Archives

Aménagement - Le marché foncier rural rattrapé par la crise

"Les crises économique, financière et agricole de grande ampleur que nous connaissons ont rattrapé le marché foncier rural." André Thévenot, président de la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et rural (FNSafer) a fait montre de pessimisme lors de la présentation des chiffres 2009 du marché immobilier rural le 28 mai. "Le seul marché qui résiste est celui des collectivités qui continuent à soutenir l'investissement sur leur territoire", a-t-il pointé.
Avec la baisse des revenus agricoles depuis deux ans, la contraction du marché des terres et des prés s'est amplifiée par rapport à 2008 (-4% en nombre de transactions, -10% en surface et -11% en valeur) et pour la première fois depuis 1995, le prix des terres libres (5090 euros/ha) accuse une baisse (-1,6%). Sur le marché des terres louées, les prix ont beaucoup mieux résisté, du fait de la présence d'investisseurs non agriculteurs : le prix moyen (3910 euros/ha) a augmenté de 1,1%. "La terre est à nouveau considérée comme une valeur refuge pour qui souhaite épargner à l'abri des fluctuations des marchés boursiers", a relevé le président de la FNSafer.
2009 a vu aussi un retournement marqué du marché des vignes : après trois années de croissance, il s'est replié de 14% en nombre de transactions et de 16% en surface. La hausse des prix s'est aussi essoufflée avec un prix national des "vignes à vin de qualité produit dans une région déterminée" (VQPRD, comprenant les appellations d'origine contrôlée) qui n'a progressé que de 2,5%. Le marché des forêts a aussi reculé de 21% en surface, avec un retrait encore plus marqué (36%) pour les domaines de plus de 50 hectares. Après une hausse de 77% entre 1997 et 2008, le prix des forêts ne s'est maintenu (+0,9% entre 2007 et 2009) que grâce à la forte diminution des surfaces vendues. Le marché des maisons à la campagne, dont beaucoup sont des résidences principales, a pour sa part connu la même spirale à la baisse que l'immobilier urbain : sur la période 2007-2009, les transactions ont chuté de 27% et à 188.000 euros, le prix moyen du lot a perdu 10,9%. Fin 2009, le marché a toutefois donné des signes de rétablissement.

 

Le gaspillage des terres se poursuit

Le marché de l'urbanisation, qui correspond aux ventes de terres destinées à être utilisées dans les prochaines années pour créer des logements individuels ou collectifs, des zones d'activités commerciales, industrielles, artisanales et des infrastructures, a lui aussi connu un nouveau repli en nombre de transactions (35.900, soit -16%), en surface (37.400 hectares, -24%) et en valeur (3,4 milliards d'euros, -30,6%). Le retrait des acteurs privés a été très marqué. Les personnes morales privées, dont les promoteurs, ont reporté leurs projets et leur retrait s'est amplifié de manière flagrante en 2009 (-26,2% en nombre de transactions et -31,4% en valeur) tandis que les achats des particuliers (hors lotissement) ont été touchés par le durcissement des conditions de crédit (-17,9% en nombre). Par contre, le secteur public a joué le rôle d'"amortisseur de la crise", a souligné la FNSafer. Malgré la baisse de leurs recettes (droits de mutation et impôts locaux), les collectivités ont continué à augmenter le nombre de leurs opérations (+1,6%) pour une valeur globale stable.
Une nouvelle fois, la FNSafer a mis en garde contre la poursuite du gaspillage des terres agricoles. Même si pour la première fois depuis 1997, le taux de prélèvement d'espace naturel connaît une infime régression, les pressions restent très fortes à proximité des grandes agglomérations, le long des grands axes de communication, dans les zones résidentielles et sur le littoral. Le prélèvement de surfaces agricoles et forestières pour l'extension urbaine peut ainsi dépasser le triple de la moyenne nationale, qui représentait 40.400 hectares en 2007-2009, dans le périurbain proche (Lille, Le Havre, grande couronne parisienne, Laval, Le Mans, Tours, Lyon, Toulouse), sur une partie du littoral du Languedoc et en Vendée. La vitesse de l'extension urbaine s'est aussi accélérée dans des zones plus rurales où la surface urbanisée ne représentait jusqu'alors qu'une faible proportion de la surface totale, a constaté la Safer. C'est notamment le cas dans le nord des Alpes, dans une partie de la Corse, en Charente-Maritime, dans le sud de la Mayenne et sur le littoral picard et bas-normand.
Pour les dirigeants de la FNSafer, les dispositions du projet de loi de modernisation de l'agriculture pour freiner le grignotage des terres restent largement insuffisantes. Le texte qui a été adopté le 29 mai en première lecture au Sénat prévoit la création d'un observatoire de la consommation des terres agricoles et d'une commission chargée de donner son avis sur le déclassement de ces terres. "Lorsque nous avons participé aux groupes de travail du ministère de l'agriculture, nous avions proposé d'établir un zonage pérenne des terres agricoles dans les documents d'urbanisme et de rendre le déclassement des terres agricoles plus contraignant en instaurant une commission qui donnerait ou non son accord sur le déclassement", a rappelé André Thévenot. Pour André Barbaroux, directeur général de la FNSafer, "on se retrouve au final avec un observatoire qui n'est qu'un thermomètre et une commission de type loi Royer pour l'urbanisme commercial qui n'a servi à rien et a fini par disparaître".


Anne Lenormand