Commande publique / Emploi - Auvergne-Rhône-Alpes veut mettre en place la "préférence locale" et "lutter contre les travailleurs détachés"
Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a présenté, lundi 4 juillet, lors de la visite du chantier de l'école Centrale de Lyon, les "grands principes et les engagements de la région pour soutenir les entreprises locales dans le secteur du bâtiment". Ceux-ci seront déclinés dans des "chartes de valorisation" des entreprises régionales qui seront signées avec chaque fédération régionale du bâtiment (Fédération française du bâtiment / FFB, Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, chambre régionale des métiers et de l'artisanat …). La région souhaite ainsi réorienter ses achats et ses investissements vers son territoire et les entreprises régionales "pour qu'ils bénéficient à l'économie auvergnate et rhônalpine".
"Préférence locale"
Cette "préférence locale" sera mise en place dans les commandes que passe directement la région en favorisant, notamment, les entreprises locales dans les marchés inférieurs à 25.000 euros et en mettant en place des critères qui permettront à ces dernières de mieux répondre aux marchés de la région. La région a également l'intention d'effectuer "une simplification des procédures" afin de permettre à un plus grand nombre d'entreprises de se positionner.
De fait, il semble bien que les termes de cette annonce soient soigneusement calibrés. Si la "préférence locale" est interdite, et peut faire encourir une accusation de favoritisme, le décret n°2016-360 du 25 mars 2016 fixe à 25.000 euros HT le seuil de dispense de procédure pour l'ensemble des acheteurs soumis à l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relatif aux marchés publics.
En-deçà de ce montant, les acheteurs peuvent passer un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables. L'acheteur public a pour seule obligation de choisir une offre pertinente, de faire une bonne utilisation des deniers publics et de ne pas contracter systématiquement avec un même fournisseur lorsqu'il y a plusieurs offres susceptibles de répondre à son besoin.
En procédant à une simplification de ses procédures internes et en intégrant dans ses marchés "des clauses d'insertion par l'économie ainsi que des dispositions destinées à ne pas oublier l'économie sociale et solidaire, les circuits-courts mais aussi les entreprises employant des travailleurs handicapés", la région Auvergne-Rhône-Alpes s'inscrit dans une logique d'achats publics responsables, encouragée et facilitée par la récente réforme de la commande publique (voir notre article du 19 avril ci-contre).
"Aucun travailleur détaché sur les chantiers de la région"
Dans le cadre des marchés où Auvergne-Rhône-Alpes est co-financeur, la région a également l'intention d'"imposer" le respect de ces règles. Soulignant qu'à ce jour, "sur 1,2 milliard de commandes, un chantier sur deux aboutit à des entreprises régionales", Laurent Wauquiez s'est fixé l'objectif d'atteindre "90% de chantiers réalisés par des entreprises locales et créer une spirale positive". Le président de la région reconnaît qu'il "ruse avec le code des marchés publics" mais l'"assume complètement" et en appelle à Manuel Valls, pour "pouvoir aller au-delà". "Je demande au Premier ministre qu'il fasse bouger la législation fortement pour [...] faire en sorte que le code des marchés publics nous permette d'aller encore plus loin sur les clauses de préférence locale", a-t-il déclaré.
La contrepartie demandée aux entreprises locales sera "aucun travailleur détaché sur les chantiers de la région", une annonce qui intervient alors que le Premier ministre réclame un alignement "par le haut" des cotisations sociales de ces salariés, faute de quoi la France pourrait suspendre l'application de la directive qui encadre ces détachements.
La région annonce qu'elle sera "extrêmement vigilante" concernant l'emploi de ces travailleurs, se réservant le droit d'effectuer "des contrôles directement sur les chantiers", une prérogative normalement dévolue à l'inspection du travail. Les offres anormalement basses dans les marchés seront éliminées - comme le prévoit la législation en vigueur - et la région s'assurera également "du bon respect de la sécurité sur site", en exigeant par exemple une bonne maîtrise de la langue française. Ces dernières mesures rejoignent les propositions contenues dans la charte commune de la FFB et de Villes de France en matière d'offres anormalement basses, présentée en début d'année (voir notre article du 27 janvier ci-contre).