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Logement - La réforme est lancée... et la mèche allumée

Alors que la construction est très nettement repartie à la hausse depuis environ un an, la question du logement ne figurait pas dans les chantiers prioritaires de la rentrée, si ce n'est sous l'angle de la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des ménages. Mais celle-ci relève davantage de la fiscalité et de la situation budgétaire des collectivités territoriales. L'annonce surprise d'une baisse de cinq euros par mois de toutes les aides personnelles au logement (APL, aide au logement à caractère familial et aide au logement à caractère social), versées par les CAF et financées par l'Etat (voir notre article ci-dessous du 24 juillet 2017), en a décidé autrement. Mal préparée et mal annoncée, cette mesure a suscité des réactions d'ampleur auxquelles l'exécutif ne s'attendait manifestement pas, conduisant le gouvernement à annoncer en urgence une "réforme globale" de la politique en faveur du logement dès cet automne (voir notre article ci-dessous du 25 juillet 2017). Une réforme à haut risque, centrée autour du futur projet de loi Logement, mais qui ne manquera pas d'agglomérer d'autres sujets sensibles, comme le sort des dispositifs en faveur de l'investissement locatif ou la création annoncée d'un "impôt sur la fortune immobilière" (IFI).

Un enjeu à trente milliards d'euros

Jacques Mézard, le ministre de la Cohésion des territoires - en charge du logement -, a pointé, dans une interview à RTL le 25 juillet, les incohérence d'un dispositif d'aides au logement à 30 milliards d'euros, dont 19 milliards pour les aides personnelles au logement, évoquant même un "système pervers" où "un euro de plus sur l'APL" équivaut à "78 centimes de hausse des loyers".
Cette charge contre le système actuel des APL - qualifié également par Jacques Mézard de "camion fou" et de "bateau ivre"... - rejoint les propos de Gérald Darmanin lors du débat d'orientation budgétaire à l'Assemblée. Le ministre de l'Action et des Comptes publics a en effet cité le logement parmi les trois politiques publiques à réformer en priorité (voir notre article ci-dessous du 20 juillet 2017).

Enfin une réforme ?

Si elle est menée à son terme, cette réforme d'ensemble des aides au logement serait une première, tous les gouvernements ayant jusqu'alors renoncé à l'engager, malgré les critiques récurrentes sur les faiblesses du dispositif. Faute de cette réforme globale, les mesures ponctuelles se sont accumulées au fil des ans.
Durant le seul quinquennat de François Hollande, pas moins de cinq "coups de rabot" ont ainsi été apportés aux APL, depuis la suppression du versement le mois de la demande de la prestation, décidée par Cécile Duflot en 2012, jusqu'aux deux mesures de 2016 prévoyant la prise en compte du patrimoine (à partir de 30.000 euros) dans les revenus du demandeur et instaurant une dégressivité des aides au logement à partir d'un certain plafond de loyer et même une suppression des aides au-delà d'un second plafond.
Mais, à la différence de la baisse uniforme de cinq euros par mois qui touche les 6,28 millions de bénéficiaires (environ 13 millions de personnes si on prend en compte les conjoints et les enfants), il s'agissait alors de mesures très ciblées, peu efficaces en termes budgétaires, mais acceptables socialement. Elles sont donc passées quasiment inaperçues.

Le viatique de la Cour des comptes

Dans son entreprise de réforme des aides au logement, le gouvernement devrait s'appuyer sur le rapport de la Cour des comptes consacré à ce sujet et commandé par la commission des finances du Sénat (voir notre article ci-dessous du 18 septembre 2015). Demeuré sans suite à l'époque, ce rapport pourrait retrouver une soudaine actualité. Ses conclusions rejoignent d'ailleurs très largement celles d'un rapport sur les aides au logement - en principe confidentiel -, commandé cette fois-ci par le précédent gouvernement à trois inspections générales (Igas, IGF et CGDD) et resté lui aussi sans suite (voir notre article ci-dessous du 30 janvier 2015).
Dans son rapport, très critique sur le système actuel, la Cour des comptes observe notamment que "malgré leur caractère globalement redistributif, les aides personnelles laissent subsister des inégalités entre les ménages au regard de leur situation de logement".
En matière de solutions, le rapport propose une double approche. La Cour des comptes préconise ainsi un certain nombre d'ajustements ponctuels : meilleure prévisibilité de l'aide pour les ménages (en simplifiant les dates d'accès aux droits et en "gelant" le montant de l'aide sur une période de six mois), réduction des écarts entre le parc public et le parc privé, réforme du régime de l'APL pour les étudiants, renforcement du pilotage budgétaire des aides au logement, amélioration de la connaissance du parc grâce à la création d'une base de données sur les logements...
Mais, consciente des limites de ces mesures, la Cour des comptes propose surtout de passer à une "approche systémique", notamment en fusionnant les APL avec la prime d'activité, afin de renforcer la vocation sociale des aides au logement. La Cour elle-même reconnaissant qu'un tel exercice s'annonce pour le moins complexe, rien n'indique à ce jour que le gouvernement est prêt à s'engager dans cette voie.

