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Audiovisuel - Les télévisions locales sont-elles viables ?

Les difficultés que rencontrent les télévisions locales mettent en question la viabilité du modèle économique de ces chaînes ancrées dans leur ville ou leur territoire.

C'est une véritable série noire que vivent actuellement les télévisions locales. Le 5 novembre, la télévision locale Télé Toulouse (TLT) - l'une des principales chaînes locales avec une moyenne de 59.000 téléspectateurs (chiffres Médiamétrie pour le premier semestre 2008) - s'est déclarée en cessation de paiements auprès du tribunal de commerce de Toulouse, qui devrait nommer rapidement un administrateur provisoire. Confrontée à de graves difficultés économiques, la chaîne avait annoncé, le 31 octobre, un plan social réduisant les effectifs de 49 à 31 équivalents temps plein et prévoyant 400.000 euros d'investissements. Mais, selon le directeur général de la station, ce plan - qui a suscité un débrayage immédiat des salariés - a été jugé "insuffisant" par les actionnaires privés de la chaîne (Groupe Lagardère, La Dépêche du Midi, Caisse d'Epargne de Midi-Pyrénées et Sud Communication, filiale du Groupe Pierre Fabre). Ceux-ci souhaitent ramener les effectifs à une vingtaine de personnes seulement. De son côté, la mairie de Toulouse, actionnaire à hauteur de 20%, a assuré sa quote-part en permettant le versement de 50% des salaires d'octobre. Outre la participation au capital, la ville et TLT sont également liées par un accord remontant à 2000 et prévoyant la diffusion à l'antenne d'émissions produites par le service communication, moyennant un financement proche d'un million d'euros.
TLT est loin d'être la seule télévision locale à rencontrer des difficultés. Le groupe Hersant Médias s'est ainsi récemment retiré du capital d'Orléans TV. Il y a été remplacé par la République du Centre, qui a aussitôt procédé à une réduction d'effectifs. L'an dernier, c'est TV7 Bordeaux - la chaîne locale la plus regardée avec une moyenne de 111.000 téléspectateurs - qui avait allégé ses effectifs. Et Télé Lyon Métropole (TLM, 108.000 téléspectateurs) vient d'annoncer la suppression de 5 postes sur un effectif de 38.

 

Un effet de ciseaux

Ces difficultés convergentes soulèvent la question de la viabilité du modèle économique des télévisions locales. En matière de recettes, les annonceurs locaux n'apportent pas des ressources suffisantes et l'audience limitée ne permet pas de valoriser les écrans publicitaires. Les chaînes locales se sont donc tournées vers les annonceurs nationaux, mais elles ont dû rapidement revoir leurs ambitions à la baisse. Outre la faiblesse de leur audience - qui n'est guère de nature à attirer les grands annonceurs nationaux -, elles se heurtent aussi à une syndication encore embryonnaire, malgré la création en novembre 2007 d'Uni TV Publicité par France Télévision Publicité, NRJ Group et le groupe Hersant Médias. Cette régie a vocation à commercialiser l'offre publicitaire locale en télévision, sur le modèle de la régie publicitaire "Les Indépendants" pour les radios locales ou de PQR 66, créé en 1991 pour la presse quotidienne régionale. Mais sa montée en charge intervient alors que la crise économique laisse entrevoir une contraction des budgets des annonceurs.
Côté dépenses, s'il est vrai que certaines télévisions locales se sont montrées un peu trop ambitieuses dans leurs recrutements, la double diffusion hertzienne en analogique et en numérique - en attendant le basculement généralisé sur la TNT prévu pour 2011 - pèse aussi de façon importante sur le budget de fonctionnement des chaînes.

 

M6 décroche en région

La faiblesse des moyens des chaînes locales ne suffit toutefois pas à expliquer des difficultés qui touchent aussi les décrochages locaux des chaînes nationales. La direction de M6 a ainsi confirmé, devant le comité d'entreprise de la chaîne du 24 octobre, sa décision de supprimer ses cinq derniers "6 minutes" (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille et Toulouse). A l'issue des négociations internes en cours, un nouveau comité d'entreprise, prévu le 12 novembre, devrait acter la disparition des décrochages locaux de M6, dont le plus ancien remontait à 1989. Ces cinq bureaux régionaux de la chaîne, qui regroupent une cinquantaine de salariés (sur les 1.600 salariés du groupe) faisaient figure de survivants, M6 en ayant déjà supprimé six au cours des deux dernières années, dont ceux de Montpellier, Nancy et Nice. Dans le cas de M6, cette "recentralisation" s'explique non par des difficultés économiques - la chaîne accroît ses parts d'audience -, mais par l'impact limité des décrochages locaux et par une concentration des moyens au profit du journal national que la chaîne se prépare à lancer.

 

Jean-Noël Escudié / PCA