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Prévention - Charles Gautier : "Le pouvoir régalien de la sécurité est de plus en plus partagé"

Face à l'évolution des métiers de la prévention, le CNFPT travaille à la création d'un nouveau catalogue de formations qui devrait sortir en septembre prochain.

Les métiers de la sécurité et de la prévention sont en pleine évolution et doivent s'adapter à une avalanche de textes, dont le dernier en date, la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite "Loppsi 2") actuellement discutée à l'Assemblée, qui donne de nouvelles compétences aux policiers municipaux. Il y a également le plan de prévention présenté par le Premier ministre, en octobre dernier, dont le but est de redynamiser la loi de prévention de la délinquance de 2007. Dans ce contexte, le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) et l'Acsé (Agence nationale pour la cohésion et l'égalité des chances) travaillent ensemble à l'élaboration d'un catalogue de formations. Un colloque organisé le 9 février à Paris a permis d'en poser les jalons.
Le point sur tous ces enjeux avec le sénateur-maire Charles Gautier, président du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU) et chargé des questions de formation de sécurité au CNFPT.

 

Localtis : La loi sur la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 a donné au maire un rôle de pilote sur sa commune. Concrètement, qu'a-t-elle changé dans vos pratiques ?

Charles Gautier : Les maires ont été tout à fait favorables à ce qu'on rappelle qu'ils sont cœur du dispositif de prévention. Ce n'était pas nouveau mais ce rappel n'était pas de mauvais aloi et a été plutôt bien accueilli. Là où il y a plus de difficultés en revanche, c'est que la loi n'a pas apporté de moyens supplémentaires, c'est un peu "débrouille-toi !". Les maires ont également insisté pour ne pas rentrer dans la chaîne pénale. Il faut conserver ce lien direct entre le maire et les habitants. Si par des initiatives un peu maladroites, les habitants se disent que quand ils viennent nous voir, les informations risquent de partir dans un dossier ou faire l'objet une procédure, il y aura une rupture de la confiance.

 

En préparation depuis plus de deux ans, la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2) arrive enfin au Parlement. Que vous inspire-t-elle ?

On ne comprenait pas pourquoi elle ne sortait pas. Normalement, une loi d'orientation sert à donner des objectifs sur une période donnée. Celle-ci donne plutôt l'impression de chevaucher quelques poncifs à la mode. La question du couvre-feu des mineurs, par exemple, ne va pas être très facile à mettre en pratique. Pour tout dire, je crois qu'il s'agit surtout d'un texte de circonstances.

 

Cette loi vise notamment à faciliter la mise en place d'équipements de vidéoprotection, un thème qui vous est cher puisque vous êtes l'auteur d'un rapport sénatorial sur le sujet. Répond-elle à vos attentes et apporte-t-elle les garanties suffisantes ?

Le gouvernement a la volonté de tripler le nombre de caméras. Je ne vois pas d'objection à l''installation de systèmes de vidéoprotection mais à condition qu'ils soient accompagnés d'autres outils. Ce qui m'inquiète un peu, c'est que le montant du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) dont le montant a été fixé à 35 millions d'euros en 2010, n'augmente pas et qu'il est même en légère régression. De plus, il est massivement orienté vers la vidéoprotection au détriment des autres actions, comme la lutte contre la toxicomanie ou les violences intrafamiliales par exemple.

 

Le préfet Philippe de Lagune, secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance, a expliqué, mardi, que les contrats locaux de sécurité étaient en "chute libre" et que, dans le cadre du plan de prévention de la délinquance, ils allaient donner lieu à partir de juin à des "stratégies territoriales" (voir encadré). Qu'en pensez-vous ?

Je reste un peu interrogatif. Cela mérite d'être creusé. En matière de prévention et de sécurité, il faut être modeste. Lorsqu'il y a une proposition nouvelle, il faut la tester, on doit tous s'atteler à la même tâche.

 

L'essor des métiers de la prévention fait naître un besoin de formations. Quand est-ce que le nouveau catalogue du CNFPT pourrait voir le jour ?

Les collectivités sont amenées à occuper une place de plus en plus grande en matière de prévention. Elles recrutent des policiers municipaux, des médiateurs, des opérateurs vidéo… Ces métiers n'existaient pas au départ ou sont en pleine évolution. Il faut donc des formations adaptées. Le ministère de l'Intérieur doit définir des statuts, ce qui est le cas en ce moment avec la police municipale. Il faut se pencher à la fois sur les formations initiales et permanentes, ne serait-ce, par exemple, que parce que les technologies évoluent. Tout un catalogue de formations est en train de se faire, qui pourrait être mis en œuvre en septembre après adoption par le CNFPT.


Il y a aujourd'hui un malaise dans la police municipale. La Loppsi 2 lui donne de nouvelles prérogatives qui, aux dires des syndicats, ne répondent pas à une attente de leur part. Est-ce que l'on assiste à un désengagement de l'Etat ?

C'est un vrai problème. Le pouvoir régalien de la sécurité est de plus en plus partagé. La police municipale a été faite pour exécuter les arrêtés du maire. Ce que remettrait en cause le fait de conférer la qualité d'agent de police judiciaire au directeur des services de police municipale. Dans les contrats que l'Etat passe avec les collectivités, il a tendance à se délester de certains travaux, on sent une certaine carence. Dans le même temps, on assiste à une réduction des effectifs de fonctionnaires dans tous les domaines, y compris la police et la gendarmerie où les besoins sont criants. 6.000 postes ont été supprimés en 2008, même s'il est vrai qu'en France, on a plutôt affaire à un problème de répartition qu'à un manque d'effectifs. On pourrait par exemple s'interroger sur l'utilisation des gardes mobiles et des CRS.
 

Propos recueillis par Michel Tendil

 

Des "stratégies territoriales"

"L'application de la loi de prévention de la délinquance du 5 mars 2007 n'atteignait pas les objectifs, les contrats locaux de sécurité étaient en chute libre", a expliqué Philippe de Lagune, secrétaire général du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance, en présentant les grands axes du plan de prévention de la délinquance, le 9 février. Ce plan, voulu par le président de la République et présenté par le Premier ministre, le 2 octobre dernier, a notamment pour but de relancer la loi de 2007 restée dans les starting-blocks. Mais la principale mesure de ce plan est la création de "stratégies territoriales" destinées à remplacer les CLS, le dispositif lancé en 1997 par Jean-Pierre Chevènement. "La formule d'un contrat statique connaissait de moins en moins de succès et avait besoin d'être redynamisée", a justifié Philippe de Lagune. Et de présenter les nouvelles stratégies territoriales comme les "feuilles de route" dont les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLPSD) devront se doter d'ici le mois de juin prochain. Ces stratégies fixeront "les priorités opérationnelles et les échéances". Toutefois, le préfet a assuré qu'il n'était pas question de tirer un trait sur les CLS qui marchent. "S'ils meurent, l'idée est d'aller vers un management plus dynamique", a-t-il précisé. Seul problème, il n'existe aujourd'hui que 800 CLSPD, alors que la loi de 2007 avait prévu de les généraliser à toutes les communes de plus de 10.000 habitants. Même échec du côté des conseils des droits et devoirs de la famille créés par la même loi : 31 ont été installés et une dizaine sont en préparation.
M.T.

 

 

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