Une ordonnance refond et simplifie enfin la police de l'habitat
Une ordonnance prise en application de la loi Elan vient concrétiser la réforme très attendue de la police de l'habitat, notamment de l'habitat indigne. Forte de 22 articles, elle crée une police unique de l'habitat, qui remplace une dizaine de procédures dispersées, clarifie la répartition des rôles entre le maire et le préfet, détaille les procédures en cas d'insalubrité ainsi que la procédure d'urgence en cas de danger imminent et favorise le transfert de la compétence à l'échelon intercommunal. Le tout entre en vigueur dès le 1er janvier prochain.
Une ordonnance du 16 septembre 2020 "relative à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations" concrétise une réforme très attendue : la refonte en profondeur de la police de l'habitat – et notamment de l'habitat indigne –, devenue totalement illisible et peu efficace au fil de l'accumulation des textes et des procédures. Cette ordonnance est prise en application de l'article 198 de la loi Elan du 23 novembre 2018, qui prévoyait une simplification drastique des procédures en la matière. Elle s'appuie notamment sur les préconisations du rapport de Guillaume Vuilletet, député (LREM) du Val-d'Oise, remis, il y a près d'un an au Premier ministre (voir notre article du 23 octobre 2019). L'ordonnance aurait dû être prise avant le 23 mai 2020 mais – état d'urgence sanitaire oblige – le délai a été rallongé.
Une police unique de l'habitat, qui remplace une dizaine de procédures
Conformément à l'orientation fixée par la loi Elan, les maîtres mots de l'ordonnance sont la simplification et la clarification. Celles-ci font l'objet de l'article premier, qui procède à une refonte complète du livre V du code de la construction et de l'habitation (CCH). Intitulé "Lutte contre l'habitat indigne", celui-ci introduit pas moins de 22 articles dans le CCH. L'ordonnance crée ainsi une police unique de l'habitat, qui remplace une dizaine de procédures dispersées jusqu'alors entre le CCH et le code de la santé publique.
Ces 22 articles introduits par l'article Ier de l'ordonnance précisent notamment que "la 'police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations' a pour objet de protéger la sécurité et la santé des personnes en remédiant à quatre grandes situations : 1° / les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers ; 2° / le fonctionnement défectueux ou le défaut d'entretien des équipements communs d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation, lorsqu'il est de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ou à compromettre gravement leurs conditions d'habitation ou d'utilisation ; 3° / l'entreposage, dans un local attenant ou compris dans un immeuble collectif à usage principal d'habitation, de matières explosives ou inflammables, lorsqu'il est en infraction avec les règles de sécurité applicables ou de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ; 4° / l'insalubrité, telle qu'elle est définie aux articles L.1331-22 et L.1331-23 du Code de la santé publique."
Les pouvoirs du maire ou du président de l'EPCI clarifiés et sécurisés
La répartition des rôles est également clarifiée : le maire est compétent dans les trois premiers cas ci-dessus (sous réserve, pour le 3°, de la compétence du préfet en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement) et le préfet du département dans le quatrième cas. Un partage spécifique est prévu sur Paris, avec des pouvoirs plus importants dévolus au préfet de police. Les maires – ou le cas échéant les présidents d'EPCI – se trouvent ainsi clairement sécurisés juridiquement dans leurs interventions en matière de police de l'habitat et de lutte contre l'habitat indigne.
Le maire, comme le préfet, peuvent faire procéder à toutes visites qui leur paraissent utiles, entre 6h et 21h, afin d'évaluer les risques mentionnés, avec intervention du juge des libertés et de la détention en cas d'opposition ou d'absence prolongée de l'occupant. Dans le quatrième cas, la situation d'insalubrité est constatée par un rapport du directeur général de ARS ou du directeur du service communal d'hygiène et de santé, remis au préfet. Dans tous les cas, l'autorité compétente peut également demander à la juridiction administrative la désignation d'un expert.
