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Catastrophes naturelles - Xynthia et inondations du Var : la Cour des comptes tire un bilan financier sévère

Près de 658 millions d'euros : tel est le montant englouti par l'Etat et les collectivités locales suite à la tempête Xynthia et aux inondations du Var en 2010. Dans un rapport publié le 5 juillet, les magistrats tirent les enseignements de ces deux catastrophes en dénonçant les dérives de l'urbanisation à tout prix et une culture du risque insuffisante.

Pour élaborer son rapport sur les "enseignements des inondations de 2010" sur le littoral atlantique (Xynthia) et dans le Var, réalisé avec l'aide des chambres régionales des comptes, la Cour a contrôlé les collectivités concernées - trois régions (Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Paca), trois départements (Vendée, Charente-Maritime, Var), 14 communes - ainsi que trois services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). Mais aussi les administrations centrales et préfectures impliquées, ainsi que des organismes nationaux (Météo France, Caisse centrale de réassurance). Avant tout, elle fixe pour la première fois le montant de la facture : Xynthia et les inondations du Var ont coûté 658 millions d'euros à l'Etat et aux collectivités locales et plus d'1,3 milliard d'euros aux compagnies d'assurances, dont 640 millions d'euros pris en charge par le régime d'assurance des catastrophes naturelles. Des crédits européens (40 millions d'euros) ont aussi été mobilisés pour Xynthia. "L'objet du rapport n'est pas seulement de dresser un bilan financier. Mais dans un contexte d'accroissement probable, dans les prochaines années, du nombre et de la gravité des phénomènes naturels exceptionnels, la maîtrise de ces coûts constitue un vrai enjeu", notent les magistrats. Ils pointent 84 millions d'euros de "dépenses inutiles", engagées dans le cadre du rachat par l'Etat de maisons situées en zone sinistrée. Exonérée de l'imposition sur les plus-values, la vente des résidences secondaires a rapporté gros à certains propriétaires. "Il y a eu un effet d'aubaine", déplore Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. Ces maisons ont été rachetées via le fonds Barnier, ce qui a très vite conduit à l'assécher. "Tout cela s'est fait dans la précipitation", ajoute-il. Le ministère de l'Ecologie a fait connaître sa réponse, publiée en annexe au rapport : "Cette méthode a pu conduire à racheter des maisons qui, in fine, ne figurent pas dans la zone d'expropriation (…) Leur rachat n'en comporte pas moins un intérêt en termes de diminution de la vulnérabilité et a permis de régler des situations individuelles difficiles, permettant à des victimes de se reconstruire."
 

Priorité à la culture du risque


Comme l'ont déjà relevé plusieurs rapports, notamment ceux des missions d'information du Sénat et de l'Assemblée nationale qui ont été publiés à l'été 2010, la culture du risque dans ces territoires a fait défaut. "Des mesures ont été prises depuis ces événements mais cette faiblesse persiste", précise Didier Migaud. "Une soif de construire règne toujours, encouragée par les promoteurs et soutenue par les élus, qui conduit à des insuffisances en termes de prévention des risques", a-t-il ajouté. Le rapport, qui relate de nombreux exemples locaux, détaille notamment deux cas de projets d'urbanisme à la Faute-sur-Mer (Vendée) et Fréjus (Var), très révélateurs de "fâcheuses pratiques" souvent observées sur le terrain. L'information en matière de risques pêche aussi par sa faiblesse. Dans aucun des trois départements, le dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM) n'a été réactualisé dans les délais réglementaires. Une minorité de communes étaient par ailleurs dotées de documents d'information communaux sur les risques majeurs (Dicrim), qui sont élaborés par les maires. Quant aux atlas des zones inondables, qui peuvent être normalement consultés par le public, ils n'ont même pas été transmis aux maires dans le Var avant la catastrophe de 2010. "Et en Vendée, ils n'ont pas été bien accueillis par les maires", indique Cyrille Schott, conseiller maître à la Cour des comptes et ancien préfet de la région Languedoc- Roussillon. Un point est également fait sur un autre outil permettant de mieux maîtriser l'urbanisation : les plans de prévention des risques d'inondation (Papi). Les maires l'ont longtemps boudé, "y voyant des obstacles à la volonté d'urbaniser leur commune", explique ce rapport. Certains ont cependant vu le jour, donnant lieu au lancement d'une vingtaine de programmes d'actions, avec des financements à l'appui. D'autres doivent être officialisés cet été. Enfin, la chaîne du contrôle de légalité des actes d'urbanisme ayant été à plusieurs reprises pointée du doigt, la Cour des comptes exige que des moyens en personnel qualifié soient dévolus à cette mission d'ordre préfectoral.

Dons et digues


Les digues inquiètent aussi les magistrats. Alors que leur recensement, tant au niveau maritime que fluvial, est toujours en cours, et qu'un projet de décret "digues" est en gestation, ils soulignent un obstacle déjà connu, posé par la difficulté à identifier qui en sont les propriétaires. Un chiffre cité dans le rapport est parlant : pour 95% du linéaire de digues en Charente-Maritime, aucun responsable n'a été identifié ! Un autre problème est posé par les rivières non domaniales, dont l'entretien des abords revient aux riverains, qui généralement ne le font pas. Dans le Var, les cours d'eau à l'origine des inondations relèvent de cette catégorie. Une réflexion devrait donc être engagée à ce sujet par le gouvernement. Par ailleurs, passant en revue le dispositif d'aides et d'indemnisations aux particuliers, la Cour regrette que d'une collectivité à l'autre, les méthodes de versement des dons soient si différentes. Elle recommande que "l'Etat élabore un guide pour fixer des règles à suivre pour les aides directes aux sinistrés de telles catastrophes". De même pour les aides aux acteurs économiques (agriculture, entreprises), qui mériteraient d'être "plus claires et unifiées". Enfin, il reste beaucoup à faire pour améliorer le réseau d'alerte à la population et les moyens de secours. "Des casernes construites près des rivières ont été inondées. Il conviendrait à terme de les implanter ailleurs", a conclu Didier Migaud.

 

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