et conforter ce rôle en ce qui concerne l'autorisation et le contrôle des équipements nécessaires à l'application du principe de proximité", "définir rapidement par décret les modalités de la prise en charge des déchets assimilés par le service public et généraliser l'assujettissement des entreprises à la redevance spéciale", "favoriser la lutte contre les carences en exutoires [installations de traitement ou de stockage] par une modulation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP)", "rendre obligatoire le budget annexe déchets, quel que soit le mode de financement, et la généralisation d'une comptabilité analytique déchets" et "mettre en cohérence, en matière de financement du service public, les modes de gestion, aujourd'hui éclatés entre service public industriel et commercial, financé par la redevance, et service public administratif, financé par la taxe, notamment pour favoriser le développement de mécanismes incitatifs".
La Cour des comptes estime enfin que les collectivités, l'Etat et l'Ademe doivent "encourager les collectivités à mettre en place une part incitative dans le financement du service public de gestion des déchets ménagers" et "poursuivre l'extension de la démarche de suivi des coûts mise en œuvre par l'Ademe".
 

 

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