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Audiovisuel - Rapport Boyon : "Il manque sans doute encore une dizaine de télévisions locales"

Michel Boyon a remis au Premier ministre son rapport sur l'avenir de la télévision numérique terrestre (TNT). On en retiendra surtout que le président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) plaide pour l'adoption rapide d'une nouvelle norme de diffusion de la TNT : la norme DVB-T2 (pour Digital Video Broadcasting - Terrestrial, version 2). En contrepartie d'un changement d'adaptateur - mesure qui risque d'être peu goûtée par les téléspectateurs, alors que trois régions n'ont même pas encore basculé définitivement sur la première version de la TNT (Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon et la partie alpine de Rhône-Alpes) -, le passage à la norme DVB-T2 permettrait de recevoir huit chaînes supplémentaires, dans l'hypothèse - très incertaine - où la Commission européenne ne s'opposerait pas au principe des "chaînes bonus". Un pari ambitieux, alors que Michel Boyon reconnaît lui-même que "l'augmentation du volume global de la publicité à la télévision ne sera au mieux que légèrement supérieure à la croissance économique des prochaines années". Si le gouvernement retenait cette proposition, il faudrait cependant 12 à 18 mois pour que les fabricants puissent proposer les adaptateurs concernés et de nouveaux téléviseurs équipés en standard.
Au-delà de ces considérations nationales, le rapport aborde aussi - de façon discrète - la question des télévisions locales, composantes à part entière de la TNT. Il relève notamment que le développement des chaînes gratuites nationales "ne doit pas dissimuler les difficultés que rencontrent actuellement les télévisions locales, qui ont probablement souffert de ne pas être présentes dans la première vague de la TNT". Michel Boyon reste toutefois optimiste et estime que "le passage au tout numérique permet de redynamiser l'offre française, très inférieure en quantité à celle des grands pays européens". Avec 145 chaînes locales - tous modes de diffusion confondus - la France se situe en effet très loin de l'Allemagne (215 chaînes locales), de l'Italie (590) ou de l'Espagne (731). Le président du CSA rappelle au passage "l'action volontariste" menée par le Conseil depuis trois ans, qui a permis la création d'une trentaine de chaînes hertziennes numériques locales et le passage en mode numérique d'une vingtaine de chaînes hertziennes existantes. Pour l'avenir à court terme, il estime qu'"il manque sans doute encore une dizaine de télévisions locales pour parvenir à une bonne couverture du territoire métropolitain".

L'équilibre des TV locales "reste subordonné au soutien des collectivités"

Michel Boyon reconnaît pourtant que "la situation n'est pas toujours satisfaisante", autrement dit que la viabilité des chaînes locales est loin d'être assurée. Il observe notamment que "même si l'on constate aujourd'hui l'engagement de nouveaux entrepreneurs, l'équilibre des chaînes locales reste subordonné au concours des collectivités territoriales et, parfois, au soutien de la presse quotidienne régionale" (voir notre article ci-contre du 17 janvier 2011). Toutefois, avant de porter un jugement définitif sur la viabilité des chaînes locales, le président du CSA demande que l'on attende les effets d'un certain nombre de mesures décidées ou à l'étude : harmonisation des dispositifs de financement, incitation au partage des coûts de structure, définition de nouvelles formes de tournage ou de montage, encouragement au regroupement autour de bassins d'une audience potentielle plus importante...
Après la réception du rapport, François Fillon a publié, le 12 septembre 2011, un communiqué très prudent. Au-delà des traditionnels remerciements pour la qualité du travail accompli, le Premier ministre se contente en effet d'indiquer qu'il "a transmis ces conclusions pour analyse" à François Baroin, Frédéric Mitterrand et Éric Besson. Une position très en retrait, alors que le gouvernement avait déjà transmis à la Commission européenne, sans attendre la remise officielle du rapport, un projet de modification de l'arrêté du 24 décembre 2001 relatif à la TNT.
Le Sénat avait déjà pris les devants : dans un communiqué du 1er septembre intitulé "Lancement de la norme DVB-T2 : il est urgent d'attendre", Catherine Morin-Desailly - sénatrice (Union centriste) de Seine-Maritime, présidente du groupe d'études Médias et nouvelles technologies et rapporteur de la mission Médias à la commission de la culture et de la communication - s'était ainsi déclarée "opposée à la mise en place rapide d'une nouvelle norme pour les futures chaînes de la TNT".