Aménagement - Marché foncier rural en 2010 : le gaspillage des terres continue
Après la contraction générale observée en 2009, les marchés fonciers ruraux ont enregistré une reprise en 2010 mais celle-ci n'a pas profité aux agriculteurs, selon l'étude annuelle présentée ce 24 mai par la Fédération nationale des Safer (FNSafer), en collaboration avec le ministère de l'Agriculture. Le nombre de ventes a augmenté tant en nombre (+1,7%) qu'en surface (+3%) et la reprise est encore plus nette en valeur (+12,2%). Celle-ci s'explique "principalement par la reprise des achats par les particuliers de biens bâtis (agricoles, forestiers ou maisons à la campagne) et de terrains à bâtir", souligne l'étude. En 2010, il y a eu 34.000 transactions sur le marché des anciens corps de ferme ou anciens bâtiments agricoles avec terrains attenants (14,9% de plus qu'en 2009). Les achats de résidences principales et de terrains à bâtir par les ménages est motivée par les besoins de logement - c'est notamment le cas dans les secteurs urbains et périurbains les plus actifs, sous l'impulsion des acquéreurs les plus jeunes - tandis que les investisseurs individuels soucieux de diversifier leur patrimoine se sont portés vers les biens agricoles et les forêts, considérés comme des valeurs refuge en période de crise. Dans ce contexte, le prix de la terre agricole a progressé de 1,9% en 2010, pour s'établir à 5.230 euros/ha, alors qu'il était en repli de 0,4% entre 2008 et 2009, le prix des maisons à la campagne a augmenté de 6,3%, à 169.000 euros et celui des terrains à bâtir de moins de moins de 1 ha a bondi de 17,3%, à 31,20 euros/m2, poursuivant une hausse ininterrompue depuis 1997, après le ralentissement de 2009 (+3,1%).
Une fonction résidentielle de plus en plus marquée
Cette reprise du marché foncier rural ne concerne ni les collectivités ni les agriculteurs, souligne la FNSafer. Les premières, qui avaient soutenu le marché de l'urbanisation, jusqu'en 2009, ont diminué l'an dernier leurs surfaces d'acquisition (-13% d'acquisitions). "Encore à un niveau élevé au début de l'année, le nombre mensuel d'acquisitions est en fait devenu le plus bas depuis 2006 à partir du mois d'août, dans un contexte de dégradation des finances publiques", note l'étude. En valeur, les acquisitions du secteur public ont augmenté de 9% du fait de la forte hausse du prix moyen des opérations en secteur urbain entre 2009 et 2010. La reprise du marché de l'urbanisation est donc essentiellement le fait des particuliers en quête d'un terrain à bâtir pour leur résidence principale. Quant aux agriculteurs, pour la deuxième année consécutive, ils ont diminué leurs achats. La fonction résidentielle de l'espace rural prend de plus en plus le pas sur la fonction de production, insiste l'étude. Ainsi, pour la quatrième année consécutive, le marché de l'urbanisation (3,6 milliards d'euros en valeur) dépasse le marché agricole (3,4 milliards d'euros). Les plus-values immobilières réalisées sur les terrains destinés à l'urbanisation sur les bâtiments quittant l'usage agricole, évaluées à 6 milliards d'euros échappent aussi très largement au secteur agricole puisque les agriculteurs n'en captent plus que 4 à 6%. Cette urbanisation des surfaces agricoles est inégalement répartie sur le territoire. C'est naturellement à proximité des grandes villes, du littoral et des grands axes de communication qu'elle est la plus galopante. Les agglomérations de Paris, Lyon, Lille, Toulouse et du Mans ont prélevé en 2010 des surfaces agricoles à un rythme trois fois plus élevé que la moyenne nationale des villes, indique encore l'étude.
7 millions d'hectares de terres agricoles perdus en 50 ans
Une nouvelle fois, la FNSafer met en garde contre le gaspillage des terres agricoles. "La surface agricole a diminué de 7 millions d'hectares entre 1960 et 2010, au profit de la forêt, de l'extension des villes et des infrastructures", rappelle-t-elle, alors que dans les zones d'extension urbaine, les propriétaires font de la rétention dans la perspective de plus-values. "On ne voit pas se dessiner une consommation plus vertueuse des terres agricoles : on est toujours sur une moyenne de 78.000 hectares, correspondant à la disparition de la surface agricole d'un département tous les 4-5 ans", a souligné André Thévenot, président de la FNSafer lors de la présentation de l'étude. La loi de modernisation de l'agriculture a selon lui pris conscience du phénomène mais on en reste surtout au stade de l'observation. "Nous aurions souhaité, comme cela est le cas au Québec, que la commission de déclassement donne un avis décisionnel car il n'y a rien de contraignant dans le dispositif actuel". Il estime qu'aujourd'hui, la balle est dans le camp des collectivités. "Lorsqu'une terre agricole va à l'urbanisation, c'est parce que la commune a révisé son POS ou son PLU en ce sens, la décision est celle du conseil municipal". La FNSafer a donc entrepris d'éclairer les collectivités en développant des sites Internet d’observation foncière leur permettant de prendre connaissance des projets de ventes sur leur territoire. Dès l’automne prochain, ces sites proposeront des indicateurs de consommation d’espace locaux. 5000 communes et groupements de communes - dont la moitié des communes d'Ile-de-France - ont ainsi signé des conventions de veille foncière avec la FNSafer. Pour respecter les zonages agricoles dans leurs PLU, elles seront informées des projets de vente de terres agricoles et pourront demander aux Safer de faire jouer leur droit de préemption.