Clarification aussi pour les arrêtés et les mesures à prendre
L'ordonnance détaille également la procédure – contradictoire – de prise et de notification d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité, ainsi que les mesures susceptibles d'être prescrites par l'arrêté : réparation, démolition, cessation de la mise à disposition des locaux, interdiction d'habiter... Il est toutefois précisé que "l'arrêté ne peut prescrire la démolition ou l'interdiction définitive d'habiter que s'il n'existe aucun moyen technique de remédier à l'insalubrité ou à l'insécurité ou lorsque les travaux nécessaires à cette résorption seraient plus coûteux que la reconstruction".
L'ordonnance détaille aussi les sanctions (astreintes pouvant aller jusqu'à 1.000 euros par jour de retard, dans la limite d'un plafond) en cas de non-respect des délais fixés pour les travaux. Le montant de ces astreintes va à la commune ou à l'Anah, selon que l'autorité qui a pris la mesure est le maire ou le préfet. Si les mesures prescrites n'ont pas été mises en œuvre dans le délai fixé, l'autorité compétente peut également, par décision motivée, faire procéder d'office à leur exécution, aux frais du propriétaire.
Une section est consacrée à la procédure d'urgence (suppression de la procédure contradictoire en cas de danger imminent ou manifeste) et une autre aux dispositions pénales, avec des peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison et 100.000 euros d'amendes, assorties éventuellement de peines complémentaires (confiscation du fonds de commerce ou de l'immeuble, interdiction d'exercer, interdiction d'acheter un bien immobilier...). Ces dispositions pénales sont cependant une reprise de celles existantes.
Habitat indigne : le transfert de la compétence à l'EPCI facilité
Le reste de l'ordonnance procède à divers ajustements plus ponctuels. Les article 2 à 14 sont ainsi des articles de coordination et de renumérotation entre les – nombreux – codes concernés : CCH, santé publique, collectivités territoriales (CGCT), expropriation, patrimoine, code civil, code pénal, code général des impôts, ainsi que diverses lois non codifiées.
En revanche, l'article 15 contient des dispositions importantes, puisqu'il favorise le transfert de la compétence à l'échelon intercommunal. Il prévoit en effet que "le président de l'établissement public de coopération intercommunale ne peut pas renoncer à ce que les pouvoirs de police des maires des communes membres mentionnées au dernier alinéa du A du I [lutte contre l'habitat indigne, ndlr] lui soient transférés, sauf si au moins la moitié des maires de ces communes se sont opposés au transfert de plein droit, ou si les maires s'opposant à ce transfert représentent au moins la moitié de la population de l'établissement".
De même, les maires qui se sont opposés initialement à ce transfert pourront plus facilement revenir sur leur décision. Ils pourront ainsi transférer à tout moment au président de l'EPCI les pouvoirs de police concernés et ce transfert prendra effet dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision du maire au président de l'EPCI, sauf si celui-ci notifie au maire, dans ce délai, son refus d'exercer ces pouvoirs. Le même article donne également un pouvoir de substitution au préfet en cas de carence du président de l'EPCI à fiscalité propre pour l'exercice des attributions qu'il détient.
Une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2021
Pour sa part, l'article 16 assouplit le cadre des délégations des pouvoirs des préfets aux présidents d'EPCI au titre de la lutte contre l'habitat indigne. Alors que, jusqu’à présent, il fallait que l'ensemble des maires des communes membres aient transféré au président de l'EPCI leurs pouvoirs de police de lutte contre l'habitat indigne, il suffira désormais qu'au minimum un seul maire ait transféré ses pouvoirs de police en ce domaine. Les deux autres conditions pour une délégation des pouvoirs du préfet sont en revanche maintenues (l'EPCI doit être délégataire des aides à la pierre et disposer d'un service dédié à la lutte contre l'habitat indigne).
Toutes les dispositions de l'ordonnance entrent en vigueur le 1er janvier 2021, comme prévu par la loi Elan et malgré les retards entraînés par la crise sanitaire. Elles ne seront applicables qu'aux arrêtés notifiés à compter du 1er janvier 2021.
Références : ordonnance n°2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations (Journal officiel du 17 septembre 2020). |