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Habitat - USH : non, le logement social n'est pas un "jeu de Monopoly" !

"Inquiétude", "grande déception", "incompréhension", "colère"... Les termes employés par Thierry Repentin, le président de l'Union sociale pour l'habitat (USH), ce 20 janvier pour décrire l'état d'esprit du mouvement HLM en ce début d'année 2010 sont pour le moins sombres. Benoist Apparu, le secrétaire d'Etat en charge du logement, comme la conseillère logement du président de la République, Sibyle Veil, ont dû avoir les oreilles qui sifflent... (voir le texte du discours ci-contre). Mais au-delà cette critique très sévère tant du fond que de la forme de la politique gouvernementale, il s'agissait pour Thierry Repentin de rassembler les troupes. Un exercice pas si facile, alors que l'objectif du gouvernement est clairement de diviser la "grande famille du logement HLM". Explications.

 

Déconstruire le discours gouvernemental

Petit retour en arrière : Benoist Apparu a martelé lors de chacune de ses interventions publiques de ces derniers mois (voir nos articles ci-contre), trois idées qui justifient sa politique. Premièrement, les logements sociaux ne sont pas construits au bon endroit : on en fait trop en Auvergne, pas assez dans les zones tendues (Ile-de-France, vallée du Rhône, Paca). Deuxièmement, il y a trop d'organismes, et trop petits : il faut simplifier tout cela, et donc encourager notamment les sociétés anonymes d'HLM à se regrouper, à atteindre une "taille critique". Troisièmement, il faut que les organismes HLM ne comptent pas seulement sur les aides de l'Etat pour construire de nouveaux logements et trouvent de l'argent ailleurs, notamment dans la vente de leur patrimoine.
C'est ce discours que l'USH s'est a employé à déconstruire le 20 janvier. Thierry Repentin a expliqué que non, les organismes ne construisaient pas des logements sans s'assurer qu'existait une demande. La preuve ? "Nous n'avons pas de vacance, et les constructions défiscalisées, Robien ou Scellier, ne peuvent pas en dire autant." Et d'ailleurs, les organismes HLM ne sont pas seuls responsables de la localisation de leurs programmes neufs : ces dernières années, "les préfets ont poussé parfois à l'excès les organismes à la construction afin de remplir leurs propres objectifs".
Il a expliqué ensuite que la taille des organismes ne fait pas leur efficacité. L'essentiel est le "service rendu localement", "l'ancrage territorial" des organismes. Et afficher pour tout critère d'efficacité le nombre de logements gérés n'est pas sérieux : si l'on dit qu'il faut un minimum de 5.000 logements pour atteindre une taille critique, "il n'y a plus d'organisme HLM en Corrèze".
Enfin, sur la vente du parc, le gouvernement et l'USH ont signé un accord, en décembre 2007, qui dit clairement (article 4-1) que "les critères de mise en vente résultent des politiques locales de l'habitat" et que "le produit des ventes (...) ne se substitue pas aux financements d'Etat". Pas question donc de "brader" le parc social pour compenser le fait que "l'Etat manque à son rôle de garant de la solidarité nationale".

 

D'accord pour des regroupements, mais librement choisis

Au croisement de ces trois sujets est la question du regroupement des entreprises sociales pour l'habitat (ESH) : début décembre, Benoist Apparu avait encouragé le 1%, actionnaire majeur de ces sociétés, à réaliser des fusions pour avoir des groupes de taille nationale (voir notre article ci-contre). Ces groupes gagneraient de l'argent en vendant leur parc en zone non-tendue, pour financer la construction de logements en zone tendue. Pour Thierry Repentin, le gouvernement "s'essaie à jouer au grand Meccano en pensant peut-être au grand Monopoly". Le 14 janvier, l'ensemble des fédérations – donc y compris celle des ESH – a donc répondu par une lettre aux déclarations du secrétaire d'Etat sur ce point. Ce texte, dont visiblement chaque mot a été pesé et négocié, demande "une vraie concertation, tant sur le fond que sur la méthode de travail". Comprendre que l'USH est assez peu satisfaite que le ministre oublie qu'elle est l'interlocuteur incontournable, et qu'il préfère discuter directement avec les grandes ESH de la région parisienne.
La lettre rappelle ensuite que le "lien de chaque organisme, quel que soit son statut, avec le territoire où il intervient est fondamental". Un point important : pourquoi des collectivités iraient garantir des emprunts ou donner des subventions à des organismes qui seraient, selon des termes de Thierry Repentin, "des aspirateurs pour remonter de l'argent dans d'autres régions" ? Un sujet sur lequel l'ensemble des associations d'élus ne peuvent que suivre le président de l'USH. Enfin, dans ce courrier au secrétaire d'Etat, le monde HLM souhaite que les organismes puissent "coopérer", et pour cela ils demandent que le droit évolue. En substance, d'accord pour des regroupements, mais à condition qu'ils soient choisis et non contraints. Cette demande de clarification juridique n'a rien de neuf : il s'agit d'un cheval de bataille ancien pour l'USH, qui souhaite très logiquement régler ses affaires en famille, en limitant autant que possible la tutelle de l'Etat.

 

Comment l'Etat peut-il imposer des regroupements d'organisme ? 

Reste un point pas très clair tout de même : au-delà des discours, le gouvernement peut-il effectivement contraindre des sociétés anonymes dans lesquelles l'Etat n'est pas actionnaire à se regrouper ? Il a certes l'agrément des organismes, mais celui-ci étant à durée illimitée, cet outil de contrôle n'est pas bien efficace. Il peut aussi mettre en place des incitations financières en permettant par exemple aux plus gros organismes et à ceux qui vendent le plus de logement, de pouvoir augmenter leurs loyers en déconventionnant une partie de leur parc... mais le conventionnement étant du domaine législatif, il faudrait une nouvelle loi logement, dont on doute qu'elle puisse trouver une place dans un calendrier parlementaire plus que chargé cette année. Il peut également réserver les agréments PLS – les opérations qui rapportent de l'argent aux organismes – aux grosses structures... mais cela handicaperait fortement le montage de toutes les opérations de construction... les élus ne suivront pas.
Bref, plus que du gouvernement, les projets de fusion parmi les 281 ESH pourraient bien venir surtout de quelques groupes au sein du secteur HLM lui-même... d'où la position très combative de l'USH qui entend maintenir l'unité du mouvement et conserver sa position d'interlocuteur incontournable. Une unité extrêmement importante alors que les menaces sur le financement du logement et de la politique de la ville sont bien réelles : avenir du 1%, financement de l'Anru, absence des crédits Palulos, révision prochaine des APL dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, et enfin préparation du cadrage triennal des budgets 2011-2012-2013 pour lequel les avant-projets prévoient des aides à la pierre de 300 millions d'euros (contre 480 millions dans le PLF 2010)... les sujets d'inquiétude ne manquent pas.  
Une bonne nouvelle pour terminer ? Elle vient de Pierre Quercy, le délégué général de l'USH, qui a déclaré : "L'essentiel des décrets d'application de la loi Boutin est paru." Une déclaration qui ne peut qu'annoncer une excellente année 2010 pour tous ceux qui, ces dernières semaines, ont dû digérer un flot ininterrompu de nouveaux textes réglementaires...

 

Hélène Lemesle
 

Références : Accord entre l'Etat et l'Union sociale de l'habitat relatif aux parcours résidentiels des locataires et au développement de l'offre de logements sociaux du 18 décembre 2007.

 

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