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Commande publique - Traitement des offres non conformes : l'avis de l'Autorité de la concurrence

La commune de Saint-Germain-en-Laye a saisi l'Autorité de la concurrence afin d'obtenir son avis sur le sort réservé par l'article 61 du projet de décret Marchés publics aux offres non conformes. Il en ressort qu'il convient de ne pas éliminer les offres entachées d'erreurs minimes, et d'inviter l'ensemble des entreprises à régulariser leur offre.

La commune de Saint-Germain-en-Laye a saisi l'Autorité de la concurrence afin d'obtenir son avis sur le sort réservé aux offres non conformes par l'article 61 du projet de décret Marchés publics. En effet, l'Autorité peut être consultée sur une question de concurrence, notamment par le gouvernement ou une collectivité. N'ayant pas été saisie de l'ensemble de la nouvelle réglementation relative aux marchés publics, son avis du 15 février 2016 concerne seulement les offres non conformes. L'Autorité de la concurrence regrette d'ailleurs de ne pas avoir eu l'occasion d'émettre un avis sur ces textes et a émis le souhait d'être consultée à l'avenir en cas de transposition de textes européens relatifs à la commande publique.
L'objet de la saisine porte donc sur les offres non conformes, expression qui désigne en réalité trois catégories d'offres définies par l'article 35 du code des marchés publics (CMP). Tout d'abord, l'offre irrégulière "apporte une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, [mais] est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans les documents de la consultation". L'offre inacceptable, en revanche, comporte des conditions d'exécution qui "méconnaissent la législation en vigueur" ou ne peut être financée par "les crédits budgétaires alloués au marché". Enfin, l'offre inappropriée est "une offre qui apporte une réponse sans rapport avec le besoin du pouvoir adjudicateur et qui peut en conséquence être assimilée à une absence d'offre".

Un traitement différent selon la procédure mise en œuvre 

Le traitement de ces offres diffère selon la procédure mise en œuvre : avec ou sans négociation. Ainsi, dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres, procédure sans négociation, seule la correction d'erreurs matérielles des offres irrégulières est admise. Les offres en tant que telles ne doivent jamais être modifiées.
Les règles sont plus souples pour les procédures négociées. En effet, dans le cas d'une procédure formalisée négociée, les corrections peuvent porter sur deux types d'offres : les offres irrégulières ou inacceptables, à condition qu'elles respectent les exigences impératives prévues par les spécifications techniques du marché. Les procédures adaptées, quant à elles, permettent la négociation à la fois sur les offres irrégulières, inacceptables et inappropriées. Ces offres sont toutefois rejetées si elles demeurent non conformes à l'issue de la négociation.
Par ailleurs, dans le cadre d'une délégation de service public, le Conseil d'Etat prévoit un système spécifique organisant la régularisation des irrégularités non substantielles, c'est-à-dire celles n'empêchant pas l'appréciation de la conformité de l'offre au cahier des charges ou la comparaison entre les offres.Les directives européennes et le projet de décret marchés publics prévoient un assouplissement de ces mesures. Les offres irrégulières pourraient notamment devenir régularisables au cours d'une procédure d'appel d'offre, que les erreurs soient matérielles ou formelles.

Ne pas éliminer des offres entachées d'erreurs minimes

Selon l'Autorité de la concurrence, le formalisme encadrant le traitement des offres ne devrait pas avoir pour effet de réduire le nombre d'offres en concurrence. Il convient donc de ne pas éliminer des offres entachées d'erreurs minimes. Cela pourrait avoir pour effet de limiter le choix du pouvoir adjudicateur et de le contraindre à écarter des candidatures intéressantes, comme le souligne la commune de Saint-Germain-en-Laye.
Ce problème semble toucher principalement les structures les plus importantes, celles qui passent davantage de marchés formalisés que de marchés à procédure adaptée (Mapa). De plus, même si la plupart des erreurs sont d'ordre matériel, certaines offres sont rejetées en raison de défauts de signatures ou de documents manquants. Or, si les acheteurs semblent être majoritairement en faveur d'un assouplissement de ces règles, ce n'est pas forcément le cas des entreprises. Ainsi, pour la Fédération française du bâtiment (FFB), une erreur dans une offre relève de la responsabilité de l'entreprise, l'acheteur devrait donc pouvoir l'écarter.

Assouplir le dispositif

Selon l'Autorité de la concurrence, écarter certaines offres mécaniquement serait nuisible à la concurrence. Elle est donc en faveur d'un assouplissement du dispositif en veillant toutefois à ne pas créer de situations discriminatoires. Le recours au critère des caractéristiques substantielles des offres lui semble en effet sujet à interprétation. Elle propose donc de s'en tenir à la correction de "simples erreurs matérielles et omissions de formalités". En effet, comme l'a souligné l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp), auditionnée à cette occasion, "une entreprise doit pouvoir être invitée à apporter des précisions, des explications sur son offre initiale mais pas à modifier cette offre". Par ailleurs, afin de garantir l'égalité entre candidats, l'Autorité préconise d'inviter l'ensemble des entreprises concernées à régulariser leur offre et de limiter la durée de la phase de régularisation. Elle recommande aussi de rappeler le principe de l'intangibilité de l'offre dans le texte du décret.
Selon l'Autorité de la concurrence, les autres candidats doivent être informés que des soumissionnaires ont été autorisés à régulariser leur offre. Cela ne doit néanmoins pas contribuer à fausser la concurrence. Pour ce faire, il est recommandé de ne révéler "ni l'identité des entreprises concernées, ni la teneur des offres mais uniquement la nature de la régularisation permise".
La mission commune d'information du Sénat sur la commande publique avait souhaité instaurer une obligation de régularisation pesant sur l'acheteur public lorsqu'une seule offre est irrégulière. L'Autorité n'a pas retenu cette mesure qui n'a pas non plus été jugée souhaitable par les associations d'acheteurs et les entreprises auditionnées. En effet, une certaine latitude doit selon eux être laissée à l'acheteur.

L'Apasp

Référence : avis n° 16-A-05 du 15 février 2016 relatif à la demande d'avis de la commune de Saint-Germain-en-Laye en ce qui concerne la conformité du traitement des offres "non conformes" en matière de commande publique au regard des règles de concurrence.