Baromètre ADCF - Caisse des Dépots - Les achats publics ont diminué de 4,5 milliards d'euros en 2016
En 2016, la commande publique a baissé en France de 4,5 milliards d'euros. Tel est le principal enseignement du baromètre de la commande publique 2012-2016, issus de l'Observatoire de l'évolution de la commande publique ADCF - Caisse des Dépôts, dévoilé mardi 21 février par Charles-Eric Lemaignen, président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) et Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires de la Caisse des Dépôts. Loin de la reprise espérée, le nouvel instrument de mesure met en évidence une contraction importante, notamment des marchés de travaux. Si cette baisse est généralisée, elle n'est pas uniforme : le bloc local résiste mieux et de nouveaux besoins se font jour, notamment en termes d'ingénierie. De quoi nuancer un tableau plutôt sombre.
Charles-Eric Lemaignen, président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), et Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires de la Caisse des Dépôts, ont dévoilé, mardi 21 février, les derniers résultats du baromètre de la commande publique 2012-2016, issus de l'observatoire de l'évolution de la commande publique ADCF - Caisse des Dépôts.
Charles-Eric Lemaignen a rappelé que l'initiative, dans laquelle se sont engagées l’an dernier l'ADCF et la Caisse des Dépôts (voir ci-dessous notre article du 9 février 2016), visait à produire régulièrement des informations précises sur la commande publique, afin de nourrir la démarche de l'ADCF de soutien à l'économie locale et à l'emploi territorial, dont la commande publique est naturellement un levier.
Soulignant que les champs d'activité mesurés par le baromètre, tels le logement, la gestion de l'eau et des déchets, ou encore le numérique étaient au coeur des missions poursuivies par la Caisse des Dépôts sur les territoires, Marc Abadie a rappelé la méthodologie employée. Ce baromètre repose sur un suivi, depuis 2012, des avis d’attribution des contrats relevant de la commande publique soumis à publicité et exécutés en France métropolitaine et en outre-mer. Il permet de ce fait une analyse fine et à jour, par donneurs d'ordre, par destination de la dépense, nature des prestations, catégorie de maître d'ouvrage et zone géographique. Pour l'année 2016, les données prennent en compte, non seulement les marchés publics, mais aussi les délégations de service public et les contrats de partenariat.
4,5 milliards d'euros de baisse en 2016
Le baromètre révèle que le retournement escompté par certains analystes au vu des résultats 2015 ne s'est pas concrétisé, notamment pour ce qui concerne les investissements (marchés de travaux). La tendance baissière n’est donc pas enrayée en 2016 et se poursuit dans des volumes non négligeables (-4,47 milliards d'euros soit -5,8%). La commande publique a connu depuis 2012 une baisse en valeur de près de 24 milliards, soit un quart du volume financier. Sur la même période, on observe également une baisse de près de 30% du nombre d’appels d’offre (-28,4%). Pour l'année 2016, les effets de la réforme territoriale sur les intercommunalités et sur les régions, ainsi que la réforme de la commande publique pourraient avoir contribué à cette baisse. Marc Abadie voit toutefois dans la hausse de 12% des marchés d'ingénierie, tournés vers la prospective, une raison d'espérer une reprise à condition que ceux-ci se traduisent en investissements en 2017.
Cinq thématiques concentrent 70% de la baisse
Les collectivités locales et leurs groupements pèsent fortement dans la tendance baissière compte tenu du poids qu’ils représentent dans la commande publique (entre 51% et près de 55% selon les années), révèle l'étude. Sur l'ensemble de la période, toutes les catégories d’acheteurs sont concernées par un recul de leur volume d’achat, avec une baisse plus marquée pour les collectivités locales et leurs groupements (-26,4%), les entreprises publiques locales (-30,5%) et les bailleurs sociaux (-29,2%). Les achats de l'Etat baissent quant à eux de 13,8%.
En termes de destination, cinq grandes thématiques concentrent plus de 70% de la commande publique en 2016, à savoir les bâtiments, le logement et l'habitat, le secteur santé-social, le scolaire, et la voirie et le transport - un niveau relativement stable depuis 2014. Les baisses constatées dans ces cinq thématiques expliquent plus de 70% de la baisse de la commande publique en France, en 2016, comme en 2015.
80% de la baisse due aux marchés de travaux
Entre 2012 et 2016, plus de 80% de la baisse de la commande publique s’explique par la chute des marchés de travaux. En 2016, ceux-ci représentent plus de 60% de la baisse totale. Dans ce contexte, a souligné Charles-Eric Lemaignen, les communes et EPCI à fiscalité propre ont contribué à atténuer la baisse de la commande publique locale : les années 2015 et 2016 attestent d'une reprise "timide" de leurs investissements (+0,7% en 2016 après +7,3% en 2015), qui retrouvent leur niveau de 2012.
Enfin, pour les départements et les régions, la commande publique dédiée aux travaux n’a cessé de se réduire de façon continue depuis 2012 : en quatre ans, elle a été divisée par deux pour les départements (-51%) et réduite de près de deux tiers pour les régions (-62%). L’année 2016 accentue la tendance baissière (-49,5% pour les régions et -21% pour les départements).
Le poids du bloc communal
Les collectivités locales et leurs groupements représentent, en 2016, plus de la moitié de la commande publique : 44% pour les communes et leurs groupements et 9% pour les conseils départementaux et régionaux. Si on y ajoute les opérateurs locaux (bailleurs sociaux et entreprises publiques locales, 17%) dont la capacité de commande est directement liée à la décision des collectivités, le poids des acteurs locaux dans la commande publique passe à 71%, a insisté le président de l'ADCF, soit un volume financier de 51,2 milliards d’euros en 2016. Au sein de cet ensemble, les communes, du fait de leur nombre, occupent une place centrale, avec 49% des achats publics ; communautés et métropoles arrivent en seconde place avec 20% des achats, suivies des conseils départementaux et régionaux (respectivement 14% et 3% en 2016), puis des syndicats (11%).
Sans surprise, la nature de la commande varie assez nettement d'un donneur d'ordre à l'autre : les communes sont présentes sur l’ensemble des champs thématiques, les EPCI et les syndicats ont des interventions diversifiées mais plus marquées en environnement, l’intervention sur les lycées pilotée par les conseils régionaux est très visible, tandis que la spécialisation des bailleurs sociaux sur le logement est évidente.
Une baisse généralisée, mais variable selon les régions
Alors qu’en 2015 la commande publique était repartie à la hausse dans cinq régions, en 2016 comme en 2014, elle se rétracte dans toutes les régions, sans exception, mais dans des proportions très variables selon les territoires. La baisse de la commande publique dépasse ainsi la moyenne nationale (-5,8%) dans six régions : Hauts-de-France, Corse, lle-de-France, Normandie, Occitanie et Paca. Dans le domaine des marchés de travaux, les résultats révèlent des situations également hétérogènes : sept régions présentent une baisse supérieure à la moyenne nationale (-8,8%), notamment les territoires de Corse, de Normandie et d’Occitanie, avec des baisses de plus de 14%.
Entre 2012 et 2016, alors que la commande publique consacrée aux travaux a reculé de 40,6%, six régions présentent des baisses plus importantes : Grand Est, Hauts-de-France, Ile-de-France, Normandie, Paca et Pays de la Loire. Parmi celles-ci, la commande publique francilienne affiche, sur la période, le recul le plus important (-46,7%). Le niveau de la commande publique s'établit en moyenne à 1.064 euros par habitant en 2016, les Outre-Mer et la Corse se situant à un niveau plus élevé.
"Géographie des services publics"
Au final, Charles-Eric Lemaignen a estimé que cette étude constituait un "travail énorme, destiné a être affiné", notamment afin d'avoir plus de détails sur l'affectation et ainsi de mieux interpréter les résultats. Il permet pour lui de sortir d'une vision "très parcellaire" du rôle des collectivités locales en fournissant un baromètre "assez près de la réalité en termes de délais" et regroupant toute l'activité des collectivités en tant que donneurs d'ordre.
Marc Abadie a souhaité pour sa part que soit approfondi l'aspect territorial des analyses, à l'échelle des nouvelles intercommunalités, afin notamment de mettre en évidence le rôle des composantes environnementales. Cet outil, dont les résultats sont destinés à être partagés et périodiquement actualisés, devrait accompagner les régions dans l'exercice de leurs nouvelles responsabilités, en particulier au travers des Sraddet (schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires), en fournissant une "géographie des services publics", a-t-il conclu.