Réforme en vue pour le dispositif Pinel

Dès lors que l'exécutif est décidé à prendre à bras le corps la question du logement, la réforme pourra difficilement se cantonner au seul dossier des APL. Deux questions au moins ne vont pas manquer d'interférer avec ce dernier, ne serait-ce que dans un souci d'équilibre politique et social.
La première concerne le sort des aides fiscales à l'investissement locatif, et plus spécialement celui de leur dernier avatar, le dispositif Pinel (voir notre article ci-dessous du 21 juillet 2017). S'il a sans doute joué un rôle dans la reprise de la construction de logements, ce dispositif et ses semblables en cours d'extinction (Robien, Borloo, Scellier...) ont un coût de l'ordre de deux milliards d'euros par an et présentent un certain nombre d'effet pervers, notamment depuis l'extension du Pinel aux zones B2 et C alors qu'il devait initialement être limité aux territoires tendus en matière de logement.
En outre, il semble politiquement difficile de réduire les APL sans réviser un dispositif qui profite surtout aux classes aisées. Jacques Mézard s'est cependant déclaré réticent à un "arrêt brutal" du Pinel - au risque d'"une diminution des mises en chantier de logements" - et préconise plutôt de "trouver une solution équilibrée", qui reste toutefois à définir.

Mobilisation en vue contre l'impôt sur la fortune immobilière

La seconde question concerne l'instauration d'un "impôt sur la fortune immobilière", qui viserait directement les bailleurs privés. En pratique, il s'agirait de transférer sur la propriété immobilière "non productive" la part de l'ISF qui repose aujourd'hui sur les valeurs mobilières. En contrepartie de l'exonération de ces dernières (totale ou partielle) pour inciter à investir davantage dans l'économie, la fiscalité sur l'immobilier serait alourdie.
Pour Jean Perrin, le président de l'Unpi (Union nationale de la propriété immobilière), il s'agit là d''une très mauvaise nouvelle pour les propriétaires et d'une mauvaise nouvelle pour la France", au risque d'aboutir à "une crise du logement" puisque "les gens se détourneront de ce placement, donc plus d'activité et moins d'offres locatives". D'ores et déjà, l'Unpi et les autres représentants des propriétaires bailleurs privés fourbissent leurs armes pour s'opposer vigoureusement à la réforme.

Un projet de loi Logement, pour quoi faire ?

Après quelques hésitations, la perspective d'un projet de loi consacré au logement, qui serait déposé dès l'automne, est désormais actée. Son contenu reste en revanche très largement ouvert, d'autant plus que les quelques annonces sur le sujet n'ont pas été exemptes de contradictions (voir notre article ci-dessous du 30 juin 2017).
Dans ses premières intentions, le projet de loi devait comporter notamment des mesures visant à "fluidifier la mobilité dans les parcours résidentiels dans le parc privé et public" - quitte à revoir les règles du maintien dans les lieux pour le parc HLM en cas de dépassement des seuils de revenus -, mais aussi des dispositions sur la rénovation urbaine, la rénovation énergétique, la revitalisation des centre-ville ou encore la réforme de l'hébergement (où la pression va encore s'accroître après les récentes annonces d'Emmanuel Macron en matière de politique de l'asile).
D'autres mesures ont également été évoquées, comme l'extension du dispositif d'urbanisme OIN (opérations d'intérêt national) à une centaine de villes, mais aussi l'allègement de cette procédure très lourde. Au début du mois de juillet, Jacques Mézard a notamment confirmé, dans une interview aux Echos, l'intention du gouvernement de créer un "choc de l'offre de logements" dans les zones les plus tendues. Pour cela, le gouvernement n'hésiterait pas à remettre en cause le pouvoir du maire en matière de permis de construire et à durcir les sanctions contre les recours dilatoires.

Demandez le programme !

Il reste que le contenu de ce futur projet de loi reste encore très ouvert. Il pourrait notamment servir aussi de support à un certain nombre d'autres engagements qui figuraient dans le programme du candidat Emmanuel Macron, même si tous ne relèvent pas d'un texte législatif. C'est, par exemple, le cas de mesures permettant de faciliter l'accès au logement des jeunes et des actifs (avec la création de 60.000 logements pour les étudiants et 20.000 pour les jeunes actifs, et la mobilisation des bailleurs pour créer 30.000 "logements jeunes" dans le parc social) ou du renforcement des capacités d'hébergement d'urgence et de solutions relais.
Si Bercy prend la main sur ce projet de loi - comme cela a manifestement été le cas sur la baisse des APL -, d'autres sujets pourraient également venir s'agréger au texte, comme la réforme des aides à l'accession à la propriété - également réclamée avec force par la Cour des comptes, mais écartée par le précédent gouvernement (voir nos articles ci-dessous du 24 février et du 24 mars 2017) -, le renforcement de la transparence dans l'attribution des logement sociaux ou celui de la domiciliation (à ne pas confondre avec l'hébergement) pour les personnes sans abri..
En revanche, Emmanuel Macron et En Marche ont fait part, dès l'origine, de leur intention de ne pas remettre en cause les dispositions de la loi SRU. Cela devrait faire au moins un élément de stabilité dans un paysage qui s'annonce très mouvant durant les prochains mois...

 

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