Dépendance - Mise en place du cinquième risque : et si c'était vrai ?
Depuis l'annonce par Nicolas Sarkozy, le 9 juin 2007 devant le congrès de l'Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), de la mise en place d'un cinquième risque de la protection sociale dédié à la prise en charge de la dépendance, sa matérialisation - sous la forme d'un projet de loi - a été annoncée puis décalée à plusieurs reprises. Rentrée 2008, premier semestre 2009, rentrée 2009, début 2010 : les dates annoncées se sont succédé sans jamais se concrétiser, au point de susciter des doutes, chez les différents acteurs de la prise en charge de la dépendance, sur la perspective d'une mise en place effective du cinquième risque. Mais il semble bien que le processus touche désormais à son terme et que le cinquième risque pourrait - vraiment - voir le jour dans les prochains mois.
Le Premier ministre, lors de sa rencontre avec l'Assemblée des départements de France (ADF) le 1er juin, puis le chef de l'Etat ont en effet confirmé le dépôt prochain d'un projet de loi. François Fillon a ainsi indiqué aux représentants des départements que la "réforme de la dépendance" sera lancée "avant la fin de cette année" (voir notre article ci-contre du 2 juin 2010). De son côté, Nicolas Sarkozy a promis d'engager le chantier du cinquième risque dès le lendemain du vote de la réforme des retraites.
Si le calendrier semble ainsi mieux assuré, il reste maintenant à connaître le contenu de la réforme. Une seule chose semble certaine : elle devrait être moins ambitieuse que ce qui était envisagé en 2007. Mais il est vrai que la crise budgétaire et le nécessaire redressement des finances publiques sont, entre-temps, passés par là. Signe de ce réajustement : le gouvernement évoque de moins en moins la perspective d'un cinquième risque (qui devrait concerner à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées), pour parler plutôt de la prise en charge de la dépendance. Pour le reste, le débat demeure assez largement ouvert, même si un certain nombre de perspectives semblent progressivement se cristalliser.
A défaut d'annonces précises de la part du gouvernement, le débat se focalise sur le rapport rédigé par Valérie Rosso-Debord pour la mission d'information de l'Assemblée sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes (voir ci-contre notre article du 25 juin 2010). Les principaux acteurs concernés - Unccas, ADF, Mutualité française, associations... - ont ainsi pris position sur ce document (voir ci-contre nos articles du 28 juin et du 23 juillet 2010). Si le rapport ne fait pas consensus, ces réactions montrent néanmoins une évolution des esprits sur un aspect-clé de la réforme : la plupart des acteurs majeurs acceptent ou se résignent à la mise en place d'une part assurantielle (mutuelles, organismes de prévoyance et sociétés d'assurance) dans la prise en charge de la dépendance. Mais le débat reste ouvert sur l'ampleur de l'intervention des assurances et sur les garanties à mettre en place. Le rapport Rosso-Debord propose, pour sa part, la souscription obligatoire, dès 50 ans, d'une assurance perte d'autonomie liée à l'âge, qui serait progressivement universalisée par la mutualisation des cotisations et par la création d'un fonds de garantie. Par la voix de Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée des Aînés, le gouvernement a tenu à rassurer en affirmant, le 22 juillet, que la solidarité continuerait à jouer un rôle central et que le rapport Rosso-Debord "n'augure pas de ce qui sera retenu", tout en confirmant que le dispositif comporterait une dimension assurantielle.
La place laissée à l'assurance est d'ailleurs loin d'être le seul élément en débat. Deux questions au moins apparaissent comme des points durs des futures discussions au Parlement. La première concerne l'hypothèse - que ne dément pas le gouvernement - d'un retour de la récupération sur succession, sous la forme d'un choix à effectuer, le cas échéant, par le bénéficiaire (davantage de prestation et une récupération sur succession, ou une prestation moindre, mais pas de récupération). Le second point n'était pas évoqué en 2007 mais s'est désormais invité dans le paysage à travers le rapport Rosso-Debord. Il s'agit de l'hypothèse d'un redéploiement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), en la réservant aux plus dépendants et en supprimant la prestation pour les personnes âgées classées en GIR 4 (plus de 470.000 bénéficiaires). Le gouvernement s'est bien gardé de confirmer cette hypothèse et - compte tenu du nombre de personnes concernées (surtout en comptant les familles) - il pourrait s'agir là d'un simple ballon d'essai destiné à faire mieux passer d'autres mesures. Mais le problème du financement n'en reste pas moins entier. Il suscite un certain blocage du côté de l'ADF, qui ne veut pas entendre parler de la mise en place du cinquième risque sans augmentation de la participation de l'Etat au financement de l'APA. Si cet obstacle est franchi, il restera à régler une autre question, moins grand public mais tout aussi importante : celle de la gouvernance du dispositif. S'il est acquis que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) jouera un rôle central, il reste à préciser la place des départements, qui financent une part significative de la prise en charge de la dépendance. Le rapport d'une autre mission d'information de l'Assemblée nationale - rédigé par Bérengère Poletti et consacré aux missions et à l'action de la CNSA - proposait récemment d'en confier la vice-présidence aux départements (voir notre article ci-contre du 5 juillet 2010).
Face à cette floraison d'hypothèses et de prises de position, une seule chose semble acquise à ce jour : le débat sur la prise en charge de la dépendance pourrait bien être aussi animé que celui sur les retraites, auquel il succédera.
Jean-Noël Escudié / PCA