Audiovisuel - Concertation publique nationale sur le développement des télévisions locales : montagne ou souris ?

Le 14 janvier 2011, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) engageaient une consultation publique nationale sur le développement des télévisions locales (voir notre article ci-contre du 17 janvier 2011). Cette consultation s'appuyait elle-même sur une étude comparative internationale, réalisée en octobre 2010 par un cabinet spécialisé et consacrée aux conditions de réussite de la télévision locale en France.
Plus d'un an après le lancement de cette consultation publique, le CSA publie la synthèse des résultats. Celle-ci s'appuie sur l'exploitation de 23 contributions, adressées par des fédérations et des syndicats professionnels, des télévisions locales, de grands groupes audiovisuels (France Télévisions, Bolloré Media, RTL Group, Lagardère Active Broadcast), des collectivités territoriales (département de l'Oise, communauté d'agglomération du Grand Troyes, ville d'Angers), ainsi que par l'Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel).

Pas de solution miracle

Il se dégage de ces contributions un certain nombre de pistes, que la synthèse réalisée par le CSA restitue fidèlement, mais sans que l'organisme prenne parti. Du côté du cadre juridique et du fonctionnement général des télévisons locales, la tendance qui se dégage est favorable à un maintien des grandes lignes du système actuel. En particulier, la majorité des contributeurs se dit opposée à la création de zones plus larges pour les appels à candidatures, ce qui conduirait à fusionner les porteurs de projets et les opérateurs. Cet élargissement de la zone de couverture des télévisions locales aurait pourtant l'intérêt d'accroître leur impact publicitaire et d'abaisser les coûts fixes. Mais la perspective de chaînes régionales - auquel aboutirait inévitablement une telle évolution - ne recueille manifestement pas l'assentiment des acteurs.
Sur le modèle économique, il ne se dégage pas non plus de solution miracle. Seuls deux points semblent faire consensus : une amélioration de la mesure d'audience des télévisions locales et davantage de coopération entre les chaînes afin de susciter l'intérêt des annonceurs : syndication publicitaire, harmonisation des grilles, regroupement des zones de chalandise... Ce renforcement des coopérations pourrait également améliorer les conditions de fonctionnement des chaînes, à travers "une plus grande mise en commun des moyens, en vue notamment de développer les échanges des programmes et les régies publicitaires". En revanche, les avis sont beaucoup plus réservés sur l'ouverture de la publicité aux promotions de la grande distribution, qui risque de bouleverser le marché publicitaire local et de déstabiliser la presse écrite.

Le "caractère essentiel" du soutien des collectivités

Sur la question du financement des télévisions locales, "la plupart des contributeurs sont peu favorables à un assouplissement du dispositif relatif aux concentrations et ne souhaitent pas favoriser l'entrée de grands groupes dans le secteur". En revanche, les opérateurs sont beaucoup plus ouverts à un développement de la coopération avec France 3, mais c'est cette dernière qui est alors nettement plus réservée. Les opérateurs locaux souhaitent aussi la mise en place de partenariats avec les clubs sportifs, afin d'accroître la part d'antenne dévolue aux sports. Enfin, à propos des collectivités territoriales - qui jouent un rôle croissant dans le modèle économique des chaînes locales (voir nos articles ci-contre) -, "un consensus se dégage sur le caractère essentiel de leur soutien". Aussi plusieurs contributeurs suggèrent-ils la mise en place d'un "guide des bonnes pratiques" et une certaine formalisation des procédures, "dans le respect de l'autonomie de ces collectivités".
Il reste maintenant à attendre ce qui sortira de cette consultation, dont on ne peut pas dire qu'elle a débouché sur des propositions fortes. La seule certitude est que d'éventuelles mesures ne sont pas pour tout de suite, comme le laisse entendre la conclusion du CSA : "Dans les prochains mois, le Conseil précisera, en liaison avec la DGMIC, les enseignements qu'il entend tirer de la consultation et en particulier les mesures qu'il préconise en faveur des télévisions locales."

Jean-Noël Escudié / PCA

La prudence pour les télévisions locales, l'ironie pour l'Avicca

Le contenu de la synthèse publiée par le CSA suscite des réactions mitigées. Interviewé dans le dernier numéro de la lettre d'information du CSA, Gilles Crémilleux - président de "Les Locales TV", le syndicat professionnel des chaînes locales hertziennes - est plus réservé que le CSA, notamment sur la question du soutien des collectivités territoriales. Il estime que les services rémunérés - un terme, selon lui, plus proche de la réalité que celui de subventions - par les collectivités "sont fondamentaux, mais on peut craindre leur fragilité vu le contexte économique". Interrogé sur les mesures qu'il juge prioritaires parmi celles évoquées ces derniers mois par le CSA et la DGMIC, il cite un numéro unique sur toutes les offres pour les chaînes locales, mais aussi "qu'un message clair conforte les accords avec les collectivités locales et encourage leur soutien économique".
De son côté, l'Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel) se fait nettement plus critique. Dans un communiqué du 14 février intitulé "Développer la télévision locale : la réflexion nationale mûrit longuement", elle ironise sur le calendrier à rallonge de la consultation, lancée en octobre 2010 avec la publication d'une première étude sur "les conditions de réussite de la télévision locale en France sur la base d'une comparaison internationale", suivie du lancement de la consultation publique en janvier 2011, suivie d'une table ronde en juillet... Dans ces conditions, l'Avicca s'étonne des "quelques mois" supplémentaires désormais demandés par le CSA et la DGMIC pour livrer les enseignements et les mesures qu'ils entendent tirer de la consultation. Selon l'association, "une fois les mesures retenues - excellentes, forcément, après ce long mûrissement - il ne restera plus qu'à les prendre dans le meilleur délai pour qu'elles produisent les heureux effets tant attendus". Conclusion de l'Avicca : "En attendant, les télévisions locales doivent surtout compter sur elles-mêmes et sur les collectivités..." J.-N.E.

 

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