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Transports - Les plans de déplacements urbains entrent dans l'âge de la maturité

Trente ans après leur création, où en sont les plans de déplacements urbains (PDU) ? S'il a montré son efficacité, cet outil permettant de rationaliser les modes de transports n'est pas sans poser de difficultés aux collectivités qui le mettent en place. Le 9 avril, à Angers, une journée d'information a réuni une centaine d'agents et de cadres territoriaux pour faire le point sur le sujet.

Créés par la loi d'orientation des transports intérieurs (Loti) et devenus obligatoires en 1996 (loi sur l'air) dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants, les plans de déplacements urbains (PDU) ont progressivement conquis les agglomérations moyennes. Combien sont-ils au juste ? Le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (Certu) évalue leur nombre à 80. Mais il s'agit de PDU obligatoires : d'autres démarches de planification, plus allégées et d'un nombre à peu près comparable, sont enclenchées dans une logique volontaire par de plus petites collectivités. C'est le cas à Laval, où la démarche prend du coup un autre nom : plan global de déplacement. Il ne s'agit alors pas d'un document juridique. A une poignée d'habitants près, une autre collectivité, la toute jeune communauté de communes du Grésivaudan, nichée en Isère dans la vallée reliant Grenoble à Chambéry, échappe aussi au seuil d'obligation mais relève tout de même le défi : réaliser son premier PDU, volontaire donc, avant 2016. Si cela paraît loin, c'est que l'exercice n'est guère aisé. "Pour avoir un PDU adapté à nos contraintes et problématiques, nous commençons par réunir tous les élus concernés à travers des ateliers pédagogiques, pour leur faire prendre conscience des problèmes de déplacements dans la vallée", relate David Courtine, directeur des transports du pays de Grésivaudan. Avec près de 70% des déplacements effectués en voiture individuelle, pour des trajets qui dans un cas sur deux font moins de 5 kilomètres, les routes y sont prises d'assaut et les embouteillages quotidiens. "Nous misons donc sur un renforcement de notre offre de transports en commun, en dynamisant les pôles d'échanges grâce à de nouveaux services qu'ils pourraient accueillir (commerces, services à la personne). Et sur le vélo, avec un schéma directeur des pistes cyclables en cours de finalisation. Comme le changement de comportement passe aussi par les jeunes, nous voulons équiper les collèges de racks à vélos."

Nourrir son plan

Même quand le PDU est obligatoire et adopté, encore faut-il le faire vivre et rappeler à tous qu'il existe. "C'est en menant un travail d'évaluation de ses effets que nous avons rappelé aux élus que cet outil existait. Cela nous a aussi permis de voir qu'un suivi régulier du plan et des actions menées est indispensable. Un bureau d'études, pour un coût de 70.000 à 80.000 euros, nous a accompagnés dans ce processus d'évaluation", témoigne Matthieu Delafosse, chargé d'études déplacements à Angers Loire Métropole. Enquêtes origine-destination à bord des véhicules de transports en commun (dites "enquêtes cordons"), comptages des vélos et études menées sur un panel ciblé d'usagers : pour effectuer ce suivi, les outils ne manquent pas. Les observatoires des déplacements, rendus obligatoires par la loi sur l'air de 1996, participent de cet élan. "Ils sont un maillon essentiel dans ce processus d'évaluation. A Angers, l'animation de cet observatoire occupe 20% d'un poste en temps plein annuel", ajoute-il. Attention, toutefois, à ne pas collecter trop de données inutiles ou qui seraient au bout du compte impossibles à comparer entre elles ! Car, même dans les grandes agglomérations, il peut vite y avoir un effet d'essoufflement...

Le juste équilibre

Pour garder de l'oxygène, certaines collectivités s'appuient sur le savoir-faire des agences d'urbanisme : à Orléans, c'est l'agence qui alimente l'observatoire des déplacements. "Mais on ne pas non plus leur demander l'impossible à ces agences, et de retrouver par exemple des années de données non collectées", confie en marge du colloque la responsable Transports d'une grande ville. Par ailleurs, ces observatoires ont certaines limites, notamment du fait qu'ils couvrent des domaines moins larges que les PDU. "Des indicateurs relatifs à la sécurité routière ou à la protection de l'environnement, par exemple, n'y figurent pas", prévient-on au Certu. Dans ce centre d'études, un autre écueil est pointé par Thomas Vidal, responsable du groupe Politiques et services de transports : "Il ne faut pas faire de cette évaluation un outil de jugement mais bien d'amélioration des politiques publiques. Le but est d'apporter un regard neuf. Souvent, l'exercice prend du temps mais il prépare le terrain d'une révision et alimente les réflexions sur le nouveau plan." Autre difficulté : trouver le bon jeu d'indicateurs. A Amiens, un premier jeu a été défini puis un autre avec le deuxième PDU 2012. Plus ciblés, ils sont désormais plus faciles à renseigner. Il faut aussi veiller à ce qu'ils soient quantitatifs - kilométrage de pistes cyclables, offre d'autopartage ou de parc relais, nombre de jours de dépassement des seuils de pollution - mais pas seulement : une approche qualitative est vivement conseillée. "Dès qu'il est question de mobilité individuelle, le plus fiable des outils sur lequel s'appuyer est l'enquête ménage déplacements", indique Matthieu Delafosse. Problème : son coût. "A Nantes, nous espérons en lancer une d'ici un à deux ans. D'ici là, nous réalisons des enquêtes sur le même modèle tous les deux à trois ans", poursuit Amélie Ranty, chargée de mission aux déplacements à Nantes Métropole. Moins complètes, elles sont cinq à six fois moins chères (55.000 euros) et permettent de suivre les grandes tendances et principaux flux en jeu sur un territoire.