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Logement/Urbanisme - Crise du logement : Terra Nova suggère de "débloquer" l'offre immobilière

La fondation Terra Nova a publié le 22 avril une note intitulée "Des logements trop chers en France : une stratégie pour la baisse des prix" dans laquelle elle analyse les ressorts de la hausse des prix du logement et propose des pistes pour permettre leur baisse.
Ce think tank, qui se revendique d'une sensibilité social-démocrate proche de celle du gouvernement, met l'accent sur les conséquences négatives multiples de l'immobilier cher : négatives pour l'économie, avec une épargne qui ne bénéficie pas à l'investissement dans les entreprises ; négatives pour les ménages modestes, relégués de plus en plus loin des centres-ville ; négatives pour l'environnement, avec l'étalement urbain.
Considérant que l'immobilier est cher du fait du déséquilibre entre une demande élevée et une offre de logements qui ne suit pas, Terra Nova propose de "débloquer l'offre immobilière". Le think tank explique le niveau élevé de la demande "par des conditions financières favorables, une démographie dynamique, une préférence sociologique pour le logement". La fondation pointe en outre la part de responsabilité des politiques publiques qui, en "[renforçant] le soutien à la demande alors que le contexte d’offre demeurait rigide" ont participé au renchérissement des prix.

Soutenir les collectivités par les finances… et par la contrainte

La première proposition consiste à fournir "un appui aux collectivités locales constructrices", tant par des incitations financières que par le retour de la contrainte étatique dans la planification locale. Terra Nova rappelle en effet que l'autorisation de nouvelles constructions constitue toujours "un choix difficile, politiquement et financièrement pour les élus". Outre le fait que les nouveaux chantiers sont rarement vus d'un bon œil par les résidents de la commune (le phénomène Nimby décrit dans notre article du 27 mars, voir ci-contre), les gains financiers matérialisés par de nouveaux impôts locaux sont limités par rapport aux coûts importants liés à la mobilisation des équipements et services publics pour les nouveaux logements.
Pour couvrir ces frais, la fondation propose de conditionner l'attribution d'une partie de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à "la mise en œuvre du PLU [plan local d'urbanisme] défini pour intégrer les objectifs de construction". Une sorte de bonus-malus à la construction de logements. En zone tendue, les objectifs de construction du PLU devraient être au préalable "fixés par l'Etat en concertation avec les collectivités en charge de les mettre en œuvre", propose Terra Nova.

Des permis de construire à durée limitée ?

Constatant ensuite que l'"expression de refus de la part du voisinage" est "d'autant plus influente que l'échelon de décision, le maire, est proche", Terra Nova propose d'aller au bout de la logique des PLU intercommunaux (PLUI) en transférant l'ensemble de la compétence "urbanisme" à l'échelle de l'agglomération. Cela impliquerait un PLUI obligatoire pour les intercommunalités à urbanisation continue, alors que le transfert prévu par la loi Alur récemment adoptée "laisse clairement des capacités de blocage très importantes à une minorité de communes y compris dans les zones tendues", observe le think tank.
En outre, une "gouvernance réformée" devrait permettre une exécution systématique du plan d'urbanisme "en pesant sur les propriétaires des terrains". Sans préconiser de solution unique pour atteindre cet objectif, la note fournit plusieurs exemples européens intéressants, tels que le dispositif suédois qui limite dans le temps les droits à construire avec possibilité d'expropriation par la collectivité en l'absence de construction à l'issue de la période. Terra Nova souligne que "la participation démocratique à l'élaboration du plan" est l'outil qui "permet l'acceptation des dispositions contraignantes" en Suède, en Allemagne et aux Pays-Bas.

Dissocier le foncier et le bâti… le dispositif d'organismes fonciers solidaires est prêt

La fondation recommande enfin la mise en œuvre "de nouveaux dispositifs dissociant le foncier et le bâti (…) couplés à des dispositifs de maîtrise des prix", pour les ménages les plus exclus du marché immobilier. Plusieurs possibilités sont ici évoquées. D'une part, "un nouveau type d'emphytéose logement" de très longue durée et doté de clauses permettant aux collectivités disposant du foncier de contrôler les prix à la revente. D'autre part, un "statut juridique de fiducie foncière logement" pourrait donner la possibilité de dissocier définitivement le foncier et le bâti, sur le modèle des "community land trusts" (CLT) existant depuis 40 ans aux Etats-Unis. Dans ce cas, le terrain est détenu par un "propriétaire perpétuel (trust)" qui l'administre "dans l'intérêt du plus grand nombre (community)". L'intérêt, souligne Terra Nova, est de créer des "logements abordables, en location ou en accession à la propriété, tout en préservant leur accessibilité économique sur le très long terme, au fil des locations ou des reventes", tout en mobilisant "d'autres investisseurs que les seules collectivités publiques".
"Quand les préconisations de Terra Nova sont… déjà inscrites dans la loi!", commente avec ironie l'association Community Land Trust France, rappelant que la loi Alur a introduit un équivalent français aux CLT : les organismes fonciers solidaires. Cette association a d'ailleurs été créée à la veille de l'adoption de la loi pour les promouvoir et animer la réflexion à leur sujet. Se réjouissant "de l’attention grandissante" à l'égard des CLT en France, l'association entend participer à leur transposition qui, bien que "largement entamée", n'est "pas achevée", faisant allusion aux décrets d'application en cours de préparation.

Lever d'"inévitables résistances"

Plus globalement, Terra Nova conclut sa note en anticipant "d'inévitables résistances" de la part de tous ceux qui ont beaucoup à perdre d'"une baisse des prix sans effondrement". Pour tenter d'en rassurer une partie, la fondation fournit l'exemple des "baisses parisiennes de près de 30% au début des années 90" qui "avaient pu être absorbées par la plupart des ménages propriétaires".
Quant aux élus dont les prérogatives seraient réduites par la recentralisation partielle préconisée par le think tank, ils pourraient néanmoins se satisfaire d'une "maîtrise locale sur l'urbanisme (…) globalement renforcée".

 

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