Economie - Le marché des forêts freiné par la crise
Après 15 années de progression quasi continue, le marché des forêts a reculé de 21% en 2009 en nombre de transactions et sa valeur (860 millions d'euros) est repassée sous la barre du milliard d'euros pour la première fois depuis trois ans. Ces chiffres proviennent de l'étude annuelle réalisée par la Fédération nationale des Safer avec la Société forestière, filiale de la Caisse des Dépôts, qui a été présentée ce 20 mai. Selon cette enquête, qui s'appuie sur les notifications des projets de ventes adressées par les notaires aux Safer, seuls 93.000 hectares de forêts ont été échangés en 2009 contre 118.000 en 2008. Les biens de plus de 50 hectares ont été les plus affectés avec une chute de 32% du nombre de transactions et de 36% des surfaces échangées alors que le recul a été respectivement de 8% et de 9% pour les biens de moins de 50 hectares. Les biens comportant une forêt et un bâtiment ont pour leur part mieux résisté que les biens non bâtis : ils enregistrent une baisse deux fois moins forte en nombre (-4% contre -9%) et en surface (-12% contre -24%).
En euros courants, l'indice du prix moyen biennal (2008-2009) des forêts est de +0,9% alors qu'il était de +7,1% pour 2007-2008 et de +8,5% pour 2006-2007. "La contraction du marché est à replacer dans le contexte de crise économique et financière qui a notamment entraîné en France une régression du secteur de la construction de plus de 17% par rapport à 2008", a commenté Robert Levesque, de Terres d'Europe-Scafr, le département études de la FNsafer. Les ravages causés par la tempête Klaus dans le grand Sud-Ouest fin janvier 2009 encore accentué les effets de la récession.
Les premiers acquéreurs sur le marché des forêts sont aujourd'hui les personnes morales - institutionnels, groupements forestiers, et dans une moindre mesure collectivités locales. Toutes catégories confondues, ils ont acheté en 2009 44% des surfaces et leur patrimoine s'est renforcé de 10.000 hectares. Leur présence est particulièrement forte sur le marché des biens de plus de 100 hectares où ils ont réalisé 64% des ventes et acheté 71% des surfaces. De 2007 à 2009, le secteur public - Etat, collectivités territoriales et établissements publics - a acquis 9.600 hectares. Ces achats sont en repli de 25% par rapport 2006-2008 et de 33% par rapport à 2005-2007. Mais avec 2.900 hectares acquis et 1.600 hectares vendus en 2009, les personnes morales publiques ont encore accru leur patrimoine de 1.300 hectares l'an dernier.
Les communes déjà propriétaires de forêts dans le quart nord-est ont été particulièrement actives mais des acquisitions importantes (supérieures à 200 hectares) ont aussi été réalisées en Aquitaine, en Franche-Comté, dans le Loiret, la Somme, en Côte-d'Or, en Lozère et dans trois départements du littoral méditerranéen (Gard, Bouches-du-Rhône, Var).
Pour Laurent Piermont, président-directeur général de la Société forestière, le repli du marché de la forêt ne remet pas en cause son attractivité, bien au contraire. "On retrouve sa qualité de valeur refuge, moins risquée que d'autres placements, estime-t-il. Par ailleurs, l'essor croissant de la filière bois-énergie et tout particulièrement du marché du granulé bois offre de nouvelles perspectives de développement". Reste à s'inspirer des autres pays européens comme l'Allemagne qui ont su organiser des filières bien structurées pour développer cette énergie renouvelable.
Selon André Thévenot, président de la FNSafer, cela passe aussi en amont par une restructuration du parcellaire forestier, qui souffre d'un trop grand morcellement. Résultat : "30% de la production forestière française est aujourd'hui inexploitée, a-t-il rappelé. La restructuration est la pierre angulaire d'une meilleure valorisation de la ressource et nous menons des actions en ce sens avec les collectivités en Franche-Comté, en Lorraine et en Aquitaine, notamment."
Anne Lenormand