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Départements - Une proposition de loi pour mieux compenser l'APA, le RSA et la PCH

Le bureau de l'Assemblée des départements de France doit examiner une proposition visant une compensation intégrale des allocations individuelles de solidarité versées par les départements. Un texte technique dont la recevabilité financière risque de poser question. Pas moins de 4,3 milliards d'euros sont en jeu.

Un bureau exceptionnel de l'Assemblée des départements de France (ADF) se réunit ce mardi 31 août pour examiner le texte d'une proposition de loi "relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements". Ce texte de six articles préparé par un groupe de travail technique de l'ADF vient marquer une nouvelle étape dans le long feuilleton du débat sur les difficultés financières des départements et sur les solutions à y apporter. Un feuilleton dont le dernier épisode substantiel en date avait été la rencontre, le 1er juin à Matignon, entre le Premier ministre et une délégation de l'ADF.

Le constat sous-tendant cette proposition de loi sur la compensation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), la prestation de compensation du handicap (PCH) et le revenu de solidarité active (RSA) est le suivant : le "financement inapproprié d'une partie du système de solidarité national menace l'équilibre financier des départements", résume l'exposé des motifs. En clef de voûte, aussi, un raisonnement : "S'il est logique que les départements soient responsables, y compris financièrement, des compétences qui leur sont véritablement transférées, ce principe ne peut valoir pour des compétences qui ne leur sont pas transférées dans la détermination de leurs règles d'attribution", et ne peut donc valoir pour l'APA, la PCH et le RSA, dont les montants et les règles d'attribution restent fixés au niveau national. Dans ce cas, poursuit l'ADF, "la responsabilité financière doit être liée à la responsabilité juridique, ce qui implique une compensation intégrale".

Le mécanisme global proposé est à première vue relativement simple : la compensation par l'Etat des charges relatives à chacune des trois allocations doit être réajustée tous les ans après avis de la commission consultative d'évaluation des charges (CCEC) sur la base des dépenses réelles constatées au dernier compte administratif de chaque département, et budgétée en loi de finances. Et "dans l'attente du calcul de la compensation définitive au titre d'une année considérée, l'Etat assure mensuellement, à chaque département, le versement d'une somme calculée sur la base de la compensation déterminée au titre de l'exercice précédent".

4,3 milliards d'euros

Les choses sont toutefois plus complexes pour l'APA, qui donne lieu à trois des six articles du texte. Ceci pour plusieurs raisons, dont la nécessité de se référer au plan d'aide moyen national établi par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour l'APA à domicile et à la valeur nationale du point GIR-dépendance pour l'APA en établissement.

En outre, dans la mesure où les départements, explique-t-on à l'ADF, bénéficient d'une "marge de manoeuvre réduite mais réelle" en matière d'APA, notamment sur les GIR, la proposition de loi prévoit un "ticket modérateur" de 10%. Autrement dit, chaque département percevrait "90% du droit à compensation applicable à sa situation". Philippe Adnot, président sans étiquette de l'Aube, serait à l'origine de cette idée de ticket modérateur.

Rien de tel en revanche pour la PCH, où "il n'y a aucune marge de manoeuvre pour le département". Même chose pour le RSA. Sur ce point, ne risque-t-on pourtant pas d'entendre dire, comme ce fut par exemple le cas lors du transfert du RMI, que le département peut en partie agir sur le nombre d'allocataires s'il met en place des politiques d'insertion efficaces ? L'objection, estime-t-on à l'ADF, ne tiendrait plus aujourd'hui, à l'heure où l'on est "entré dans le dur de la crise sociale" et où l'on doit de surcroît faire face aux sorties d'allocation de solidarité spécifique (ASS) basculant vers le RSA. Aucun ticket modérateur ne serait donc envisageable, en tout cas pour les prochaines années. Un postulat de compensation intégrale qui ne fera peut-être pas l'unanimité parmi les présidents de département. Certains estiment en tout cas que si la situation des départements face au RSA est conjoncturelle, mieux vaudrait alors par exemple prévoir un "fonds de crise" temporaire.

Concernant toujours le RSA, on notera que cette version de la proposition de loi simplifie quelque peu les choses en ne tenant pas compte du fait que pour le RSA majoré (ex-API), une clause de revoyure glissante est déjà prévue par la loi pour ajuster le montant de la compensation octroyée aux départements. Mais une rédaction alternative de l'article concerné est prête.

Et la réforme de l'APA ?

Après l'étape du bureau de l'ADF viendra celle du dépôt au Parlement, a priori "plutôt au Sénat". Ensuite, bien au-delà des problèmes de calendrier parlementaire, il n'est pas exclu que cette proposition de loi se voie opposer l'article 40 de la Constitution et son principe d'irrecevabilité financière de toute proposition dont l'adoption "aurait pour conséquence (…) la création ou l'aggravation d'une charge publique" - principe qui nécessite alors le recours à un "gage". A l'ADF, on considère que le texte, qui renvoie aux lois de finances et s'appuie sur la loi LRL du 13 août 2004, "n'a pas besoin d'être gagé". En sachant toutefois que le volume global des compensations dont il est question se chiffre à pas moins de 4,3 milliards d'euros.

En tout cas, la proposition de loi ne dit rien de ce qui, côté Etat, viendrait financer le schéma proposé. Et n'anticipe pas la réforme annoncée du financement de l'APA, qui pourrait pourtant changer la donne… mais dont on ne sait certes pas grand-chose, tant il est dit que le démarrage de ce chantier doit attendre la fin de celui sur les retraites. Rien de nouveau, du moins, depuis plusieurs mois, au delà des pistes par exemple développées par le rapport Rosso-Debord en juin dernier (voir notre article du 25 juin) : part assurantielle, révision des GIR (des travaux sur ce sujet auraient été engagés du côté du ministère chargé des Affaires sociales), gage patrimonial…

Sur le principe d'une proposition de loi et d'une meilleure compensation, les diverses couleurs politiques de l'ADF semblent d'accord. Ainsi, Bruno Sido, à la tête du groupe de la droite, du centre et des indépendants (DCI) de l'ADF, s'est récemment exprimé en faveur d’un "règlement à l’amiable" qui passerait effectivement par "la rédaction d’une proposition de loi transpartisane visant à assurer le financement des trois allocations".

Pas question en revanche pour le groupe DCI de cautionner l'ouverture d'un contentieux sous la forme d'une question prioritaire de constitutionnalité, tel qu'envisagé depuis plusieurs mois par au moins sept présidents de département, encouragés en ce sens par les travaux du constitutionnaliste Dominique Rousseau (voir notre article du 6 avril). La semaine dernière encore, en Saône-et-Loire, dans le cadre de la Fête de la Rose, le président de l'ADF, Claudy Lebreton, déclarait : "Si, à l'automne, nous n'avons pas de réponse du Gouvernement pour financer cette solidarité d'action sociale, tous ensemble, nous irons devant le Conseil constitutionnel." Et Claudy Lebreton d'évoquer la proposition de loi en ces termes : "C'est une véritable loi de solidarité nationale totalement dans la filiation du pacte social républicain et de ses fondements".

 

Claire Mallet

 

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