Catastrophes naturelles - Une proposition de loi pour mieux gérer le risque de submersion marine
Les sénateurs Bruno Retailleau (Vendée, NI) et Alain Anziani (Gironde, PS), qui ont été respectivement président et rapporteur de la mission sénatoriale d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia, ont présenté ce 15 décembre une proposition de loi "tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine". Les deux sénateurs ont déposé leur texte la veille d'une visite très attendue de la ministre de l'Ecologie en Charente-Maritime pour faire le point sur la sécurisation des zones à risques et les procédures d'expropriation en cours, suite à la tempête Xynthia de février dernier.
"La tempête n'était bien sûr pas prévisible. En revanche, on aurait pu minorer ses conséquences et le drame aurait pu être évité, a souligné Bruno Retailleau, en rappelant les conclusions du rapport de la mission sénatoriale remis le 8 juillet dernier. Nous avons constaté lors de nos auditions et des déplacements que nous avons faits, notamment aux Pays-Bas, que la France était très mal préparée au risque de submersion marine." La proposition de loi qu'il vient de déposer avec Alain Anziani entend donc donner une traduction concrète aux recommandations formulées par la mission qui sont de nature législative. "Nous n'avons pas cherché à ajouter des règles aux règles mais à rendre plus opérants les outils existants et à favoriser une meilleure articulation entre le Code de l'environnement et celui de l'urbanisme", a précisé Bruno Retailleau.
Des plans de prévention des risques...
Le texte comporte 22 articles répartis en six chapitres. Il entend d'abord promouvoir une approche globale du risque de submersion marine à travers trois innovations. La première consiste à créer une nouvelle catégorie de plans de prévention des risques naturels (PPRN), les "plans de prévention des risques de submersion marine" (PPRS) dont le contenu sera adapté à la spécificité de ce risque. Autre nouveauté : l'ajout au chapitre du Code de l’environnement consacré à la prévision des crues d'un mécanisme de prévision des submersions marines qui doit permettre non seulement d’adapter la notion de bassin hydrographique aux spécificités du littoral en créant des "zones littorales homogènes" mais également de faciliter les opérations de recensement des zones à risques en créant pour chaque zone littorale homogène un schéma directeur de prévision des submersions marines. Troisième innovation : le contenu des plans de gestion des risques d’inondation (PGRI) sera complété. Ces documents, véritables pivots de la gestion des risques d’inondation, seront dotés d’un volet stratégique sur le littoral. Pour ce faire, la proposition de loi leur confie non seulement un rôle d’évaluation de l’ensemble des mesures de gestion du risque mais également un pouvoir d’injonction en cas de défaillance constatée lors de l’évaluation.
... opposables aux documents d'urbanisme
Le chapitre II du texte entend garantir la mise en place d’un droit des sols adapté au risque de submersion marine. "Les PPRN ne sont pas aujourd'hui opposables aux documents d'urbanisme et sont simplement annexés aux PLU [plans locaux d'urbanisme, ndlr]", a rappelé Alain Anziani. Pour permettre une meilleure prise en compte des risques naturels par le Code de l’urbanisme, le texte prévoit donc que, parmi les buts généraux poursuivis par les documents locaux d’urbanisme, un objectif de prévention des risques naturels et de protection des vies humaines face à ces mêmes risques soit intégré. Et il va plus loin en proposant que les PPRN soient pleinement et directement opposables aux documents d’urbanisme et que le préfet puisse notifier aux communes les modifications qu'il estimerait nécessaires pour que le projet de PLU soit compatible avec le PPRN. Les deux sénateurs ont aussi voulu renforcer le "porter-à-connaissance" dévolu au préfet en proposant qu'il communique aux maires, chaque année, une synthèse sur les risques naturels auxquels leur commune est exposée.
Possibilité de transfert des digues aux collectivités
Dans son chapitre III, la proposition de loi prévoit des mesures destinées à améliorer la gestion des digues et la défense contre la mer. Pour clarifier le régime de propriété des digues et mieux déterminer les responsabilités en matière d'entretien, elle envisage un transfert de propriété aux collectivités territoriales "à titre gratuit", a précisé Alain Anziani. Le financement des travaux sur les digues pourrait être assuré de deux manières : d'une part, via le renforcement du fonds Barnier, qui devrait bénéficier à ce titre de 500 à 550 millions d'euros sur la période 2011-2016, et d'autre part, par un relèvement de la taxe locale d'équipement (TLE) sur les permis de construire. Les sénateurs veulent ainsi donner aux communes dotées d'un PPRN la possibilité de moduler le taux de la TLE entre 5 et 20 % maximum. De plus, pour offrir une meilleure lisibilité aux décideurs publics, le texte prévoit, comme c’est le cas aux Pays-Bas, un rapport d’évaluation sur les ouvrages de défense contre la mer tous les six ans, qui serve de base aux plans d'investissements. Il veut en outre confier au comité technique permanent des barrages et ouvrages hydrauliques le soin d'élaborer les prescriptions nécessaires à la construction et à l'entretien des digues.
Le texte entend aussi renforcer et adapter à la nature du risque les systèmes d’alerte, la préparation de la population et l’organisation des secours (chapitre IV). Il propose ainsi de rendre obligatoire l’adoption par une commune d’un plan communal de sauvegarde (PCS) dès lors que la réalisation d’un plan de prévention du risque (PPR) lui a été prescrite. Pour mieux sensibiliser la population aux risques naturels prévisibles, il préconise la création d'une journée nationale de la prévention des risques naturels, et pour assurer une meilleure coordination des secours, il prévoit d’imposer aux opérateurs de téléphonie mobile l’accès gratuit et prioritaire aux services d’urgence.
Compensation de pertes de recettes fiscales
En matière d'indemnisation (chapitre V) , la proposition de loi veut d'abord instituer une compensation par l'Etat des pertes de recettes fiscales induites pour les collectivités territoriales touchées par la démolition des maisons situées en zone d’acquisition amiable. Cette compensation serait dégressive sur quatre ans. Le texte entend aussi préciser dans le Code de l'environnement que la faculté offerte à l’Etat de procéder au versement d’avances au profit du fonds Barnier vise en particulier à faire face aux cas de financement de dépenses exceptionnelles. Les opérations d’envergure de rachat de logements dans des zones soumises à un risque naturel grave rentreront dans ce cadre. Le texte renforce également le financement du fonds Barnier en portant de 12 à 14 % le taux du prélèvement sur le produit des primes et cotisations additionnelles d'assurances relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles. Afin de renforcer les politiques de prévention, il offre aussi la possibilité aux assureurs de moduler les primes et cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophes naturelles.
Enfin, le dernier chapitre de la proposition de loi crée un schéma d’aménagement des zones littorales à risques permettant de mettre en place une distribution spatiale des activités, adaptée au risque de submersion marine. Ce schéma comporterait quatre zones, en fonction de leur degré de dangerosité (zones à rendre à leur état naturel, zones dangereuses mais pouvant quand même recevoir certaines activités, zones habitables mais sous certaines conditions et zones à risques limités, sans restrictions particulières). L'article 20 du texte prévoit que les propriétaires de logements situés dans les zones soumises à un risque naturel grave tel que celui de submersion marine puissent bénéficier d'une procédure de délaissement, à l'instar de ce qui existe pour les risques technologiques. Le droit de préemption "espace naturel sensible" et le droit de préemption "protection et mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains" pourront aussi être utilisés pour réduire l’exposition des populations aux risques naturels.
Selon les deux sénateurs, la proposition de loi devrait être examinée "dans une fenêtre parlementaire" fin février-début mars 2011.