Archives

Prévention des risques - La mission d'information du Sénat sur la tempête Xynthia formule ses premières recommandations

En attendant son rapport définitif attendu pour la fin juin, la mission d'information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia a rendu publiques le 6 mai ses premières recommandations. Certaines de ses préconisations vont d'ailleurs être discutées à l'occasion de l'examen du volet risques du projet de loi Grenelle 2 à l'Assemblée nationale. Depuis sa réunion constitutive le 31 mars, la mission présidée par le sénateur non inscrit de Vendée Bruno Retailleau (NI) a procédé à 80 auditions (membres du gouvernement, élus locaux, hauts fonctionnaires, experts) et s'est rendue les 14 et 15 avril en Charente-Maritime et en Vendée pour rencontrer les habitants, les élus et les acteurs économiques touchés par la catastrophe. Les sénateurs se sont aussi déplacés le 4 mai à Bruxelles pour rencontrer les commissaires européens Michel Barnier et Johannes Hahn  ainsi que les services en charge des questions de protection civile, de prévention et d'indemnisation agricole.

La mission déplore tout d'abord la "très grande confusion" qui a prévalu dans l'expression des ministres et des représentants de l'Etat à propos des fameuses "zones noires" rebaptisées "zones de solidarité". Elle estime qu'il y a encore aujourd'hui "un besoin de clarification". "Il y a eu cacophonie dans les mots et sans doute également confusion dans le droit", selon le rapporteur de la mission, le sénateur socialiste de Gironde Alain Anziani.

 

Des "zones d'acquisition amiable" dont le périmètre peut être ajusté

"Nous sommes favorables au principe selon lequel les terrains exposés à un risque naturel grave avéré soient déclarés inconstructibles mais la notion de 'zones noires' est inappropriée, a déclaré Bruno Retailleau. Il s'agit en réalité de 'zones d'acquisition amiable' dans lesquelles l'Etat ouvre un droit  pour les propriétaires qui souhaitent vendre leur maison selon une procédure d'acquisition amiable, le but étant de permettre une indemnisation rapide dans des conditions favorables pour ceux qui veulent tourner la page le plus vite possible." Pour le président de la mission sénatoriale, l'Etat doit donc veiller d'une part à "garantir une juste indemnisation" et d'autre part à "assurer la rapidité de la procédure".

La mission estime que les périmètres des zones d'acquisition amiable ne doivent pas être considérés comme définitivement figés mais pouvoir faire l'objet d'ajustements à deux stades. Avant l'enquête publique, des expertises complémentaires doivent permettre de préciser le tracé des zones soumises à la procédure d'enquête. Ensuite, les périmètres définitifs où pourra s'exercer le mécanisme d'expropriation pour risque naturel majeur prévu par la loi Barnier du 2 février 1995 seront déterminés dans le cadre de la procédure contradictoire de l'enquête publique, sur la base d'enquêtes parcellaires, afin d'établir le risque mortel effectif. La mission juge donc nécessaire de mettre en place une procédure d'enquête publique distincte et séparée pour chaque zone et de ne déclarer inhabitables que les zones présentant un véritable risque mortel. Elle entend poursuivre sa réflexion sur la reconversion de ces zones qui ne devront pas selon elle être laissées à l'abandon et elle compte aussi formuler des propositions destinées à compenser les pertes de fiscalité que subiront les collectivités territoriales.

 

Indemnisations pour les collectivités et relance des PPRI

Dans l'immédiat, la mission souhaite que l'Etat indemnise les collectivités touchées par la tempête pour les aider à reconstruire au plus vite leurs infrastructures. Deux dispositifs peuvent être mobilisés pour cela : le Fonds de solidarité pour les catastrophes naturelles et le régime de subvention d'équipement pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques. Outre l'aide du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE), les sénateurs réclament aussi la mobilisation du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) pour couvrir l'intégralité des dommages non assurables (la salinisation des terres, par exemple) qui ont été subis par les agriculteurs mais aussi par les conchyliculteurs et les pisciculteurs. 

Sur le plan législatif, la mission propose des modifications qui pourraient être incluses via des amendements gouvernementaux, dans le projet de loi Grenelle 2. Les sénateurs  suggèrent notamment que le risque de submersion marine soit pris en compte dans le champ de la procédure d'expropriation de biens exposés à un risque menaçant gravement les vies humaines et que les règles applicables au "Fonds Barnier" soient révisées pour que le fonds puisse servir à l'indemnisation des sinistrés dont les maisons sont classées en "zone de solidarité". Outre la suppression du plafond d'indemnisation de 60.000 euros, le "Fonds Barnier" devrait aussi être abondé de manière significative, estime les sénateurs, car sa capacité actuelle (150 millions d'euros) est largement inférieure aux besoins. Autre proposition : la relance des plans de prévention des risques naturels. La mission souhaite la mise en place de plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) spécifiques au risque de submersion marine et estime nécessaire d'accélérer la procédure d'adoption des PPRI. "Certains plans sont en cours d'élaboration depuis neuf ans, il est absolument nécessaire aujourd'hui de fixer une date butoir", a souligné Bruno Retailleau. Le délai retenu pourrait être de trois ans. Les sénateurs proposent aussi de renforcer le contenu des PPRI en prévoyant des règles de constructibilité en fonction de l'ampleur du risque et en établissant pour cela un lien systématique entre les PPRI et les plans locaux d'urbanisme (PLU).

 

Pour une gestion globale du risque de submersion marine

La mission a aussi commencé à tirer les leçons de la catastrophe pour proposer des pistes de réflexion à plus long terme. "La culture du risque doit devenir une cause nationale, notamment sur le littoral car nous devons nous préparer à subir les effets de l'élévation du niveau de la mer et d'événements climatiques de plus en plus violents et récurrents", a souligné Bruno Retailleau. "Ce ne sont pas de nouvelles règles qui doivent régler le problème mais une approche globale faisant participer les populations", a-t-il insisté. La gestion du risque de submersion marine devrait donc selon les sénateurs s'appuyer sur trois piliers - "prévision, prévention et protection" - capables de communiquer entre eux.

La prévision ne doit pas se limiter à la tempête et à la surcote marine mais intégrer aussi la connaissance de la vulnérabilité du littoral. Les sénateurs recommandent pour cela l'établissement d'une cartographie des risques de submersion marine et sa mise à disposition du public. Ils plaident aussi pour l'adoption rapide de plans communaux de sauvegarde (PCS) dans les communes soumises à un PPRI. Pour renforcer la prévention, ces derniers doivent être liés plus étroitement aux documents d'urbanisme et la délivrance des permis de construire dans les zones à risque faire l'objet d'un contrôle de légalité systématique. Côté protection, si la remise en état et le renforcement des digues fragilisées par la tempête s'imposent à court terme, les sénateurs appellent le gouvernement à affirmer des principes clairs dans son futur "plan digues". Ainsi, estiment-ils, "aucune digue ne devra avoir pour objet de créer une nouvelle urbanisation dans des zones à risque". Il faudra aussi restaurer et entretenir le cordon dunaire, qui constitue un rempart naturel contre la mer. L'aménagement et le rehaussement des digues devront être corrélés au niveau de risque et de protection envisagés. Les sénateurs sont aussi favorables à un transfert de propriété publique pour "clarifier les responsabilités". Enfin, ils estiment que seule une gestion locale de proximité pourra permettre d'assurer efficacement la surveillance et l'entretien des ouvrages et demandent à l'Etat un taux de prise en charge des travaux d'au moins 50% qui devra aussi s'inscrire dans la durée.

Anne Lenormand