Foncier rural - Coup de frein à l'urbanisation des terres agricoles
Contraction du nombre de ventes et baisse des prix : la crise économique et financière affecte presque tous les marchés fonciers ruraux, avec un nombre de transactions en recul de 4% et des prix en baisse de 9%, note la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSafer) dans son analyse du marché 2012 présentée le 30 mai. Les biens les plus touchés sont ceux qui quittent l'usage agricole. Les ventes de maisons à la campagne (anciens corps de ferme ou bâti vendu avec terrain agricole) ont ainsi baissé de 13% avec un prix moyen unitaire de 167.000 euros, en baisse de 3,5%. Les ventes de petites parcelles résidentielles et de loisirs, biens de confort achetés pour agrandir le périmètre autour de sa résidence, ont chuté de 4,8%, avec un prix moyen en baisse de 18%.
Mais le plus notable est le recul de la pression foncière urbaine sur l'espace agricole. "Le marché de l'urbanisation - les terrains pour les infrastructures, les zones d'activité et le logement - connaît son second retournement depuis 2007", constate Robert Levesque, directeur de Terres d'Europe-Scafr, le bureau d'études de la FNSafer. Le nombre de transactions (37.780) a ainsi reculé en 2012 de 3,3%. Le marché a diminué de 9,1% en surface (28.000 hectares) et enregistré une baisse de 6% en valeur, à 4,1 milliards d'euros. Entre 2007 et 2012, il s'est contracté d'un tiers. Robert Levesque y voit les effets de la crise mais aussi des mesures de lutte contre l'urbanisation comme la mise en place des commissions départementales de la consommation des espaces agricoles (CDCEA) créées par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 13 juillet 2010 pour lutter contre le gaspillage des terres agricoles. Pour Emmanuel Hyest, président de la FNSafer, les CDCEA ont effectivement joué un rôle positif, même s'il est limité. "Il faudrait qu'elles s'appliquent sur l'ensemble du territoire et pas seulement sur les zones non couvertes par les documents d'urbanisme", estime-t-il. Mais, souligne-t-il, "il y a aussi une prise de conscience de la part des élus locaux de la nécessité de diminuer les surfaces à urbaniser dans les documents d'urbanisme".
Les particuliers toujours demandeurs de terrains à bâtir
Ce marché de l'urbanisation connaît toutefois des évolutions très contrastées selon les acteurs et les zones géographiques. Les promoteurs ont eu tendance à se retirer, sous l'effet de la crise et de la réforme de l'imposition des plus-values immobilières mais les particuliers restent, signe de la forte demande de logements. "Comme l'échantillon notifié aux Safer correspond à des terrains ayant encore un usage ou une vocation agricole au moment de la vente, une partie des acquéreurs sont vraisemblablement des personnes qui ne souhaitent pas ou plus habiter en logement collectif ou en lotissement", note la FNSafer. Résultat : à 38,10 euros/m2 le prix des terrains à bâtir de moins de 1 ha acquis par des particuliers est à la hausse (+13,1%) avec un déplacement du marché vers les zones périurbaines et des lots plus petits (moins de 2.000 m2). Quant aux collectivités, elles ont eu tendance à freiner leurs acquisitions de terrains en 2012, crise des finances publiques oblige, et achètent désormais de plus petites surfaces.
Autre marché malmené en 2012 : celui des forêts, même s'il conserve son statut de valeur refuge et fiscale. Après une croissance de 19,5% entre 2009 et 2011, son prix à l'hectare (3.930 euros) a reculé de 1,5%, du jamais vu depuis 2000. Régions les plus touchées : l'Ouest (-6%) et le Massif central (-5%). Pour la FNSafer, la baisse du prix du bois (-8% en 2012) explique cette diminution.
Terres agricoles : le grand écart
Le marché des terres agricoles libres s'est de nouveau fermé : il ne représente que 1,5% du total des surfaces exploitées en faire valoir direct contre 1,9% avant la crise de 2008, souligne la FNSafer. Le prix des terres et prés libres augmente faiblement (+1,1% à 5.420 euros/hectare). "Le retrait des acquéreurs non agriculteurs, la prudence des banques, la prochaine réforme de la politique agricole commune avec les perspectives de baisse des aides à l'hectare, l'augmentation du coût des intrants peuvent expliquer ce ralentissement", commente la FNSafer. Mais la situation est très hétérogène selon les secteurs. Dans les zones d'élevage, les prix stagnent (+0,1%) à 4.220 euros l'hectare tandis que dans les zones de grandes cultures, les terres et prés libres affichent des prix en hausse de 3,2% à 6.560 euros/hectare. "La demande mondiale en biomasse végétale, les cours élevés et les bonnes récoltes dans l'Hexagone ont pu alimenter la hausse des valeurs foncières", souligne la FNSafer. Autre fait notable : les faibles taux des placements sécurisés ont renforcé l'intérêt pour les terres louées dont le prix a progressé de 2,5%, à 4.060 euros/ha, en 2012.
S'agissant des vignobles, le marché des vins courants est "atone", constate la FNSafer, mais celui des vignobles haut de gamme, porté par la demande mondiale en produits de luxe, atteint de nouveaux sommets. Le prix de l'hectare a ainsi grimpé de 21,5% pour le champagne et 10% pour le cognac. En moyenne, sur les vignobles d'appellation d'origine contrôlée (AOP), l'hectare s'échange à 131.700 euros (+13,5% sur un an).
Enfin, les Safer s'interrogent de plus en plus sur les moyens dont elles disposent pour assurer la transparence du marché. Pour la deuxième année consécutive, les surfaces vendues louées dépassent les surfaces libres. La restructuration foncière se fait donc de plus en plus à travers la location, l'acquisition de parts de sociétés et le démembrement de société. "Il est indispensable de maintenir des outils de régulation pour garantir la transparence, souligne Emmanuel Hyest. C'est un enjeu majeur pour soutenir l'installation de jeunes agriculteurs".