Transports - Allô, bonjour, comment vous déplacez-vous ?
En 2015, l'outil fêtera ses quarante ans. Créée pour donner une image fiable et précise des différents moyens de déplacement – marche à pied et vélo compris - l'enquête ménages déplacements a été investie depuis sa création par une centaine de collectivités. Chaque année, une poignée d'enquêtes sont lancées. Un choix qui revient aux collectivités. Dernières en date à s'être lancées : les communautés d'agglomération du Grand Chalon (l'appel d'offres vient d'être passé) et de Nîmes Métropole (pour une enquête qui finira l'an prochain), le syndicat mixte des transports de l'agglomération lyonnaise (Sytral), pour une enquête d'envergure qui débute en octobre et débouchera fin 2015 sur des résultats, mais aussi des syndicats mixtes chargés d'élaborer les schémas de cohérence territoriale (Scot), en Meurthe-et-Moselle (Scot Nord Meurthe-et-Mosellan) et dans la Drôme (Scot du Grand Rovaltain).
L'enquête drômoise se termine en avril : éplucher les résultats prendra quelques mois, en vue d'une restitution à l'automne. "Même timing pour celle que nous réalisons à l'échelle de la région Rhône-Alpes, sauf qu'étant donné son envergure elle s'est étalée sur trois ans. Nous avons déployé d'importants moyens pour interroger près de 37.000 personnes sur leurs déplacements quotidiens", explique-t-on chez Alyce Sofreco, le bureau d'études à qui ce conseil régional a confié le marché. A son principal rival, Test SA, est revenue une autre enquête d'ampleur, commandée dans l'Hérault par le conseil général. Elle concerne 11.000 foyers, se termine aussi en avril et a été lancée à grand renfort de communication, dans la perspective de résultats communicables l'an prochain.
Tendances de fond
Une première tendance se dégage : le périmètre d'étude est de plus en plus large et s'étend aux bassins de vie. Outre les services déconcentrés de l'Etat (Cete), le pilotage de ces enquêtes s'ouvre à des partenaires techniques, financiers ou institutionnels tels que l'Ademe, l'Union européenne, les CCI ou les agences d'urbanisme et de développement. Etat, région, département et agglomération se serrent les coudes pour les réaliser. Car ces enquêtes ont un coût, non négligeable. "L'Etat finance 20% du coût d'étude. Le coût moyen est de 170-200 euros par ménage interrogé", précise Pierre-Frédéric Bonnet, directeur d'études chez Test SA, qui a une trentaine d'enquêtes déplacements à son actif. Pour donner un ordre d'idée, celle du Grand Roanne (Loire) a coûté 170.000 euros, celle du Grand Clermont 670.000 euros. Des factures record ont été atteintes par l'agglomération toulousaine (2,5 millions d'euros) et les Bouches-du-Rhône (3,9 millions d'euros).
Au conseil général de l'Ardèche, qui a cofinancé l'enquête du Grand Rovaltain, on estime qu'en plus de réinterroger les politiques de déplacements existantes, l'exercice va doter les acteurs locaux d'une "base de données indispensable pour les futures prises de décisions". Au Grand Roanne, qui est l'une des rares agglomérations à en être à sa deuxième enquête déplacements (elles peuvent être reconduites tous les dix ans environ), on ajoute qu'elle apporte "des données objectives pour renforcer certaines mesures ou si besoin les transformer". Et au Grand Clermont (Puy-de-Dôme), où l'enquête a déterminé que 64% des déplacements se faisaient en voiture et 26% à pied (faible usage des transports collectifs), un comité de suivi a été mis en place dans la foulée pour mieux exploiter les résultats.
Une enquête statistique
Reste que réaliser ce type d'enquête est un travail de fourmi. Où rien n'est laissé au hasard : au fil des ans, d'un territoire à l'autre, la méthodologie employée est souvent la même, ce qui facilite la comparaison des résultats dans le temps, un domaine dans lequel il faut toutefois rester prudent. Cette méthode, les services de l'Etat en sont en effet les garants. "L'établissement public Cerema, anciennement Certu, contrôle le déroulement de l'enquête et détermine en amont l'échantillonnage représentatif et le périmètre à étudier", indique Pierre-Frédéric Bonnet. A Montpellier, ce prestataire a dépêché une équipe qui encadre une centaine d'enquêteurs locaux enchaînant les rencontres avec les habitants usagers des transports. En face-à-face à leur domicile ou bien par téléphone : les deux modalités de recueil sont parfois possibles. Quid des questions posées ? "Elles portent sur les déplacements effectués la veille, leur motif, leur origine, la destination, les heures de départ et d'arrivée, les véhicules à leur disposition, etc", décrit-on au Cerema, qui dispose de tous les outils nécessaires pour aider les collectivités à réaliser ces inventaires de déplacements.
Voies parallèles
Pour les villes moyennes, une méthode moins chronophage existe. Une fois les données moulinées, elle a permis par exemple à Quimper-Cornouaille (Finistère) de détecter un fort taux de motorisation des ménages alors que le taux d'occupation des voitures est faible. "C'est là un défaut de ces enquêtes, elles prennent du temps, sont coûteuses, et aboutissent sur de grandes tendances, sans possibilité d'entrer dans les détails", relève Ludovic Bu, consultant en mobilité. Aux côtés du bureau d'études Chronos et d'autres acteurs, il planche pour le compte de l'Ademe sur la création d'un prototype de collecte de données plus souple, en quelque sorte plus "moderne" et à même "de compléter ces enquêtes en intégrant des composantes dynamiques et spatiales, pour quantifier par exemple les évolutions des pratiques dans le temps ou l'impact d'un changement de l'offre de mobilité (nouvelle ligne de bus, transport à la demande, changement tarifaire)". Révolutionner la connaissance des pratiques de déplacements, un rêve à portée de main ? "Peut-être mais pour l'heure, ces enquêtes à l'ancienne restent le meilleur outil au service de l'évaluation des politiques de transport et de la planification des politiques de déplacements", conclut Pierre-Frédéric Bonnet.