Baisse des APL dans le parc social - Une sortie de crise se dessine au Sénat
Le président de la République a confirmé qu'il était d'accord pour que se tienne au Sénat une "conférence de consensus" sur le logement. Le mouvement HLM propose deux pistes concrètes pour sortir du bras de fer avec le gouvernement. Les commissions des finances et des affaires économiques du Sénat réservent leur vote de l'article 52 du projet de loi de finances pour 2018 dans l'attente du compromis. On dirait bien qu'on approche.
La "conférence de consensus" sur le logement, proposée par Gérard Larcher (voir notre article du 9 novembre 2017) aura bien lieu. "J'ai décidé de faire mienne la proposition du président du Sénat d'une conférence de consensus sur le logement, qui associera les collectivités territoriale et les acteurs du secteur", a déclaré Emmanuel Macron, jeudi 23 novembre, lors du Congrès des maires. Le président de la République ne remet pas en cause la réforme "mais nous pouvons la rendre plus intelligente", a-t-il concédé. Son objectif est toujours de finaliser un texte "d'ici l'année prochaine", lequel ferait partie du vaste projet de loi Logement qui sera "déposé au Parlement au premier semestre de l'année prochaine".
La veille, deux commissions sénatoriales avaient mis la pression, dans le cadre de l'examen des crédits logement du projet de loi de finances pour 2018, et tout particulièrement de son article 52.
"Proposer une solution soutenable pour le secteur du logement social"
La commission des finances du Sénat, sur proposition de son rapporteur spécial sur Philippe Dallier, et la commission des affaires économiques, sur proposition de son rapporteur Dominique Estrosi Sassone, avaient décidé de réserver leur vote "en attente des résultats du travail de concertation et de recherche de compromis actuellement en cours pour proposer une solution soutenable pour le secteur du logement social". L'article incriminé prévoit de réduire les dépenses APL de l'Etat en faveur des locataires HLM à hauteur de 1,5 milliard d'euros et, pour que cela soit indolore pour les familles, impose aux bailleurs sociaux de baisser leurs loyers. Jusqu'à présent, le mouvement HLM avait renvoyé d'un revers de main les contreparties imaginées par le gouvernement pour éviter une perte de leur capacité d'investissement et de remboursement d'emprunt. Les sénateurs ont fait de même, en "expliquant que l’équilibre permettant à la fois de parvenir à une réduction de la dépense de l’Etat au titre des aides personnelles au logement et à une solution qui ne risquerait pas de déstabiliser le secteur du logement social n’était, à ce stade, pas atteint".
Gérard Larcher avait vendu la mèche
La déclaration d'Emmanuel Macron est une demi-surprise. Gérard Larcher lui-même avait vendu la mèche la veille au Congrès des maires. Jacques Mézard l'avait aussi confié aux journalistes, le 21 novembre, en sortant de la convention nationale du groupe Action Logement (ex-1% Logement). Quelques minutes auparavant, le ministre de la Cohésion des territoires avait même fait un discours en tribune sur le ton doux-amer qui le caractérise. Saluant la "capacité d'Action Logement à se restructurer" et à être pour le ministère un "partenaire dynamique", il avait ajouté : "Ce n'est pas tous les jours facile de se restructurer, nous en faisons tous les jours l'expérience." Et puis, avec les dirigeants d'Action Logement, "nous nous voyons souvent, nous nous téléphonons, dans le but conjoint de trouver des solutions non pas par des compromissions, mais dans l'esprit de consensus dynamique". Allusions à peine voilées...
Mais au moment d'aborder dans son discours la "restructuration du secteur HLM", Jacques Mézard a insisté pour rappeler son attachement à trouver des "solutions qui ne mettent pas en danger les bailleurs sociaux". "Nous devons réussir cette restructuration dans un délais de trois ans", a-t-il rappelé.
Un livre noir de la réforme des APL
Le jour même, à l'occasion du congrès des maires, l'USH publiait sur son site le "Livre noir de la réforme des APL", dans lequel les estimations des impacts de la réforme des APL sont rappelées : coût global de 1,8 milliard d'euros pour les organismes HLM, soit 75% de leur capacité d'investissement ; 54.100 constructions de logements en moins ; 103.100 logements non réhabilités ; 557 millions d'euros de TVA en moins dans les caisses de l'Etat ; plus de 146.000 emplois détruits dans le secteur du bâtiment. Sont également rappelés les soutiens apportés, notamment ceux des associations d'élus (ADF, AMF, AMVBF, APVF, France urbaine, Villes de France).
Et puis le lendemain, ce mercredi 22 novembre, l'USH publie un communiqué de presse dans lequel elle présente les propositions dont elle a fait part au Sénat en vue d'une "une sortie de crise". Propositions qui "tout en respectant le principe d'une contribution du mouvement HLM à la réduction du déficit de l'Etat à hauteur de 1,2 milliard d'euros, permettent de ne pas altérer durablement les capacités d'investissement des organismes HLM à l'heure où le gouvernement entend promouvoir un 'choc de l'offre'".
Le relèvement du taux de TVA de 5,5% à 10%
Ces propositions reposent sur deux éléments. Le premier a été validé par le Premier ministre au Congrès des maires (voir notre article du 22 novembre 2017). Il s'agirait du relèvement du taux de TVA de 5,5% à 10% portant sur la production de logements locatifs sociaux neufs et sur les travaux d'investissement dans des logements locatifs sociaux existants. "L'impact sur les recettes d'exploitation des bailleurs sera donc moindre", a expliqué Edouard Philippe, mais en précisant bien que cela concernerait une "phase transitoire de trois ans". Les fameux trois ans correspondant au temps nécessaire à l'achèvement de la "restructuration" du secteur HLM...
L'USH estime que cela permettrait au gouvernement de récupérer 730 millions d'euros de recettes chaque année. Soit la moitié des économies espérées par le gouvernement (1,5 milliard). Les deux commissions des finances, qui ont validé l'idée au point de préparer un amendement, parlent plutôt de 600 millions.
Les organismes HLM proposent de verser davantage à la CGLLS
Deuxième piste, l'USH propose la création d'une contribution complémentaire des organismes de logement social à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Cette nouvelle contribution serait reversée au fonds national des aides au logement (Fnal). Elle aurait deux sources. La première cotisation à la CGLLS serait basée sur les loyers avec une modulation selon la production de logements, le nombre de logements en quartier prioritaire de la politique de la ville ou encore le nombre de ménages APLisés.
S'ajouterait à cette première cotisation une cotisation "spéciale" calculée en fonction du nombre de logements énergivores (classés sous les étiquettes énergétiques E, F, G) détenus par les organismes de logement social. La cotisation par logement serait différente selon l'étiquette énergétique (avec des montants fixés par arrêté). Et "les investissements seraient facilités par l'amélioration des conditions de financement des organismes de logement social (éco-prêts, prêts de haut de bilan bonifiés, baisse du taux du Livret A)". "Le dispositif serait très incitatif pour accélérer la réhabilitation thermique des logements sociaux", souligne l'USH.