Archives

Aménagement du territoire - Territoires ruraux : un plan à cinq milliards d'euros

Plan d'actions pour les territoires ruraux et nouveaux pôles de compétitivité étaient à l'ordre du jour du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 11 mai.

Il n'y avait pas eu de comité interministériel exclusivement consacré à l'aménagement du territoire depuis 2006. Celui de 2007 s'intéressait aux pôles de compétitivité et celui de 2009 au plan de relance… Le "comité interministériel d'aménagement et de développement des territoires" (Ciadt), réuni sous la présidence de François Fillon, le 11 mai, était donc censé marquer un grand retour, dans la foulée des Assises des territoires ruraux. Après la parenthèse de la Diact, le retour de la Datar en décembre dernier donnait le ton de cette réconciliation dans le contexte de regain démographique des campagnes. Suffisant pour faire taire les inquiétudes sur un "déménagement du territoire" manifestées lors des dernières réformes - carte judiciaire, militaire, hospitalière, etc. ? Voir. Car le gouvernement est obligé de se serrer la ceinture pour les trois ans qui viennent. De fait, les 40 mesures présentées par le Premier ministre et préparées par les soins de Michel Mercier, le ministère de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, ressemblent davantage à un catalogue d'engagements pris ça et là qu'à un plan d'envergure. Ce qui explique sans doute le peu de publicité fait autour de cet événement dont la date n'a été connue qu'au dernier moment. Ainsi, les 5 milliards d'euros mis sur la table seront "financés pour moitié par redéploiement de crédits et pour moitié par l'emprunt national" (en particulier pour le déploiement du très haut débit) et n'impliqueront pas de dépenses nouvelles. Le plan s'inspire des résultats des Assises auxquelles ont participé plus de 80.000 personnes et dévoilés par Nicolas Sarkozy dans son discours de Morée (Loir-et-Cher) il y a trois mois. Il s'articule autour de quatre grandes priorités : l'accessibilité, le développement économique, les services à la population et la gouvernance.
 

250 maisons de santé

Conscient que "la question de l'accès aux soins apparaît comme la première attente des habitants des territoires ruraux", le Premier ministre a annoncé deux mesures importantes sur ce point. Tout d'abord, l'Etat va financer - aux côtés des collectivités territoriales - 250 maisons de santé pluridisciplinaires. Une enveloppe de 2,5 millions d'euros par an permettra d'apporter une aide "à l'ingénierie et au fonctionnement", à hauteur d'un montant maximal de 50.000 euros par maison. En matière d'investissement, le financement de l'Etat pourra varier, selon les territoires, entre 25% et 35% du coût total. Les agences régionales de santé (ARS) seront chargées de mettre sur pied un comité de sélection, qui regroupera les préfets, le conseil régional, les départements et les représentants des professionnels. En dépit de quelques difficultés (voir notre article ci-contre du 20 janvier 2010), les maisons de santé pluridisciplinaires sont en passe de s'imposer comme l'une des réponses les plus efficaces à la lutte contre les déserts médicaux. Rassemblant dans un même lieu médecins et paramédicaux, elles permettent à la fois de proposer une offre diversifiée, de favoriser une prise en charge globale et de lutter contre l'isolement des professionnels de santé libéraux dans les zones rurales.
La seconde mesure décidée par François Fillon concerne la mise en œuvre de 400 "contrats d'engagements de service public", sur la période 2010-2012. Ces contrats consistent en l'attribution d'une bourse de 1.200 euros par mois aux étudiants en médecine s'engageant, en contrepartie, à exercer en zone fragile pour une durée équivalente à celle de leurs études ainsi financées. Ces contrats seront articulés avec la mise en place des maisons de santé pluridisciplinaire, puisque ces dernières pourront comporter un logement privatif destiné aux médecins stagiaires. De même, un guichet unique sera mis en place à l'initiative des ARS, afin de faciliter les démarches d'installation des jeunes médecins et des autres professionnels de santé. Le dossier de présentation du Ciadt ne précise pas comment les bourses mises en places par l'Etat se combineront - ou non - avec celles financées par les collectivités territoriales, déjà mises en œuvre ou en voie de l'être dans plusieurs départements (voir notre article ci-contre du 13 avril 2010).

Le plan reprend l'idée chère à Michel Mercier d'assurer un socle de services essentiels à la population. Un protocole d'accord sera signé en 2010 entre l'Etat et les grands opérateurs de services publics avec une dotation annuelle de 5 millions d'euros sur trois pris sur le FNADT. Il sera décliné dans chaque région et permettra d'expérimenter en lien avec les collectivités de nouveaux services comme l'achat de billets TER dans les bureaux de poste, les visioguichets partagés (assurance-maladie, caisse d'allocations familiales, Pôle emploi)…

 

Très haut débit

La couverture haut débit et téléphonie est l'autre gros enjeu qui attend les territoires ruraux. Entamée en 2003, la résorption des zones blanches en téléphonie mobile sera achevée fin 2011 avec la couverture des centres bourgs de toutes les communes rurales. La Datar a été chargée d'identifier au plus tard à la mi-2010 les dernières communes dont la couverture est inexistante. L'Arcep va établir avec les opérateurs une feuille de route pour couvrir d'ici à 2013 l'ensemble des zones grises (c'est-à-dire les zones non couvertes par tous les opérateurs). S'agissant du très haut débit, deux milliards d'euros du grand emprunt serviront à alimenter le fonds pour la société numérique. Une partie de cet argent abondera le nouveau fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT) créé par la loi Pintat du 17 décembre 2009 destiné à accélérer le déploiement du réseau de fibre optique dans les zones les moins denses. L'objectif est de parvenir à 100% d'ici à 2025 (coût total : 30 milliards d'euros, selon la Datar) avec un point d'étape à 80% en 2020. Dès la mi-2010, des projets pilotes seront lancés avec les collectivités et les opérateurs. Par ailleurs, les préfets devront élaborer des "stratégies de cohérence régionale" avec les collectivités. Chaque région possédera alors son schéma directeur d'aménagement numérique (Sdan), à l'instar de l'Auvergne, première à avoir franchi le pas.
Autre gros volet : les transports et l'amélioration des réseaux Intercités et Téoz, les "trains d'aménagement du territoire", comme aime à les appeler Michel Mercier. Une convention entre l'Etat et la SNCF va être signée fin juin 2010.
Au chapitre du développement économique, le gouvernement proposera dans le cadre de la loi de finances pour 2011 la prolongation des avantages fiscaux en faveur de la création d'entreprises en zones de revitalisation rurale (ZRR). Ces incitations seront étendues à la transmission ou à la reprise d'activités préexistantes. En contrepartie, la durée de cet avantage passe de 14 à 8 ans. L'Assemblée permanente des chambres des métiers avait récemment transmis à l'Elysée ses propres propositions pour revitaliser le petit commerce en zone rurale : prêts bonifiés, prêts à taux zéro, avances remboursables... Elles n'ont manifestement pas été prises en compte.

 

Michel Tendil, et Jean-Noël Escudié / PCA

Six nouveaux pôles de compétitivité dans les écotechnologies

Le couperet est tombé : sur les treize pôles de compétitivité en sursis depuis l'évaluation de 2008, sept ont été repêchés et six ont perdu leur label. La décision a été prise lors du Ciadt du 11 mai. Mais parallèlement, six nouveaux pôles spécialisés dans les technologies ont été labellisés suite à l'appel à projets lancé le 30 juin 2009. Résultat : on se retrouve avec 72 pôles. L'Etat a par ailleurs décidé de prolonger son engagement d'un an, jusqu'en 2012 au lieu de 2011. Une évaluation aura lieu en 2012, a indiqué le ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, Michel Mercier, mercredi 12 mai, lors de la présentation des nouveaux arrivés, en présence de Chantal Jouanno (Développement durable) et Christian Estrosi (Industrie). S'agissant des recalés (Mobilités et transports avancés en Poitou-Charentes, Innoviandes en Auvergne, les pôles Enfants et Génie civil dans les Pays-de-la-Loire, Sporaltec en Rhône-Alpes et Prod Innov en Aquitaine), ils ne seront pas abandonnés, a tenu à rassurer Christian Estrosi, indiquant qu'ils pourraient fusionner avec d'autres ensembles. Quant aux nouveaux pôles spécialisés dans les éco-technologies, trois ont trait à l'eau : Gestion des eaux continentales (Alsace-Lorraine), Dream (Centre) et Eau (Languedoc-Roussillon-Paca-Midi-Pyrénées). Les pôles Avenia (Aquitaine), Ernegivie (Alsace) et Team2(Nord-Pas-de-Calais) complètent la liste. "Dans le cadre du Grenelle, on a pris des dispositions qui ont particulièrement stimulé la demande, et en face, il fallait prendre des mesures pour stimuler l'offre", a expliqué Chantal Jouanno.
Phénomène original : le pôle Dream a été initié par la ville d'Orléans qui en 2007 a incité les PME du secteur de l'eau présentes sur le territoire à se regrouper. Aujourd'hui, le pôle travaille étroitement avec l'université d'Orléans sur les filières de pointe.
"Nous intervenons à la fois sur le financement du fonctionnement et des projets du pôle, ainsi que sur l'ingénierie", explique Béatrice Barruel, conseillère déléguée à l'enseignement supérieur, à la recherche et aux pôles de compétitivité à la ville d'Orléans.
Selon Christian Estrosi, la croissance verte représenterait un "potentiel de 50 milliards d'euros d'activité et de 280.000 emplois d'ici 2020".
M.T.

 

Téléchargements

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis