Crise économique - Le secteur public à la rescousse
Deux octobre : le sixième Forum Ecodefi "Collectivités et institutionnels locaux" de la Caisse nationale des caisses d'épargne (CNCE) avait une saveur particulière. Quelques jours après l'annonce d'une souscription de l'Etat au capital du groupe Dexia, de nouvelles rumeurs laissent présager que les banques françaises ne seraient pas non plus à l'abri de la crise internationale. Si la crise bancaire a débuté aux Etats-Unis à la fin de l'année 2006, en août 2007, elle fait son entrée en Europe avec un "coup de tonnerre" : l'annonce par BNP Paribas du gel d'une partie des ses fonds. Premier pic historique en mars 2008, suivi d'une crise immobilière en juin 2008 (les banques étant devenues plus frileuses pour prêter), la crise connaît en septembre une nouvelle montée en puissance.
Les banques françaises sont-elles en difficulté ? Roland Charbonnel, directeur adjoint finances du groupe CNCE, intervenant du Forum Ecodefi s'interroge : "Le marché obligataire étant fermé aux banques, comment vont-elles dans ces conditions se refinancer et donc pouvoir répondre aux besoins de financements des collectivités ?" Le groupe Caisse d'épargne a trois sources de financement à sa disposition. Le refinancement bancaire direct par émissions obligataires : cette source de financement est non seulement devenue très chère mais encore la durée des émissions obligataires a été réduite. La seconde source de financement est l'utilisation de la filiale Compagnie de financement bancaire qui offre des produits plus sûrs mais qui sont moins attractifs. Troisième possibilité : le recours à la Banque européenne d'investissement. Ses financements sont réservés à quatre domaines dont le logement social et la HQE et les sommes prêtées ne sont pas très importantes. A la question très claire d'un directeur financier d'une commune : les caisses d'épargne vont-elles continuer à répondre à nos appels d'offres ? La réponse fuse de la part de Roland Charbonnel : "Le groupe Caisse d'Epargne a un crédit qui reste de très bonne qualité."
Quant à la crise, "on peut difficilement s'attendre à ce que l'année prochaine, tout aille mieux. La croissance de 2009 devrait être proche de zéro. Ce qui caractérise la crise des ménages, c'est qu'elle est durable. Elle ne pourra se résoudre que par le déficit public. C'est la seule solution !", conclut Evariste Lefeuvre, directeur adjoint de la recherche économique de Natixis.
L'Etat se lance dans la mêlée
Premier octobre : quelques jours après la présentation du projet de loi de finances qui actait une baisse de l'effort de l'Etat en faveur du logement, la crise immobilière en France est "officielle" : Nicolas Sarkozy annonce le rachat par l'Etat "à un prix décoté, de stocks de logements mis en vente en l'état futur d'achèvement, dont les travaux n'ont pas été lancés faute de certitude sur les ventes". Cette mesure inédite de portage devrait concerner "dans un premier temps" plus de 30.000 logements dont 10.000 rachetés par le biais de la Société nationale immobilière (SNI), filiale de la Caisse de Dépôts. L'objectif est de mener à terme les programmes immobiliers menacés par la crise du logement et de soutenir ainsi un secteur fragilisé. L'accession sociale à la propriété, axe prioritaire du gouvernement, sera "boostée" par le Pass-foncier pour les logements collectifs qui devrait concerner 30.000 logements dès 2009. Pour rappel, ce dispositif permettant de dissocier l'achat des murs du terrain était jusqu'ici limité à l'achat de logements individuels. Le projet de loi sur la mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, qui devrait être examiné en procédure d'urgence, a prévu d'élargir le Pass-foncier au collectif. Les crédits nécessaires seront inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009. Les plafonds des ressources des ménages en accession sociale à la propriété bénéficiant de crédits garantis par l'Etat seront relevés : dorénavant, 60% des ménages contractant un crédit immobilier devraient être éligibles à cette garantie, contre seulement 20% aujourd'hui. Outre son intérêt pour les ménages, cette mesure permet aussi aux banque d'accroître le volume de leurs actifs de qualité, éligibles à refinancement à faible coût sur les marchés. Selon le communiqué de l'Elysée "en tenant compte des moyens dégagés par la réforme du 1% logement, l'ensemble des moyens en faveur du logement progresseront de plus de 200 millions d'euros par rapport à 2008 (+3,6%)".
Les collectivités dans l'expectative
Deux octobre : ces annonces en faveur du logement sont largement commentées par les praticiens des finances locales, venus nombreux au forum Ecodefi. Les collectivités - au premier chef les départements mais aussi les communes - voient chuter leurs droits de mutation. Les collectivités qui ont vu depuis 2003, leurs dépenses d'investissement augmenter de 8% par an, auront-elles dans les mois et les années qui viennent le même entregent ?
"Quoi qu'on fasse, les conditions de financement seront nettement plus élevées pour les collectivités mais il y a un an et demi, les gestionnaires locaux empruntaient quasiment gratuitement", tempère Roland Charbonnel. Pour le chef du service études régionales de la CNCE, Robert Marti, 2008 et 2009 devraient être des années de baisse d'investissement avec le début du cycle électoral communal (le secteur communal représente 70% des investissements des collectivités). "A l'heure où le coût de l'emprunt est devenu préoccupant et à l'heure où l'endettement augmente (7% en 2007), les collectivités auront, pour autant, des besoins de financement importants."
Comme l'a rappelé Gilles Carrez, le président du Comité des finances locales, le 25 septembre, "le besoin de financement des collectivités locales devrait encore se creuser en 2008 : de 0,4 point de PIB en 2007, il pourrait passer cette année à 0,7 point de PIB. La dépense locale, qui progresse plus rapidement que le PIB, doit être freinée", a estimé le député. "Avec près de 40 milliards d'euros de dépenses d'équipement, les collectivités territoriales permettent le maintien de 850.000 emplois de la sphère privée", argumente, quant à lui, Robert Marti, le 2 octobre. Et de rappeler la seule bonne nouvelle : l'annonce d'une baisse importante du coût des matières premières. "Mais, conclut Robert Marti, selon la dernière enquête Ecodefi, pour les directeurs financiers des collectivités, la première source d'inquiétude et donc la première raison qui pourraient limiter leurs investissements demeure... la baisse réelle des financements de l'Etat !"
CQFD.
Clémence Villedieu et Jean-Noël Escudié / PCA