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Foncier rural - Des terres agricoles de plus en plus convoitées

Lors de la présentation de son bilan annuel du marché immobilier rural ce 30 mai, la Fédération nationale des Safer a alerté sur les risques liés à la concentration accélérée des exploitations agricoles. Face au développement de l'urbanisation, elle propose aussi aux collectivités de travailler de concert pour une meilleure connaissance des évolutions du marché des biens ruraux.

Y aura-t-il encore des exploitations agricoles familiales en France dans dix ans ? A l'occasion de la présentation de son bilan annuel du marché immobilier rural, ce 30 mai, la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et rural (FNSafer) a fait part de ses inquiétudes sur les évolutions en cours. En 2011, pour la première fois, les transactions sur les terres louées ont dépassé en nombre et en surface celles sur les terres libres. La proportion de surfaces en fermage atteint aujourd'hui les 77% contre 23% pour celles en faire valoir direct. "Structurellement, les surfaces vendues libres se restreignent, rendant l'installation hors cadre familial plus difficile d'autant que le bâti libre intéresse citadins et ruraux non agricoles", relève la FNSafer.

Vers une agriculture de capitaux

Surtout, le mouvement vers une agriculture de capitaux continue à s'amplifier. Si les personnes physiques agricoles captent encore plus de 60% du marché en nombre et en surface, leurs acquisitions déclinent depuis 1999. "A l'inverse, les personnes morales agricoles ne cessent de renforcer leur part de marché : les sociétés d'exploitation agricole ont multiplié par 2,8 leurs achats depuis le milieu des années 1990 ; les GFA et SCI agricoles par 2,2", observe la FNSafer. Le double phénomène de croissance financière des exploitations agricoles et de développement des formes sociétaires des exploitations dans les secteurs les plus rentables la préoccupe tout particulièrement.
"Des transferts de parts de société s'opèrent aujourd'hui à des prix élevés dans certains cas, sans que l'on sache quels investisseurs se cachent derrière", souligne son président, Emmanuel Hyest. La viticulture et certaines productions animales (porcs, volailles) ont été les premières touchées mais d'autres secteurs sont désormais concernés comme l'élevage laitier. Ni les Safer, ni l'Etat, ni les collectivités ne sont informés lorsque s'opèrent ces transferts, dont les bénéficiaires peuvent être des investisseurs étrangers au monde agricole. "Nous avons alerté le précédent ministre de l'Agriculture ainsi que l'Association des régions de France et l'Assemblée des départements de France à ce sujet, ajoute le président de la FNSafer. Car pour les collectivités, le simple transfert de parts se traduit aussi par des pertes de recettes fiscales puisqu'il n'y a pas de droits de mutation à payer". La FNSafer plaide donc pour plus de transparence en réclamant que lui soient notifiés les transferts de parts de société incluant du foncier agricole.

Fortes tensions sur les prix

Toujours plus convoité, le marché de l'espace rural a vu presque tous ses prix orientés à la hausse en 2011, a constaté la FNSafer. A 5.430 euros par hectare, le prix moyen des terres et prés libres a augmenté de 6%, celui des terres et prés loués (3.830 euros/ha) de 3,1%, celui des vignes AOC (99.400 euros/ha) de 4,7% et celui des forêts (3.960 euros/ha) de 10,8% incluant aussi bien le foncier productif (terres agricoles, forêts). Le prix des maisons à la campagne (173.000 euros/lot) a légèrement augmenté (+2,4%) tandis celui des espaces résidentiels et de loisirs non bâtis (48.100 euros/ha) a été le seul à reculer (-2,2%). Par contre, les terrains constructibles de moins de 1 ha acquis par des particuliers ont encore connu une nette hausse (+8%) à 33,8 euros/m2. En euros constants, le prix de ces derniers a été multiplié par 3,5 depuis 1997 pour une surface moyenne qui a diminué de plus de 30%. L'hectare de terrain à bâtir (338.000 euros en moyenne) est aujourd'hui 62 fois plus cher que l'hectare de terres et prés libres. Du fait de leurs difficultés budgétaires, les personnes publiques, et notamment les collectivités, ont été moins actives sur le marché du foncier rural. En revanche, les opérateurs privés qui étaient en retrait depuis 2008 ont fait leur retour.

Une pression foncière urbaine toujours forte

Ces moyennes masquent naturellement des évolutions contrastées selon les régions. Le prix des terres et prés libres non bâtis dépend des productions agricoles et s'échelonne de 4.150 euros/ha dans les zones d'élevage à 6.000 euros/ha en moyenne dans les zones de grandes cultures. "Mais il subit également localement l'influence des acheteurs non agricoles, en particulier en région Paca où leur prix d'achat dépasse souvent le double du prix consenti par les agriculteurs", note la FNSafer. Quant aux prix des biens ruraux à vocation résidentielle, ils dépendent étroitement de la proximité des bassins d'emploi et des axes de transport ainsi que du cadre de vie (littoral, montagnes, qualité des paysages, du bâti, climat). Sur la période 2002-2011, les zones les plus soumises à la pression foncière urbaine restent les grandes métropoles régionales (Lyon, Lille, Toulouse, région parisienne…), la vallée du Rhône, les littoraux méditerranéen et atlantique et plus généralement le Grand Ouest. D'après l'enquête Teruti-Lucas du ministère de l'Agriculture, la consommation d'espaces agricoles et naturels pour l'urbanisation continue au rythme de 78.700 ha par an soit 25 m2 par seconde, sur la période 2006-2010.
La tendance au grignotage des terres agricoles, principalement due à l'habitat individuel, est donc encore loin d'être enrayée même si la FNSafer constate une meilleure prise de conscience du phénomène. "Les commissions départementales de consommation de l'espace agricole ont une influence positive, bien qu'elles n'aient qu'un avis consultatif, estime Emmanuel Hyest. Quand les collectivités locales mettent en place des documents d'urbanisme, elles font aussi plus attention à la consommation de l'espace agricole et à la qualité de cet espace." La FNSafer entend d'ailleurs travailler davantage avec les élus pour les aider à faire face à la pression foncière. Une collectivité sur six a aujourd'hui souscrit à son service Vigifoncier.fr qui permet de suivre le marché foncier rural en direct, et donc de l'infléchir, et de mieux connaître les dynamiques à l'œuvre dans les territoires.

 

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