Logements non décents : quel bilan pour la mesure de conservation de l'allocation logement par les CAF ?
La loi Alur a prévu la possible conservation des aides au logement pour les allocataires occupant un logement non décent. En 2017, les CAF ont réalisé ou fait réaliser 6.127 visites pour contrôler l'état de décence du logement, dont 62% ont confirmé la non décence, indique une étude Anil / Cnaf.
L'article 85 de la loi Alur du 24 mars 2014 (pour l'accès au logement et un urbanisme rénové) a créé une mesure, applicable au parc locatif privé, de conservation des aides au logement pour les allocataires occupant un logement non décent. Celle-ci a été mise en place par un décret du 18 février 2015 (voir notre article ci-dessous du 23 février 2015). Il ne s'agit évidemment pas de pénaliser les locataires mais, partant du principe que l'aide n'est due qu'aux allocataires d'un logement décent, de mobiliser les bailleurs et de favoriser la réalisation des travaux de mise en conformité respectant les caractéristiques de la décence. Durant la période de conservation en effet, le bailleur ne peut pas réclamer au locataire la part de loyer correspondant à l'allocation de logement non perçue, ni agir en justice pour demander la résiliation du bail.
Incertitude sur les résultats chiffrés...
L'Anil (Association nationale pour l'information sur le logement) et la Cnaf publient aujourd'hui une étude sur la mise en œuvre de cette mesure. Les résultats présentés s'appuient sur une enquête menée auprès de 97 CAF et de 79 Adil (associations départementales d'information sur le logement).
L'étude apporte de nombreux enseignements et abonde en chiffres et graphiques. Elle présente néanmoins un biais majeur au regard de son objet. En dehors d'affirmer que la conservation des aides au logement apporte "des résultats concrets pour lutter contre la non décence", l'étude ne donne en effet aucun chiffre sur le nombre ou le pourcentage de logements reconnus décents après la mise en œuvre du dispositif de conservation de l'APL et des travaux de mise à niveau qui sont supposés suivre. L'étude se contente d'indiquer qu'"en 2017, la grande majorité des logements non décents pour lesquels l'aide au logement a été conservée ont fait l'objet de travaux de mise en conformité aux normes de décence dans un délai compris entre 6 et 18 mois". Elle n'indique pas non plus le nombre de remises en paiement de l'aide au logement, qui intervient après le constat de la réalisation des travaux.
Sous cette réserve de taille, les résultats montrent qu'en 2017, les CAF ont réalisé ou fait réaliser 6.127 visites pour contrôler l'état de décence du logement (dont 62% ont confirmé la non décence). Durant cette même année, 3.347 situations de non décence étaient sous le coup d'une conservation de l'aide au logement, à la très grande majorité pour une durée comprise entre 6 et 18 mois, 18 mois étant la durée maximale laissée au propriétaire pour effectuer les travaux.
...mais des effets institutionnels positifs
Après l'établissement des constats, l'étude montre que les CAF se tournent vers des partenaires, en leur confiant différentes missions : réalisation d'un pré-diagnostic (26% des CAF disent en avoir commandé), information du locataire (56%) et/ou du propriétaire (54%) – le plus souvent dans le cadre d'un partenariat avec l'Adil –, accompagnement social du locataire (30%), animation et coordination des partenaires (32%).
Le dispositif de conservation de l'allocation logement apparaît également très favorable à la synergie entre les acteurs locaux. Les Adil et les CAF citent ainsi, parmi les bénéfices de la mesure, une meilleure coordination (citée dans 79 départements), une clarification des compétences (65), la mise en place de nouveaux partenariats dans le repérage et le signalement de la non décence (60), un meilleur portage politique (51), une plus grande lisibilité des actions (48), ou encore un partenariat avec les acteurs de la réhabilitation (PIG, Opah) pour les contrôles de la décence.