Commande publique - Privilégier une entreprise locale peut conduire au délit de favoritisme
Dans un arrêt du 22 janvier 2014, la chambre criminelle de la Cour de cassation a retenu le délit de favoritisme à l'égard d'un maire qui avait privilégié une entreprise locale pour l'attribution d'un marché public. Cette décision rappelle que le risque pénal pèse toujours sur l'acheteur public comme une épée de Damoclès...
Dans les faits, il s'agissait d'un marché public pour l'impression en noir et blanc du bulletin communal. Le seul critère mis en œuvre par la personne publique pour l'attribution de ce marché était celui du prix de la prestation sollicitée. Une entreprise locale dont l'offre était la moins onéreuse pour l'impression en noir et blanc est retenue. Une fois le marché attribué, le pouvoir adjudicateur change d'avis et décide de recourir à une impression en couleur. Or, pour ce type d'impression, une autre entreprise faisait figure de moins disante. La cour d'appel de Lyon estime qu'une rupture d'égalité est caractérisée entre les deux entreprises candidates et condamne le maire pour délit de favoritisme. Le maire se pourvoit en cassation contre l'arrêt rendu par la juridiction d'appel.
L'acheteur public avait-il la possibilité de préférer une entreprise locale pour l'attribution du marché litigieux alors que l'offre d'une autre entreprise était moins chère ?
A cette interrogation, la Haute Juridiction judiciaire répond par la négative. En effet, "en évinçant la société (...) qui avait émis l'offre la moins coûteuse dans la procédure de consultation pour l'impression en quadrichromie (c'est-à-dire en couleur) d'un bulletin de trente-six pages, pour des raisons dont il apparaît, au vu des éléments ci-dessus, qu'ils tenaient à la volonté de favoriser une entreprise locale (...)", la rupture d'égalité entre les deux candidats était avérée, selon la Cour de cassation. L'entreprise locale avait donc bénéficié d'un "avantage injustifié". Le délit de favoritisme est retenu à l'égard du maire qui ne pouvait faire jouer la préférence locale pour l'attribution de ce marché. Le pourvoi du maire est donc rejeté et la condamnation de la cour d'appel confirmée par les juges de cassation.
Une précision complémentaire est apportée par la juridiction judiciaire qui souligne que le délit de favoritisme peut être constitué tant au stade de la passation que de l'exécution du marché public.
Référence : Cour de cassation, chambre criminelle, 22 janvier 2014, n° 13-80759
Le délit de favoritisme : l'octroi d'un avantage injustifié
Le délit de favoritisme est prévu par l'article 432-14 du Code pénal. Les dispositions de cet article prévoient qu'"est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende le fait par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d'économie mixte d'intérêt national chargées d'une mission de service public et des sociétés d'économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l'une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ".