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Environnement - Un rapport d'étape indépendant vante la réussite du Grenelle de l'environnement

Trois ans après le lancement du Grenelle de l’environnement et trois mois après l’adoption de la loi Grenelle II, dont on attend désormais les décrets d’application, un rapport d'étape piloté avec Ernst & Young par un comité d’évaluation composé de membres des comop (comités opérationnels) d’origine a été remis le 2 novembre à Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie. "Ce n’est pas un gadget et c'est plus qu’un point d’étape car ce bilan est voué à maintenir la pression sur un processus irréversible et à voir sur le long terme", a motivé Jean-François Le Grand, sénateur de la Manche. Au sujet de la biodiversité, dont il présida le comop à l’époque, le président du conseil général de la Manche note que le point d’orgue sur la trentaine d’engagements pris reste l’adoption de la trame verte et bleue (TVB), "un concept novateur et que quelques régions avaient dans un sens anticipé". Reste que la TVB n’est pas opposable dans le droit, ce que regrettent des associations comme France nature environnement (FNE), qui constate par ailleurs que ce rapport met un peu trop en avant les chantiers en cours et moins ceux qui ont pris du retard. "Même sans opposabilité, la TVB devrait parvenir à s’imposer sur le terrain et à devenir incontournable, au même titre que les Znieff [zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique, ndlr]", a rassuré sur ce point le sénateur, en ajoutant que l’abandon de cette notion d’opposabilité a facilité le consensus et permis de lever certains blocages.

Sur 248 engagements, une cinquantaine sont réalisés et moins de la moitié en cours

Des blocages et des résistances, il en reste bien sûr, à tout niveau et pour chaque grand chantier d’action. "Soit en raison d’obstacles politiques ou structurels, par exemple pour l’engagement sur l’extension du bonus-malus à d’autres secteurs que l’automobile ou sur l’obtention d’un accord international sur le climat, soit parce que les engagements pris doivent être réorientés ou renforcés par manque de moyens", développe-t-on chez Ernst & Young. Exemple d’engagement pris en faveur de la biodiversité mais nécessitant plus de moyens : la restauration des espèces protégées. Certes, des plans nationaux et des programmes régionaux comprenant la réalisation d’observatoires (en cours dans six régions) sont prévus, sans oublier le socle essentiel des schémas régionaux de cohérence écologique. "Mais pour renforcer ce socle, par exemple, il faut aller plus vite, et pour protéger les espèces protégées, aller plus loin, notamment en Outre-Mer", a ajouté Jean-François Le Grand. De même, pour lutter contre l’artificialisation des sols, un enjeu tant foncier qu’agricole et qui, dénonce le sénateur, "grignote 2.700 hectares par an rien que dans mon département". A noter : le projet de création d’une institution nationale de type "agence de la nature" - plébiscité par des élus qui ne cachent pas le manque d'un interlocuteur unique dans le domaine - suit son cours. Une mission de préfiguration doit être lancée à ce sujet début 2011.

Santé-environnement, risques et déchets

Sur ces volets, les avancées sont aussi actées, leur liste est longue mais il faut, selon Alain Grimfeld, qui fut à la tête d'un comop sur le sujet, "ancrer le tout dans un effort constant d’information de la population, sans quoi l’adhésion aux mesures prises n’aboutira pas". Déclinaisons attendues dans le domaine : celle du plan "santé au travail" à l’échelon régional et l’émergence à terme de ce qu'Alan Grimfeld dénomme de "véritables pôles régionaux et interrégionaux sur la santé-environnement" permettant d’ancrer le modèle d’une entente plurielle entre les acteurs du domaine. "Car les mentalités évoluent, c’est incontestable, et ce modèle grenellien de gouvernance à cinq porte ainsi ses fruits", a poursuivi Nicole Notat, présidente de l’agence de notation Vigeo. Transcrit dans certaines institutions, ce principe d’ouverture se concrétise dans quatorze régions à travers l’exercice de comités pluriels de type Agenda 21 ou par la signature de conventions Etat-région (trois sont déjà signées). Quant à la déclinaison régionale de la réforme du Conseil économique, social et environnemental, c’est pour très bientôt, normalement dès ce mois-ci. "Le rythme des avancées, tout comme la visibilité des mesures, diffère donc d’un chantier à l’autre, et il en est de même d’un mode à l’autre côté transports", rebondit Bruno Gazeau, délégué général de l’Union des transports publics et ferroviaires. Dans ce secteur, il n’a pas manqué de signaler que sur la trentaine d’engagements pris, une petite dizaine méritent d’être réorientés ou relancés, tant pour le fret ferroviaire, dont la dynamique est au point mort, que pour atteindre les reports modaux escomptés que "la relance conséquente du secteur automobile pourrait avoir temporairement ralentis". Mauvais signe en effet : la croissance des transports en commun s’est stoppée net en 2009. "Dans le détail, il y a forcément des faiblesses à corriger mais dans l’ensemble, c'est positif et ce rapport permet de fixer de nouvelles priorités en vue de respecter nos objectifs", a conclu Jean-Louis Borloo.

 

Morgan Boëdec / Victoires éditions