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Habitat - Action Logement est "mobilisée", l'USH claque la porte... toutes les réactions au plan Logement du gouvernement

Le plan Logement du gouvernement présenté mercredi 20 septembre au ministère de la Cohésion des territoires n'est loin pas de remporter l'unanimité contre lui. La réforme des APL telle qu'elle se dévoile peu à peu ne trouve aucun défenseur. Les mesures visant à provoquer le "choc de l'offre" promis en ravit certain mais peine à convaincre largement. Les débats parlementaires sur le projet de loi de finances pour 2018 et sur le projet de loi "Logement et Mobilité" annoncé pour la fin de l'année 2017 permettront peut-être de forger une vision davantage partagée.

"Nous refusons de poursuivre la discussion." La position de l'Union sociale pour l'habitat (USH) est sans doute la plus tranchée de toutes celles qui ont suivi la présentation le 20 septembre du plan Logement du gouvernement. "Cette opération n'est pas sérieuse, elle a été bâtie à la va-vite, elle repose sur des hypothèses erronées, elle ne tient pas la route", a déclaré Frédéric Paul, lors d'une conférence de presse vendredi 22 septembre. Cette décision lourde, le délégué général de l'USH venait de la faire savoir aux cabinets de Matignon, du ministère du Logement et de Bercy. Dans son communiqué rédigé "à chaud" deux jours auparavant, l'USH n'en attendait d'ailleurs déjà plus rien, elle déclarait que "face à une mesure qui met en cause le modèle républicain et la cohésion nationale, le mouvement HLM en appelle solennellement au président de la République".
Ses arguments - autant techniques que politiques - seront largement déployés durant les trois jours du congrès HLM de Strasbourg qui débutera mardi prochain, le 26 septembre, la veille de la présentation du projet de loi de finances pour 2018. Jacques Mézard et Julien Denormandie ont confirmé leur présence. Courageux.

Les HLM ne croient pas aux contreparties qui leur sont proposées

Le ministre de la Cohésion sociale et son secrétaire d'Etat s'entendront redire que les HLM ne croient pas une seconde aux contreparties qui leur sont proposées pour compenser la baisse de 60 euros des loyers de leurs locataires APLisés et que le gouvernement veut leur imposer pour alléger les dépenses "APL" dans le budget de l'Etat à hauteur de 1,4 milliard d'euros par an*.
"Cette mécanique de baisse parallèle des APL et des loyers dans le parc social n'est pas soutenable et elle n'améliorera en rien le pouvoir d'achat des locataires bénéficiant de l'APL." De plus, elle "mettrait en péril l'équilibre financier des organismes HLM" et constituerait même "une catastrophe pour l'ensemble des territoires". Par ailleurs, l'USH ne voit, dans le plan Logement, aucune mesure qui pourrait provoquer un "choc de l'offre".
Dans la lignée de l'USH, les coopératives HLM (Coop'HLM) ne veulent "pas d'économies sur le dos des locataires" et demandent également au gouvernement de "préserver l'équilibre économique à long terme des bailleurs sociaux, afin qu'ils poursuivent leur mission sociale, entretiennent correctement leur patrimoine, accroissent leur production de logements sociaux et très sociaux". Coop'HLM s'inquiète également du recentrage du PTZ, qui va "à l'encontre du choc de l'offre".
De son côté, la Fédération des offices publics de l'habitat (OPH) voit dans l'annonce de la baisse des loyers "un coup de massue portée au logement social" (voir notre article ci-dessous du 21 septembre 2017). Et la Fédération des ESH alerte sur "les conséquences majeures en termes de maintenance, d’investissement et d’emplois".

Action Logement est prête à "participer au choc de production en zones tendues" et à "lutter contre la fracture territoriale".

