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Débat public - Vers un moratoire de l'installation des antennes-relais ?

Le Grenelle des antennes-relais s'est ouvert ce 23 avril. Avec 56 millions de Français équipés de téléphones mobiles, il devra répondre à une équation paradoxale : diminuer les zones d'ombre alors que des associations obtiennent le démontage de plusieurs antennes.

Le "Grenelle des antennes", ou plutôt le "Duquesne des antennes", a réuni sa première table ronde ce 23 avril au ministère de la Santé. Une cinquantaine de personnes (responsables associatifs, élus, opérateurs et experts) y ont participé en présence de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, et des secrétaires d'Etat Nathalie Kosciusko-Morizet (Economie numérique) et Chantal Jouanno (Ecologie), à Paris, avenue Duquesne. Objectif annoncé côté gouvernemental : faire le point sur les connaissances scientifiques et sur les réglementations en vigueur. Du côté des associations, les demandes sont d'ores et déjà plus précises : abaissement des seuils réglementaires d'exposition aux ondes à 0,6 volt par mètre (contre 41 V/m actuellement), interdiction des téléphones portables pour les enfants et lancement d'une campagne d'information sur les risques d'une utilisation prolongée du portable. "Nous espérons que l'incertitude scientifique soit reconnue" concernant les risques des ondes pour la santé, a précisé Stephen Kerckhove, délégué général de l'association Agir pour l'environnement.

 

Calendrier serré pour un mois de mai

Le format de cette table ronde est construit sur le même modèle que celui du Grenelle de l'environnement, avec cinq collèges : Etat, collectivités, associations, syndicats et organisations patronales. "Nous nous sommes mis d'accord ce matin sur les questions de méthodes et de principes", s'est réjouie Chantal Jouanno, à l'issue de la séance de travail inaugurale. Premier principe : le mandat est ouvert. "Aucun sujet n'est tabou : nous pouvons traiter du Wifi, du Wimax...", a repris la secrétaire d'Etat. Deuxième principe : "Il faut apporter des éclaircissements. Notamment nous mettre d'accord sur les protocoles des différentes études en cours", a-t-elle poursuivi. Troisième principe : étudier et comparer toutes les pistes des réglementations possibles. Après le 23 avril, plusieurs réunions des groupes de travail sont prévues, "une journée sur les antennes-relais le 6 mai, une demi-journée sur les portables le 14 et une journée le 15 sur tout ce qui n'aura pas été traité", selon la présidente de l'association Priartém. Jean-François Girard, docteur en médecine, ancien directeur général de la Santé et directeur de l'Institut de recherche pour le développement, présidera les séances de travail. Il avait déjà participé au Grenelle de l'environnement au titre des technologies innovantes. Une deuxième table ronde devrait se réunir, pour conclure, le 25 mai. Y participeront des responsables des agences sanitaires, du Conseil supérieur de l'audiovisuel, des associations d'élus locaux (AMF, AMGVF, Avicca), des parlementaires de la majorité et de l'opposition, des opérateurs, des associations de consommateurs ou d'environnement, des sociologues ou juristes, des syndicats, des directeurs d'administration centrale... "Le calendrier est trop contraint : nous n'aurons pas le temps d'arriver à un consensus d'ici fin mai. D'autant que nous voulons auditionner des scientifiques de niveau international", a regretté le délégué général de l'association Agir pour l'environnement.


Elus locaux en première ligne

"S'il faut plus de temps, il y en aura. Si nous devons inviter des scientifiques, nous le ferons", a immédiatement répondu Roselyne Bachelot, dans un esprit d'ouverture et de transparence. Il faut dire que le sujet est politiquement sensible : les parlementaires et les associations représentatives de collectivités se sont d'ailleurs mobilisés sur le sujet. S'appuyant sur sa propre expérience de gestionnaire locale, la secrétaire d'Etat au développement de l'économie numérique a reconnu : "Ce n'est pas un hasard si les élus sont aux premières loges. Ils sont à la convergence des demandes des citoyens dans ce qu'elles ont de paradoxal : une meilleure couverture et moins d'antennes-relais."  Selon l'Association française des opérateurs mobiles (Afom), la France compte 49.000 antennes-relais sur un total de 130.000 émetteurs d'ondes (télévision, radio, police, etc.). En 2008, 2.200 nouvelles antennes ont été implantées. "Les élus sont pris en sandwich entre une réglementation souvent complexe (autorisation préalable) et une opinion publique de plus en plus sensible sur le sujet", a repris Nathalie Kosciusko-Morizet. Certains élus ont même proposé que les connexions Wifi dans les écoles soient suspendues. Une prochaine étude de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) devrait être bouclée en septembre 2009. Elle devrait faire le point sur les études sanitaires internationales et sur les réglementations proposées. D'ici là, les associations spécialistes de ces sujets proposent un moratoire sur l'installation des antennes en France. "C'est une décision qu'il conviendrait d'examiner dans un cadre interministériel", a conclu Chantal Jouanno.

 

Luc Derriano / EVS

 

Les opérateurs en ligne de mire

Le casse-tête juridique des opérateurs, auxquels l'Etat impose de couvrir la quasi-totalité du territoire :
4 février : Bouygues Telecom a été condamnée en appel à Versailles à démonter une antenne dans le Rhône, une première en France, la cour invoquant l'"incertitude" concernant un éventuel impact sur la santé des riverains.
16 février : SFR a également été condamnée à Carpentras (Vaucluse) pour le même motif, ainsi que pour nuisance esthétique.
5 mars : Orange s'est vu interdire par le tribunal de grande instance d'Angers l'installation de trois antennes sur le clocher d'une église, à proximité d'une école.

 

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