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Commande publique - Une nouvelle réglementation des marchés publics pour de nouvelles pratiques

A l'occasion du Salon des maires et des collectivités locales, le 2 juin 2016, le Club marchés, organisé par Le Moniteur et achatpublic.com, a permis à ses intervenants de dresser un portrait des nouveautés introduites par la réforme des marchés publics en vigueur depuis le 1er avril 2016. En rupture avec la dynamique antérieure, les textes aujourd'hui applicables demandent aux acheteurs, mais aussi aux élus, de renouveler leur façon d'appréhender les marchés, comme l'expliquent Nicolas Charrel, avocat, et Alain Bénard, vice-président de l'Association des acheteurs publics (AAP).

Un changement de logique : la consécration de l'achat

Si le Code des marchés publics de 2001 marque le besoin de sécurisation des marchés, le point d'orgue de cette prédominance du juridique est la création de la nomenclature des achats. Cette dernière est toutefois considérée par beaucoup comme inadaptée aux besoins de l'acheteur et un renversement de logique verra le jour ensuite avec, selon Nicolas Charrel, le passage d'une procédure de passation à un processus d'achat. Le vocabulaire utilisé par l'ordonnance du 23 juillet 2015 et son décret en est d'ailleurs un révélateur : plus de pouvoir adjudicateur ou d'entité adjudicatrice mais des acheteurs. Ainsi, "cette réforme s'inscrit en rupture par rapport à toute l'évolution de la commande publique ces dernières années". Il s'agit d'ailleurs d'un mouvement qui ne se limite pas aux contrats publics puisque la réforme des contrats privés suit le même chemin et entrera en vigueur le 1er octobre prochain.

D'une réglementation stricte à une liberté de choix

De nombreuses pratiques interdites sont aujourd'hui permises, ce qui peut conduire à une perte de repères. Alain Bénard préconise donc de faire remonter ces modifications aux élus. En effet, "une signature absente ou une candidature incomplète ne sont plus aujourd'hui synonymes d'éviction". Au nombre de ces innovations figurent la fin de l'obligation de signature de l'acte d'engagement, la possibilité de régulariser une offre irrégulière ou inacceptable ou encore la possibilité d'analyser les offres avant les candidatures. Il s'agit donc d'un bouleversement des pratiques auquel il faudra s'habituer. Pour les collectivités notamment, le rôle de la commission d'analyse des offres (CAO) est largement diminué. L'ouverture des offres ne se fait plus nécessairement en son sein. Le passage en CAO reste obligatoire uniquement pour l'attribution des marchés d'un montant supérieur aux seuils européens.

Négociation, sourçage et offres variables

Pour l'Association des acheteurs publics, le contrepoids de cette liberté est la nécessité de motiver ses choix, de la façon la plus claire possible et le plus en amont possible, que ce soit en matière de négociation ou d'allotissement. La transparence prime à l'heure de la consécration des échanges préalables au marché. En effet, la mesure phare de cette réforme est avant tout le sourçage. Définie à l'article 4 du décret marchés publics du 25 mars 2016, cette pratique est "une nécessité et un bienfait pour les acheteurs" selon le vice-président de l'AAP. Ainsi, il ne s'agit pas seulement d'acquérir une connaissance économique de son environnement mais aussi de "vendre" les marchés publics c'est-à-dire de convaincre les opérateurs de candidater.
Enfin, les offres variables de l'article 32 de l'ordonnance marchés publics du 23 juillet 2015 sont au cœur de nombreuses discussions du fait de leur complexité de mise en œuvre. Un acheteur public peut désormais autoriser la remise d'offres variables en fonction du nombre de lots qui seront attribués alors qu'obtenir un rabais pour plusieurs lots était jusqu'ici interdit. Cette possibilité est néanmoins subordonnée à une décision de l'acheteur en amont du marché, le règlement de la consultation devant alors être particulièrement précis sur ce point.