Finances locales - Vous avez dit... une gestion active de la dette ?
Localtis : De nombreuses informations circulent sur l'impact de la crise financière et bancaire sur les collectivités territoriales. Au coeur de la tourmente, les produits structurés. Où faut-il placer le curseur entre les discours alarmistes et ceux visant à rassurer les collectivités ?
Christophe Parisot : Suivant les analyses faites par les consultants spécialisés en gestion de dette et les informations fournies par les banques, au 31 janvier 2007, les produits structurés tous produits confondus représentent un quart de l'encours total de la dette des collectivités territoriales. Au-delà de cette donnée, les situations sont très différenciées. Tous les produits ne sont pas similaires et ne présentent pas le même niveau de risque. Certains se décomposent, en effet, en une période de prêt à taux fixe suivie d'une période assortie d'une option qui, si elle est exercée, expose l'emprunteur à un taux dégradé, néanmoins plafonné. D'autres, plus complexes (par exemple les produits dits "à barrière") ont de véritables effets de leviers, c'est-à-dire qu'ils combinent un crédit et la vente d'une option "permettant" de bonifier le taux de financement. Or, cette option repose sur des modulations d'indices ou de taux (comme les taux de change). Et là, le profil du risque des produits peut augmenter. La situation de la collectivité est différente suivant que l'emprunteur se trouve ou non dans la période où la barrière est activée, avec, dans ce cas un effet multiplicateur du risque. De plus, le risque de ces produits doit être évalué en fonction de la stratégie de la collectivité qui l'a ou non anticipé par des provisions (rares, car non obligatoires) ou qui a ou non des marges de manoeuvre fiscale pour se retourner. Je dirais globalement que les grandes collectivités sont moins exposées que les petites communes. Parmi les collectivités notées par FitchRatings, il n'y a pas de collectivités très exposées.
Dans votre rapport de juillet intitulé "La dette structurée des collectivités locales : gestion active ou spéculation? ", vous mettez en avant le fait que la réglementation actuelle est obsolète. Le 3 novembre, le gouvernement, à l'issue d'une réunion avec les banques et certaines collectivités, a annoncé la mise en chantier d'un code de bonne conduite. Est-ce suffisant ?
Notre rôle en tant qu'agence de notation se limite à constater que la réglementation, s'agissant de l'emprunt des collectivités, n'est pas suffisamment contraignante. Si elle fixe et limite les conditions de souscription des produits dérivés qui ne peuvent être souscrits dans un cadre spéculatif, elle laisse toutefois une marge de manoeuvre aux collectivités du moment que ces produits sont accolés à un emprunt. Seule contrainte, les emprunts sont systématiquement réservés à une dépense d'investissement. Il existe, pourtant, pour les acteurs du marché concurrentiel, des normes comptables internationales et européennes qui imposent de comptabiliser les instruments financiers à leur juste valeur. Les collectivités n'ont pas cette évaluation prudentielle.
Une association comme l'AMGVF met en avant la crise bancaire qui aurait pour effet de réduire l'accès au crédit et d'en augmenter le coût. Les collectivités vont-elles trouver, d'ici la fin de l'année, des ressources suffisantes pour couvrir leurs lignes de trésorerie ?
La situation est meilleure depuis quelques jours. Le marché connaît une bouffée d'oxygène avec la mise en place du plan de refinancement des banques françaises avec la garantie de l'Etat. A cette mesure s'ajoutent les 5 milliards d'euros qui devraient permettre, alors que les prêteurs ne sont pas suffisamment actifs, d'offrir des financements pour les collectivités asphyxiées. Il n'en demeure pas moins que les conditions des prêts bancaires restent élevées. Déjà, entre juillet 2007 et juillet 2008, les conditions des lignes de trésorerie, c'est-à-dire le financement à court terme, ont, pour certaines d'entre elles, pu être multipliées par dix. Il existe donc bien une véritable tension sur les lignes de trésorerie. Mais là encore, les collectivités territoriales ne sont pas toutes logées à la même enseigne. D'abord, certaines collectivités ont des relations privilégiées avec leurs banques qui leur offrent des conditions particulières. Ensuite, certaines ont souscrit, depuis longtemps, des lignes de crédit revolving dont la spécificité est de pouvoir être utilisées soit comme des crédits à court terme, soit comme des crédits à long terme. Les gestionnaires locaux peuvent donc utiliser ces crédits à court terme comme s'il s'agissait d'une ligne de trésorerie. Enfin, alors que le marché des prêts bancaires est particulièrement tendu, une possibilité, utilisée par exemple par la région Ile-de France ou la ville de Paris reste l'émission de produits désintermédiés : soit une émission à court terme avec les billets de trésorerie, soit une émission obligataire à long terme.
Cette solution est limitée à certaines collectivités et la situation actuelle laisse présumer une certaine frilosité des investisseurs.
En effet, les collectivités qui peuvent placer des émissions doivent être en phase avec le marché : une émission obligataire est possible à partir d'une certaine taille critique (environ au moins 50 millions d'euros). Reste que contrairement à l'Allemagne, à l'Espagne ou à l'Italie, les collectivités françaises, et notamment les régions, sont particulièrement en retard sur ce marché. Et si, en effet, les investisseurs sont frileux, il n'en demeure pas moins que ces produits restent intéressants. Enfin, leurs conditions peuvent s'avérer plus intéressantes que les prêts bancaires.
Clémence Villedieu
5 milliards d'euros de financement pour les collectivités : le dispositif est opérationnel
Le 4 novembre, dans le cadre d'une adjudication, 2,5 milliards d'euros ont été attribués aux banques pour financer les prêts aux collectivités territoriales. C'est le 20 octobre que le Premier ministre annonçait l'ouverture d'une "enveloppe de cinq milliards d'euros dédiée au refinancement des collectivités locales" accordée sur ressources de fonds d'épargne de la Caisse des Dépôts. La seconde part de l'enveloppe sera distribuée directement par la Caisse des Dépôts par l'intermédiaire des ses vingt-cinq directions régionales à un taux égal au coût de la ressource du livret d'épargne populaire (LEP) majoré de la marge moyenne résultant de l'adjudication. Ce taux, qui s'établit à 5,66 %, suivra l'évolution du taux de rémunération du LEP.