Europe - Ceta : des députés français dénoncent l'ultimatum de Bruxelles contre la Wallonie
Quatre députés français, dont la présidente écologiste de la commission des affaires européennes, Danielle Auroi, ont pris position dans un communiqué du 20 octobre 2016 contre l'application provisoire du Comprehensive Economic and Trade Agreement (Ceta) ou Accord économique et commercial global prévu entre le Canada et l'Union européenne. C'était déjà le sens de la résolution qu'ils avaient déposée à l'Assemblée nationale, et qui a été rejetée le 5 octobre. Les députés prennent à présent la défense de la Wallonie qui, le 20 octobre, a à nouveau rejeté la nouvelle proposition de la Commission qui espérait une ratification du traité le 27 octobre, lors du sommet canado-européen. "Avant-hier, mardi 18 octobre, le Conseil de l'Union européenne n'a pas été en mesure d'adopter le Ceta, signale ainsi le communiqué, la Belgique (et en particulier la Wallonie) est montrée du doigt pour son refus du contenu de l'accord et la commissaire Malmström lui a posé une sorte d’ultimatum. Au lieu de se questionner sur les raisons de ce rejet par nos amis belges, la commissaire sort de son rôle".
Le Ceta correspond à un accord commercial de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, qui a été dévoilé en septembre 2014 et réécrit en février 2016, à la suite de nombreuses critiques. Il prévoit la réduction des droits de douane entre l'Union européenne et le Canada, avec notamment la suppression de 92,2% des droits de douane agricoles (sauf les œufs et la volaille) et de 94% dans sept ans*. Le texte prévoit aussi la convergence de certaines normes pour limiter les barrières non-tarifaires. Objectif : réduire de 36 à 3% la part des exportations européennes soumises à de tels obstacles.
Ouverture des marchés publics canadiens
L'accord prévoit d'ouvrir les marchés publics canadiens. Les entreprises européennes bénéficieront ainsi d'un accès facilité à ces marchés (30% contre 10% de marchés ouverts actuellement), notamment dans le secteur hospitalier. En Europe, les marchés publics sont déjà ouverts à près de 90%.
Le texte prévoit aussi la possibilité pour les gouvernements d'introduire des critères environnementaux et sociaux dans l'attribution des marchés publics, tout en les incitant à choisir l'offre la plus avantageuse, et prévoit la protection de 145 appellations géographiques européennes, parmi les 1.500 existantes, sur le territoire canadien.
Malgré quelques avancées, les Wallons critiquent toujours le texte, considérant que les progrès sont insuffisants dans le domaine agricole, des services publics et des mécanismes d'arbitrage entre les Etats et les multinationales.
Un système de règlement des différends entre Etats et entreprises serait créé. Il permettrait notamment aux multinationales d'attaquer certaines règlementations ou arbitrages de pouvoirs publics. En revanche, les Etats ne pourront pas attaquer les investisseurs… Les opposants à l'accord pointent le risque d'affaiblir encore davantage les Etats.
La France quant à elle, et d'autres pays comme la Suède ou la Finlande, défend le texte, qui représente selon les mots de Matthias Fekl, secrétaire d'Etat au commerce extérieur "l'anti-Tafta" (l'autre projet de traité de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis), notamment sur la reconnaissance des indications géographiques protégées et la libéralisation de l'accès aux marchés publics canadiens.
Au-delà de la ratification prévue le 27 octobre et qui pourrait ainsi être compromise, le texte devra encore être ratifié au Parlement européen en janvier 2017 et il devra ensuite obtenir l'approbation des 38 parlements nationaux et régionaux de l'Union européenne, car il concerne les compétences de l'Union européenne et des Etats-membres (il s'agit d'un "accord mixte"). Un processus qui risque d'être long. Mais l'application provisoire de l'accord est prévue dès le début de l'année 2017. Les 28 gouvernements européens y ont en effet consenti l'été dernier. Reste qu'on ne connaît pas encore les chapitres qui seront concernés par cette application provisoire…
Emilie Zapalski
* Pour la viande bovine et porcine, le maïs doux et le blé tendre, les importations dans l'Union européenne sont limitées à un quota annuel, au-dessus duquel les droits de douane sont maintenus.