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Foncier - Terres agricoles périurbaines : les Safer appellent les collectivités à agir contre le gaspillage

Réunies en congrès le 1er décembre à Paris sur le thème de l'aménagement durable dans les zones périurbaines, les Safer ont une nouvelle fois alerté sur la nécessité de maîtriser le foncier pour préserver le potentiel agricole et l'environnement face à l'urbanisation galopante.

"Nous devons passer de la phase du constat de l'étalement urbain à l'action politique : les collectivités, qui sont les décideurs en matière d'utilisation des sols, ont des choix à faire pour une répartition plus équilibrée du foncier entre les besoins liés à l'urbanisation et ceux du développement économique dont l'agriculture fait partie dans toutes ses formes, des grandes cultures à l'agriculture biologique." C'est en ces termes qu'Emmanuel Hyest, président de la Fédération nationale des Safer (FNSafer) a résumé les enjeux du développement des zones périurbaines, thème central du congrès national des Safer organisé le 1er décembre à Paris. Dans les années 60, lorsque les Safer (sociétés d'aménagement foncier et rural) ont été créées, 40.000 hectares de terres agricoles étaient consommés chaque année par l'urbanisation. Entre 1980 et 1992, ce chiffre est passé à 54.000 hectares puis à 61.000 au cours de la période 1992-2003, avant d'atteindre le niveau record de 78.000 au cours des années 2006 à 2010.  Sur ce total, 50.000 hectares sont bétonnés ou recouverts de bitume, ce qui rend leur retour à un usage agricole ou environnemental impossible. En outre, soulignent les Safer, cette consommation de plus en plus effrénée de sols agricoles dépasse le rythme d'accroissement de la population puisqu'il faut désormais compter 8 m2 supplémentaires par an et par habitant de béton, de bitume, de terrain compacté et de pelouse. Pour les Safer, la surconsommation d'espaces agricoles est d'autant plus inquiétante qu'il faudra de plus en plus de terres pour répondre aux besoins alimentaires des habitants, l'Europe des 27 étant déjà importateur net de produits agricoles.

Des outils de planification à revoir

Il est donc temps de revenir à une consommation raisonnée du foncier agricole, insistent les Safer, en prenant exemple sur des pays proches. "En France, à développement égal, nous consommons le double de ce que font les Allemands, sans doute parce qu'ils ont des communes de taille plus importante, qui disposent de services techniques appropriés et ont une approche différente de l'urbanisme", a illustré Emmanuel Hyest. Car pour le président de la FNSafer, il est possible de rendre acceptable la densité si l'on propose un urbanisme de qualité. "Pourquoi continuer à faire des parkings en surface dans les zones commerciales alors que l'on pourrait tout aussi bien les aménager en sous-sol ?", a-t-il interrogé. Pour inverser le mouvement de gaspillage du foncier, les outils existants ont montré leurs limites et doivent aussi évoluer, estiment les Safer. Selon elles, les documents de réflexion tels que les directives territoriales d'aménagement (DTA) ou les schémas de cohérence territoriale (Scot) n'intègrent que partiellement les problématiques foncières et n'ont pas le plus souvent d'approche transversale, l'urbain étant traité indépendamment des questions agricoles et environnementales.
Les documents de planification - plans d'occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU) - ont vocation à répartir l'espace selon les usages mais leur durée de vie est trop limitée et ne permet pas d'avoir une vision prospective de l'aménagement, jugent aussi les Safer. Quant aux outils de protection - périmètre de protection et de mise en valeur des espace agricoles et naturels périurbains (Paen), zone agricole protégée (ZAP), etc. -, leur application est considérée comme étant plus expérimentale qu'opérationnelle. Les commissions départementales de la consommation des espaces agricoles, instaurées par la loi de modernisation de l'agriculture du 27 juillet 2010 ne peuvent émettre pour leur part qu'un avis consultatif sur les projets de changements de destination des terres agricoles.

Stabiliser les documents d'urbanisme

Pour les Safer, la mesure la plus urgente serait de pérenniser les documents d'urbanisme. "Dans les zones périurbaines, pour organiser une agriculture de proximité, économiquement viable, nous travaillons sur des projets de long terme, a expliqué Hervé Billet, président de la Safer de l'Ile-de-France. L'instabilité des documents d'urbanisme, révisés à chaque mandature, constitue une vraie difficulté." Sur 1.300 communes franciliennes, un tiers des documents d'urbanisme sont aujourd'hui en phase de révision. Un cadencement jugé insupportable par les Safer. Face aux besoins contradictoires du développement urbain, dont la quête de foncier s'inscrit dans l'urgence, et ceux de l'agriculture, il faut donc trouver un équilibre subtil. "Des collectivités comme l'agglomération du Havre, qui dispose encore d'une centaine d'exploitations agricoles en périphérie, ont compris à quel point cela constituait un atout pour leur développement futur", a noté  Emmanuel Hyest. Sur la question du bon équilibre des usages du foncier, les Safer souhaitent approfondir leur partenariat avec les collectivités aussi bien qu'avec les établissements publics fonciers que les agences d'urbanisme. Plus de 7.000 communes, représentant près de 60% de la population, ont passé une convention avec elles. A partir de diagnostics de territoires, d'observation foncière, notamment via un nouveau site cartographique en ligne baptisé Vigifoncier, les Safer les accompagnent dans leur stratégie foncière, expertisent, achètent et attribuent des biens pour installer des agriculteurs, restructurer des exploitations ou préserver des espaces naturels. "Il appartient aux collectivités, qui sont nos donneurs d'ordres, de faire les arbitrages et de nous donner des bons de commande lisibles, a souligné Michel Heimann, directeur général de la FNSafer. Mais notre action a des limites : nous achetons et nous revendons, nous nous adressons à des propriétaires et nous devons avoir en face de nous des porteurs de projets pérennes."