Audiovisuel - Le modèle de financement des chaînes locales par les collectivités est en train de s'imposer
Après une série d'auditions organisées en février (voir notre article ci-contre du 10 février 2010), la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale poursuit ses réflexions sur l'avenir des télévisions locales. Elle met en effet en ligne le compte-rendu d'une table ronde organisée le 6 avril sur ce sujet. Si les échanges entre professionnels et députés ne lèvent pas la "certaine inquiétude" qui s'était exprimée en février, ils offrent néanmoins un panorama très complet des enjeux, mais aussi des difficultés que connaissent les chaînes locales.
Plus de 50 chaînes locales à la fin de l'année
Sylvie Genevoix, présidente du groupe de travail sur les télévisions locales du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), se veut ainsi résolument optimiste, tout en reconnaissant des situations "contrastées" au sein des 45 télévisions locales hertziennes (qui devraient être 50 ou 55 à la fin de l'année), auxquelles on peut ajouter les 116 chaînes locales diffusées sur le câble ou l'ADSL. Le nombre actuel de télévisions locales hertziennes a doublé depuis 2007 et, selon Sylvie Genevoix, seules trois d'entre elles (à Nantes, Orléans et Toulouse) ont été soumises à une procédure de redressement judiciaire. Il faut dorénavant leur ajouter Angers 7 TV, placée en redressement le 21 avril (voir notre article ci-contre du même jour). Les différents participants à la table ronde - professionnels de l'audiovisuel et parlementaires - ont tous convenu que les chaînes locales sont aujourd'hui confrontées à trois difficultés majeures. La première réside dans les coûts de diffusion. Selon Albert Azibert, directeur général délégué de TDF, le coût de diffusion d'un multiplex national - comme le GR1 sur lequel sont diffusées les chaînes locales, aux côtés des chaînes publiques nationales - est de l'ordre de 30 millions d'euros, à diviser par six puisqu'un multiplex regroupe six chaînes. Pour une "grande télévision locale supportant environ deux millions d'euros de charges", le coût de diffusion est ainsi de l'ordre de 400 à 500.000 euros et la part de ce dernier se situe en général entre 10 et 30% des frais. De plus, les chaînes locales sont contraintes de continuer d'émettre en analogique jusqu'à l'extinction du signal et au basculement total sur le numérique, car les contrats passés avec TDF les obligeraient à payer des dédits équivalant aux coûts de diffusion (le passage à la TNT n'étant pas un cas de force majeure). Enfin, elles sont parfois obligées de payer pour des canaux non utilisés. Pour autant, les chaînes locales refusent de quitter le multiplex R1, car elles profitent de la proximité des chaînes publiques nationales.
La seconde difficulté concerne les ressources publicitaires. Selon Sylvie Genevoix, le CSA "ne juge pas vraisemblable que les ressources provenant de la publicité nationale excèdent 5% - 10% au mieux - de l'ensemble de ressources publicitaires des télévisions locales". Aussi plaide-t-il pour une autorisation de diffuser les campagnes de promotion de la grande distribution, hypothèse qui suscite de très fortes réserves de la part de la presse locale, qui craint de perdre sa principale recette publicitaire.
De fortes réserves sur la syndication nationale
Enfin, la dernière difficulté concerne le coût des programmes et la possibilité de le réduire par le biais de la syndication (diffusion des mêmes émissions par plusieurs chaînes locales). Le CSA est hostile à une syndication nationale et "si une syndication devait malgré tout voir le jour, elle ne devrait pas porter sur plus de 30% des programmes de ces chaînes". Les parlementaires sont également très réservés, faisant valoir le risque de perte d'identité des chaînes locales.
Il ressort finalement du débat une seule certitude, partagée par tous les intervenants : alors que les télévisions locales issues du tissu associatif ont à peu près toutes disparu (au moins pour la diffusion hertzienne), le modèle du financement par les collectivités territoriales est en train de s'imposer. Pour Sylvie Genevoix, "l'autre partenaire [avec les groupes de presse, NDLR] sur lequel nous comptons beaucoup, ce sont les collectivités territoriales". Avec l'autorisation donnée en 2004 aux sociétés d'économie mixte d'entrer au capital des chaînes locales, la participation des collectivités au capital des télévisions locales est en effet passée de 15% dans les chaînes analogiques à environ 40% dans les chaînes locales de la TNT "et la proportion ne cesse d'augmenter". Même son de cloche pour Roland Husson, sous-directeur de l'audiovisuel à la direction générale des médias et des industries culturelles, qui se déclare "convaincu que la participation des collectivités locales se révélera capitale". En conclusion de ces débats, Christian Kert, vice-président de la commission des affaires culturelles, s'est dit persuadé "que les télévisions locales ont un avenir", mais il estime "que, pour éviter une syndication excessive, il faut leur donner accès à la publicité locale, et pour cela nous avons besoin du CSA".
A noter, une seconde table ronde s'est tenue le lendemain à l'Assemblée nationale, consacrée cette fois-ci à "la télévision et la publicité un an après la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision". Mais, alors que celle-ci aurait dû être l'occasion d'évoquer aussi la question des recettes publicitaires des chaînes locales, celle-ci n'a finalement pas été abordée.
Jean-Noël Escudié / PCA