Commande publique - Un "Small Business Act" pour favoriser l'accès des TPE-PME franciliennes aux marchés de la région
À l'occasion de l'assemblée plénière de la région Ile-de-France, jeudi 9 mars, la collectivité a décidé d'instaurer un "Small Business Act", afin de faire en sorte que les TPE et PME franciliennes puissent accroître leur part dans les marchés publics de la collectivité, estimés par cette dernière à 600 millions d'euros par an. Outre la lutte contre le travail illégal, avec notamment l'introduction de la clause Molière "dans certains marchés", la région entend aussi encourager l'accès des start-up locales à ses marchés en "expérimentant les achats innovants".
Après la région Normandie (voir ci-dessous notre article du 14 décembre 2016), c'est au tour de la région Ile-de-France de mettre un œuvre un plan pour faciliter l'accès de ses quelque 835.000 TPE et PME aux marchés publics. A l'occasion de son assemblée plénière, le 9 mars, sa présidente, Valérie Pécresse, a dévoilé les grandes lignes de ce "Small Business Act", qui ambitionne d'accroître la part de ces entreprises dans ses marchés, soit actuellement 54% des quelque 600 millions d'euros qu'ils représenteraient.
Simplifier l'accès aux marchés
A cette fin, plusieurs dispositifs seront mis en place. Tout d'abord, la généralisation en 2017 du recours au marché public simplifié (MPS) pour les marchés à procédures adaptées (Mapa) d’un montant supérieur à 25.000 euros HT, et en 2018 à l’ensemble des marchés. La collectivité entend également renforcer l'accès des entreprises au système des avances. La région s'engage enfin à réduire ses délais de paiement à moins de 30 jours contre 36 actuellement (voir ci-contre notre article du 8 mars 2016), notamment en encourageant la transmission par les TPE-PME des factures à la collectivité par voie électronique via le portail Chorus Pro, anticipant ainsi l'obligation légale de 2019 (voir ci-contre notre article du 27 septembre 2016).
Mieux informer les TPE et PME
Rappelant que la "veille technique et commerciale" est autorisée, la région entend favoriser les rencontres entre ses acheteurs et les entreprises intéressées, et s'appuyer également sur le portail du GIP (groupement d'intérêt public) Maximilien pour la diffusion en amont aux entreprises des projets de marché qui les concernent. Ce portail "permet de consulter l'exhaustivité des avis de marchés en Ile-de-France avec 3.000 annonces quotidiennes", a rappelé la présidente de région lors de la séance, en encourageant les collectivités franciliennes à rejoindre le groupement qui vient d'accueillir son centième membre, la ville de Sceaux.
"Clause Molière" pour certains marchés
Ce Small Business Act francilien sera aussi "un signal adressé à la lutte contre le travail illégal qui pèse sur la capacité des entreprises franciliennes à rester compétitives sur des marchés à forte intensité de main d'oeuvre, peu qualifiée notamment", ajoute-t-elle. Afin de lutter contre la concurrence déloyale, la région veut ainsi mettre en place des dispositifs pour écarter les offres anormalement basses et le recours massif aux travailleurs détachés. Elle entend notamment imposer "la clause Molière", c'est-à-dire l'usage du français sur les chantiers, notamment pour s'assurer de la compréhension des consignes de sécurité, "lorsque l'objet du marché ou ses conditions d'exécution le permettent".
Pour le groupe Front de Gauche du conseil régional, toutefois, "il est possible que cette délibération ne soit pas légale". Il rappelle que le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes a adressé lundi 6 mars un "recours gracieux" au président de la région Laurent Wauquiez (LR) pour qu'il modifie ou supprime cette clause. Le groupe estime notamment qu'elle est "susceptible de créer une discrimination fondée sur la nationalité des entreprises candidates" (voir encadré ci-dessous).
"Expérimenter" les achats innovants
Le soutien à l’innovation "implique de connaitre les différents secteurs d’activités et d’être en veille active" sur les solutions que peuvent proposer les entreprises, précise enfin le projet de délibération. Les entreprises auront ainsi "la possibilité de présenter leurs innovations aux acheteurs" sur des domaines stratégiques devant faire l’objet de marchés publics à court ou moyen terme. Dans la rédaction de ses marchés, la région entend en outre "exprimer le besoin sous la forme de performances et d'exigences fonctionnelles" sans préciser les moyens et procédés pour y parvenir, afin de "favoriser l'émergence" de solutions innovantes, auxquelles elle compte consacrer au moins 2% de sa commande publique.
Dans le cadre du déploiement opérationnel du "Small Business Act" francilien, un groupe de travail réunissant la région, Maximilien, l’État et les principales fédérations ou organisations professionnelles concernées se réunira régulièrement pour faire le point, a précisé en séance Jérôme Chartier, premier vice-président, chargé de l'économie et de l'emploi.
Clause "Molière" : une rédaction possible pour rester dans les clous
Si l'objectif affiché de la clause "Molière" est de lutter contre le travail détaché, elle ne doit pas devenir un obstacle à l’égal accès des candidats à la commande publique. Afin d’éviter tout litige et toute présomption de discrimination, l’Observatoire régional de la commande publique (ORCP), rattaché à la préfecture des Hauts-de-France, a mis en ligne un
"modèle" sécurisé de clause, pouvant être reprise par les collectivités territoriales. Sa formulation vise à trouver un équilibre entre lutte contre le travail détaché et l’interdiction faite par l’Union européenne d’adopter des règles d’attribution préférentielle des marchés publics aux petites structures.
Son utilisation ne saurait être automatique, souligne l'ORCP, mais plutôt pour les "chantiers présentant un niveau de dangerosité nécessitant des mesures particulières ". Cela devra être justifié par la sécurité des travailleurs, afin de leur permettre "une parfaite compréhension des directives de la direction technique des travaux". En outre, afin de ne pas engendrer de discrimination en raison de la nationalité, la clause ainsi rédigée permet au titulaire du marché de prévoir à ses frais la présence d’un interprète durant toute la durée du chantier. Cette mesure devra être acceptée par le maître d’ouvrage. En cas de carence de l’entreprise titulaire, le maître d’ouvrage pourra soit infliger des pénalités de retard, soit résilier le marché aux frais et risques du titulaire. La possibilité d’utiliser les services d’un interprète et la condition de dangerosité du chantier sont garants d’une utilisation appropriée de la clause "Molière".
L'Apasp