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Economie - Traité transatlantique : le Cese fixe des lignes rouges

Dans son avis sur les enjeux de la négociation du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI) adopté le 22 mars 2016, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) met l'accent sur des principes et des "lignes rouges" sur lesquels l'Union européenne ne doit pas céder.

Pour démarrer les travaux de sa mandature, la nouvelle assemblée du Conseil économique, social et environnemental (Cese) a fait le choix de débattre d'un avis sur les enjeux de la négociation du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (PTCI). C'est sur la base d'une saisine gouvernementale que la section des affaires européennes et internationales du Cese a planché sur le PTCI, projet d'accord entre l'Union européenne (UE) et les Etats-Unis, dit de "troisième génération", c'est-à-dire dépassant le champ strict de la réduction des barrières douanières pour parvenir à une élimination des obstacles non tarifaires et instaurer une forme de convergence règlementaire entre les deux parties. Cet avis a été adopté le 22 mars 2016 par 127 voix pour, 31 votes contre et une abstention. "C'est l'enjeu de convergence réglementaire qui génère le plus de fantasmes et qui a été le plus discuté lors de nos débats", confiait à la presse le rapporteur, Christophe Quarez (CFDT) peu avant l'adoption de l'avis. Des "divergences profondes" existent au sein du Cese sur ce projet d'accord. "Certains sont conscients des lignes rouges" que comporte ce traité "porteur de risques" sur plusieurs sujets, principalement sur la prise en compte de normes sociales, sanitaires et environnementales et sur les Biens communs. D'autres, au contraire, estiment qu'il représente "une opportunité de promouvoir les valeurs européennes de protection sociale et environnementale, voire qu'il permettra d'ouvrir aux entreprises françaises de nouveaux marchés aux Etats-Unis, porteurs d'emploi et de croissance". Environ 400 amendements ont été apportés au projet d'avis qui a fait l'objet de "débats vifs en section", d'après Christophe Quarez.
Le Cese estime que trois préalables sont indispensables à la bonne conduite des négociations. Il faut en premier lieu "réaliser des études d'impact préalables par pays et secteur d'activités" pour évaluer précisément les répercussions potentielles du PTCI sur les plans économique, social et environnemental. Il faut ensuite "déterminer clairement les activités concernées par la négociation en s'appuyant sur la méthode des listes positives" et non pas sur la méthode actuelle des listes négatives (secteurs exclus de la négociation). Le Cese réitère sa "ferme opposition" à ce que certains secteurs comme la santé, les services sociaux, l'éducation, la culture, la défense notamment puissent être concernés par les dispositions de l'accord, c'est-à-dire, ouverts à la négociation. "Les enjeux sociétaux ne doivent pas être subordonnés aux enjeux commerciaux", souligne Christophe Quarez. Enfin, le Cese préconise de "maintenir un calendrier de négociations indépendant de l'échéance électorale américaine" pour éviter toute précipitation et "veiller à ce que les divergences internes à l'Union européenne n'affaiblissent pas sa position de négociateur".

Ratification par les parlements nationaux

Le Cese souligne aussi le "caractère mixte" du PTCI. Celui-ci dépassant le strict champ de la politique commerciale commune de l'UE, il devra être ratifié par les parlements des Etats membres. D'autre part, il recommande d'être "beaucoup plus ambitieux pour la transparence des négociations". Il plaide notamment pour l'établissement après chaque cycle de négociations d'un tableau de bord de l'état d'avancement des négociations. Il suggère en outre la tenue d'un grand débat public, à l'échelle européenne et nationale sur le projet de PTCI, ouvert à toutes les parties prenantes : entreprises, organisations et citoyens compris, pour mettre en discussion les principaux enjeux. Le Cese propose enfin de "reconsidérer la proposition de la Commission européenne en vue de la création d'une véritable cour de justice internationale ayant compétence pour le règlement des différends entre investisseurs et Etats".
Le Cese complète son avis par deux focus : l'un sur le secteur agricole, l'autre sur les petites et moyennes entreprises (PME). "Si sa balance commerciale est excédentaire (de 6,1 milliards en 2014) avec les Etats-Unis, l'agriculture européenne pourrait cependant être affaiblie par la mise en œuvre du traité transatlantique", prévient Thierry Pouch, chef du service des études économiques de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), auditionné par la section du Cese. D'après les rédacteurs de l'avis, "seules de rares filières [de l'agro-alimentaire], parmi lesquelles le Diester, l'huile d'olive, le cidre ou la production fromagère, pourraient tirer leur épingle du jeu si le PTCI était conclu". La filière laitière "ne devrait pas faire figure de secteur intégralement perdant". Ce que n'ont pas confirmé les représentants du Conseil national des appellations d'origine laitières (Cnaol), lors de leur audition, le 23 mars, par la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale sur les conséquences du Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement sur les appellations d'origine protégée (AOP). "La France compte 50 AOP laitières", a expliqué Claude Vermot-Desroches, président de la filière Comté. L'enjeu du PTCI est "d'obtenir une reconnaissance des AOP et des indications géographiques protégées (IGP) pour être identifiés sur le marché américain". Et c'est "urgent", a-t-il ajouté car "de nombreux pays concluent des accords bilatéraux avec les Etats-Unis". La production fromagère pourrait tirer un certain bénéfice de ce traité car chaque année, 372.000 tonnes de fromages sont exportés, dont 12.000 tonnes de fromage AOP. Mais il est "urgent" de défendre les AOP face aux usurpations d'appellations qui se multiplient. Et ceci d'autant plus que "les consommateurs américains se montrent de plus en plus intéressés par l'origine réelle des produits", souligne Claude Vermot-Desroches.
En ce qui concerne la filière viticulture, le Cese estime qu'elle ne sortirait pas forcément gagnante si le PTCI était conclu : outre que les droits de douane sont déjà faibles, elle aurait beaucoup à perdre si les IGP et les AOP étaient remises en cause par cet accord. Egalement auditionnée le 23 mars par les députés, la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à appellations d'origine contrôlées (Cnaoc) a estimé que le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement pourrait représenter "une vraie opportunité pour remettre les pendules à l'heure et obtenir, à l'issue d'une période de transition, une vraie protection". Le Champagne, le Sauternes et le Chablis figurent parmi les appellations les plus menacées par leurs homonymes californiennes…