Transition écologique : Amorce plaide pour un signal-prix fort et clair
Plutôt que la sensibilisation ou l’interdiction, Amorce plaide pour un plus grand – et meilleur – recours au signal-prix pour favoriser la transition écologique, que ce soit dans les domaines des déchets, de l’eau ou de l’énergie. Déplorant qu’il soit pour l’heure souvent peu perceptible, mal-orienté, voire contreproductif, l’association dresse un certain nombre de préconisations. Si l’action de l’État est parfois indispensable, comme pour la réforme de la TGAP, certaines mesures – taxe incitative sur la collecte des déchets, tarification progressive de l’eau – sont à la main des collectivités.
"Au fond, on dispose de trois options pour réussir la transition écologique : la sensibilisation, l’interdiction et entre les deux, le signal-prix. Cette dernière est sans doute la plus facile à mettre en œuvre et celle qui a le plus d’impact", résume, en présentant les travaux du 37e congrès d’Amorce – qui se déroulait à Toulon du 18 au 20 octobre –, le délégué général de l’association, Nicolas Garnier. Ce "signal-prix", choisi comme fil rouge du congrès, constitue depuis longtemps déjà un cheval de bataille de l’association. "Il est crucial pour toutes les activités qui nous préoccupent : les déchets et la propreté, l’énergie, l’eau", explique Gilles Vincent, son président. Quelle que soit sa forme – bonus-malus, subvention, tarification, éco-contribution, fiscalité… –, "bien utilisé il peut être un puissant levier… s’il est appliqué sur le bon acteur et selon les bonnes modalités", estime l’association. Mais elle le juge au mieux brouillé, et plus sûrement encore atone ou mal orienté, représentant alors "un véritable obstacle à la transition".
Déchets : les pollueurs épargnés
Inlassablement, Gilles Vincent prend l’exemple de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pour les déchets. "Ce sont les collectivités qui payent, et donc le contribuable, et pas l’entreprise qui met sur le marché des produits qui ne se recyclent pas, et qui n’est en conséquence nullement incitée à trouver une solution plus favorable à l’environnement". Inlassablement, l’association appelle donc à une réforme "complète et urgente" de cette taxation pour lui "redonner du sens". Concrètement, elle préconise d’instaurer une franchise pour les déchets résiduels ménagers qui ne se recyclent pas, une réduction liée à la performance des collectivités en matière de gestion des déchets, un "crédit d’impôt" en fonction des investissements réalisés en faveur du tri à la source des déchets par ces dernières, une TGAP due par les éco-organismes lorsqu’ils n’atteignent pas leurs objectifs et une "TGAP amont" sur les produits qui n’entrent dans aucune filière de responsabilité élargie des producteurs ou de récupération. Elle plaide en outre pour affecter les recettes de la TGAP à l’Ademe pour contribuer au développement de l’économie circulaire.
Ce n’est, hélas, pas la seule taxe dans ce domaine à manquer sa cible. Nicolas Garnier relève qu’il en va de même avec la – mal nommée – taxe d’enlèvement des ordures ménagères, toujours majoritaire dans le pays (voir notre article du 1er septembre), alors que comme l’a récemment rappelé la Cour des comptes, elle est fondée sur une (supposée) valeur locative immobilière, et non sur la quantité de déchets produits (voir notre article du 28 septembre 2022). En dépit des études soulignant son efficacité, la taxe incitative peine néanmoins toujours à être déployée, faute de courage politique non de l’État cette fois, mais des collectivités (voir notre article du 6 juillet 2022).
Eau : absence d’incitation à la sobriété
Dans le domaine de l’eau, Amorce met singulièrement en avant "l’accès quasiment gratuit à l’eau", qualifié "d’absurdité qui ne conduit pas l’ensemble des acteurs à modifier leurs comportements". Et ce, d’autant plus, plaide Nicolas Garnier, que "comme pour l’électricité, le coût du premier m3 d’eau est le même que celui du dernier". Si le président de la République a récemment appelé, dans le cadre de "son" plan Eau (voir notre article du 30 mars), à "une tarification progressive et responsabilisante de l’eau", celle-ci reste, là encore, à la main des collectivités, comme l’a rappelé l’Association des maires de France (voir notre article du 4 avril). Comme prévu par le plan sus-nommé, la Première ministre a néanmoins saisi le Conseil économique, social et environnemental le 14 septembre dernier afin qu’il dégage des recommandations en la matière. Le Cese doit rendre son avis d’ici fin novembre. L’association plaide par ailleurs pour un rééquilibrage des taxes sur les prélèvements pour l’ensemble des usagers : " Aujourd’hui, c’est l’eau domestique qui paie l’eau", dénonce Nicolas Garnier.
Comme en matière de déchets, Amorce déplore par ailleurs une nouvelle fois (voir notre article du 20 juillet) l’absence de signal-prix pour lutter efficacement contre les pollutions émergentes. Jugeant que la réponse apportée par le projet de loi de finances (PLF) 2024 n’est pas à la hauteur des enjeux, l’association plaide, d’une part, pour une multiplication par 5 des redevances de pollutions industrielles et agricoles et, d’autre part, pour la création d’une nouvelle redevance visant les pollutions émergentes. Un chantier que les institutions européennes sont en train de conduire (voir notre article du 17 octobre).
Énergie : un signal à contre-emploi
Dans le domaine de l’énergie, Amorce semble juger la situation pire encore, relevant que l’on continue de subventionner les énergies fossiles qui vont à l’encontre des ambitions affichées. L’association se prononce logiquement en faveur de la suppression de ces aides. Pour autant, elle plaide dans le même temps pour la création "d’un amortisseur socio-environnemental du prix des énergies fossiles visant à protéger les consommateurs en cas d’explosion des prix" de ces énergies, ce qui semble de nature à affaiblir le "signal clair et fort" qu’elle réclame par ailleurs (mais qui rejoint la ligne du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu lorsqu’il indique que garder le cap n’interdit pas de tirer des bords quand nécessaire – voir notre article du 17 octobre). L’Association relève que, pour le coup, le signal-prix envoyé par les marchés de l’énergie a cette année été "brutal", au point de rendre nécessaires "de coûteux boucliers et amortisseurs tarifaires". Or ce signal-prix est en partie porté par les taxes (ou mécanismes, comme le prix du carbone) qui touchent ces produits – que l’on songe à la part de la TICPE, et de la TVA portant sur cette dernière, dans le litre de gazole –, témoignant de l’étroitesse du chemin à prendre. Et Nicolas Garnier de souligner ainsi que le signal-prix est l’option "la plus facile à mettre en œuvre et celle qui a le plus d’impact… si c’est bien fait. Sinon, cela donne les gilets jaunes" (ou les bonnets rouges). Ou encore conduit alors Amorce à tirer le signal… d’alarme (voir notre article du 14 octobre 2021).
Certaines propositions semblent toutefois moins éruptives, comme celle visant à "rendre le système de la rénovation énergétique beaucoup plus incitatif à la rénovation efficace". Et Amorce d’insister plus largement sur "l’importance de respecter strictement la hiérarchie : sobriété ; efficacité ; énergies renouvelables ; énergies décarbonées".