Le groupe Gambetta, qui est à la fois membre de l'USH et de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), estime sans détour que "ce qui s'annonce n'est rien moins que le meurtre du logement social en France". Selon Norbert Fanchon, président du directoire, "le gouvernement persiste et signe l'arrêt de mort des HLM. On voit se mettre en place un mécanisme infernal de démantèlement des HLM, très loin du choc de l'offre".
La réaction de la FPI est bien moins sévère. Elle salue même "positivement" le plan Logement, manifestant un soulagement non dissimulé après l'annonce du maintien du Pinel et du PTZ. La FPI estime en effet qu'"en permettant de construire plus, mieux et moins cher, les mesures annoncées par l'exécutif pourraient corriger les dysfonctionnements existants, faciliter l'accès au logement de tous nos concitoyens et, à terme, résorber le déficit de logements en France".
Action Logement a de loin la réaction la plus enthousiaste. Après avoir "pris connaissance avec intérêt des orientations stratégiques du gouvernement", elle se dit "mobilisée pour contribuer à lever les obstacles au développement de la construction de logements sociaux et intermédiaires" et prête à "participer au choc de production en zones tendues et [à] lutter contre la fracture territoriale".
Par la voix de sa présidente, le conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) trouve positive "l'inversion sur la fiscalité des fonciers" et juge qu'"il y a de vraies réformes à faire" sur le logement social, car "il y a une rigidité dans le système qui doit être combattue, assouplie".
De son côté, la Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier) voit dans la stratégie logement "de nombreuses mesures positives", mais estime "un Grenelle du logement plus que jamais nécessaire". Ce Grenelle du logement "pourra participer efficacement et de manière pertinente au rééquilibrage du marché et permettra de repartir sur des bases saines".

Peut-être bien que oui, peut-être bien que non

Sans être hostiles, d'autres réactions sont plus dubitatives ou partagées. C'est le cas de Procivis, réseau des sociétés anonymes d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété, mais aussi membre de l'USH (Union sociale pour l'habitat). L'association dit "oui au choc de l'offre, [mais] non à l'évolution sans concertation du modèle français du logement social". Elle "partage les grands objectifs présentés par le gouvernement", mais "souhaite cependant attirer son attention sur la nécessité d'identifier les leviers d'action les plus efficaces". Procivis se dit notamment "inquiet sur l'interruption brutale du dispositif Pinel et plus encore du PTZ en zone B2 et C".
Sur un autre registre, la Fédération française du bâtiment (FFB) se félicite "pour l'essentiel" des annonces du gouvernement, dans lequel elle trouve "de sérieuses avancées, mais de dangereux oublis". Sérieuses avancées, le maintien pour quatre ans des dispositifs Pinel et PTZ dans les zones tendues ou la création d'un choc de l'offre, qui répond "aux vœux exprimés de longue date par l'ensemble de la profession". Dangereux oubli, à nouveau, "la brutale disparition du PTZ en zone C et du Pinel en zone B2, [qui] constitue un signal très négatif" et "ne pourra que contribuer à accentuer la fracture territoriale".
Position très similaire - sans surprise - pour la LCA-FFB (les constructeurs et aménageurs), qui salue des dispositions "très positives", mais s'indigne de "la mise sous soins palliatifs du PTZ en zone B2 en 2018" - prélude selon elle à "une mort annoncée" - et s'inquiète aussi des "réductions drastiques des aides au logement".
Enfin, la Fédération des entreprises publique locales (EPL - logement) "partage avec le gouvernement la volonté d'agir en faveur du choc de l'offre dans les zones tendues", mais "s'inquiète de toute décision de baisse des loyers, qui placerait les organismes dans des situations financières très difficiles".

Associations : c'est non !

Du côté des associations - qui avaient déjà réagi à l'annonce de la baisse des APL -, l'heure n'est pas à la nuance. La Fédération des acteurs de la solidarité (FAS, ex-Fnars) juge ainsi que "les mesures annoncées sont en contradiction avec les objectifs affichés initialement par le gouvernement dans sa feuille de route 'Logement d'abord', à savoir l'accès au logement pour les personnes les plus démunies". Elle demande donc au gouvernement "de suspendre les mesures d'économies sur l'APL et d'adopter à l'occasion du budget 2018 une loi de programmation de logements accessibles pour les plus précaires, mobilisant le parc HLM et le parc privé vacant".
La fondation Abbé-Pierre dénonce "des coupes budgétaires lourdes de conséquences" et s'oppose au projet de bail mobilité, qui "consisterait à offrir un bail précaire, ni plus ni moins, pour les jeunes et les plus fragiles". Elle s'inquiète aussi "des annonces de vente à grande échelle de logements sociaux, qui s'apparente à une privatisation partielle du patrimoine de la Nation". La Confédération du logement et du cadre de vie (CLCV) s'étonne que les mesures annoncées sur les loyers "ne concernent que le parc social, alors que les loyers y sont réglementés et parmi les plus faibles". Elle juge "urgent d'agir sur le parc privé, où les loyers continuent d'augmenter" et demande une extension de l'encadrement des loyers, sans attendre l'évaluation annoncée par le gouvernement.
Plus radicale, la Confédération nationale du logement (CNL) ne voit dans la stratégie logement que "la mise à mort pure et simple du modèle HLM", une "ghettoïsation des quartiers" et "la remise en cause du maintien dans les lieux". Autrement dit, une stratégie qui "se révèle à la hauteur de nos craintes".
Ces associations, réunies avec d'autres (notamment des associations représentatives de la jeunesse comme l'Union nationale pour l'habitat des jeunes ou le syndicat étudiant Unef), dans le collectif "Vive l'APL", lancent un "appel commun" et invitent à des mobilisations, le 14 octobre, dans toute la France. L'USH s'est d'ailleurs jointe à elles.

Agir ou attendre

Dans ce concert de réactions, deux positions particulières sont aussi à signaler. D'abord, celle du conseil d'administration du fonds national des aides à la pierre (Fnap) - présidé par Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole - qui, le 20 septembre, juste avant la présentation de la stratégie logement, a rejeté le budget rectificatif présenté par le ministère de la Cohésion des territoires. Un rejet permis par l'addition des voix des représentants des collectivités territoriales et des organismes HLM (voir notre article ci-dessous du 21 septembre 2017).
Ensuite, le silence de l'Union nationale de la propriété immobilière (Unpi), pourtant toujours prompte à réagir. Soulagée de l'absence de toute annonce sur une extension de l'encadrement des loyers du secteur privé, l'Unpi préfère sans doute fourbir ses armes pour préparer son grand combat contre le projet d'impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui devrait remplacer l'ISF.
On peut s'étonner aussi du silence des associations d'élus. D'autant que, comme le répète l'USH, la dette des organismes HLM, de 140 milliards d'euros, est garantie par les collectivités locales... Peut-être les associations d'élus sont-elles mobilisées sur leurs congrès respectifs à venir, et envisagent-elles cette tribune pour exprimer leur position. Les acteurs du logement les attendent en tous les cas au tournant.

Quelques élus locaux commencent à s'exprimer

Quelques élus se sont toutefois exprimés à titre individuel.  Alain Juppé, maire de Bordeaux et président de Bordeaux Métropole, s'est déclaré du côté des bailleurs sociaux dont il estime les attentes "légitimes". Stéphane Troussel, président (PS) du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, estime dans un communiqué que "le modèle du logement social est sacrifié" et que "ce gouvernement joue aux apprentis sorciers avec un secteur fragile et complexe".
Geoffroy Didier, vice-président (LR) de la région Ile-de-France en charge du logement, juge que les objectifs du plan sont "bons" quand il cherche à "renforcer l'offre de logements dans les zones tendues et rechercher une baisse du prix des loyers dans le parc social ; mais que "les mesures le sont moins". Il identifie par exemple un "effet pervers" à "imposer aux bailleurs sociaux de compenser la baisse des APL en baissant leurs loyers" au sens où "en réduisant leurs ressources, les bailleurs perdront la possibilité d'entretenir leur parc social". Il aurait pour sa part préféré "la fin du versement de l'APL aux enfants de familles aisées".
François Cuillandre, maire (PS) de Brest et président de Brest métropole habitat, a signé un communiqué de presse avec le DG de Brest métropole habitat dans lequel ils s'indignent du "choix politique désastreux pour le logement social et les ménages modestes et défavorisés à l’heure où le gouvernement s’apprête à réduire l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) de 3 milliards d'euros". C'est sûr, le débat autour du projet de loi de finances pour 2018 sera animé.

* Ces montants de 60 euros et de 1,4 milliard d'euros, non confirmés par le gouvernement mercredi, sont les hypothèses de travail qui ont été exposées à l'USH, nous a-t-elle indiqué ce vendredi 22 septembre.