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Décentralisation - Suppression des départements de la petite couronne : un scénario pris très au sérieux

Suite aux propos de Jean-Marc Ayrault sur la suppression des départements de la petite couronne, malgré les nuances apportées ensuite par Marylise Lebranchu, certains des élus concernés n'ont pas tardé à se mobiliser. C'est le cas du conseil général du Val-de-Marne. Christian Favier, son président, s'en est expliqué.

"Je suis favorable à ce que l'on aille vers la suppression des départements de la première couronne", déclarait Jean-Marc Ayrault le 16 janvier dernier. Une phrase qui avait d'emblée fait largement réagir les intéressés (voir ci-contre notre article du 16 janvier). Certes, le même jour, Marylise Lebranchu, en déplacement à Cachan dans le Val-de-Marne, avait tenu à préciser que cela ne se ferait pas d'un simple coup de gomme, rappelant qu'une "étude d'impact" précédera toute décision. Cette étude "analysera précisément" les modalités d'une suppression de ces trois départements (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne… auxquels il faudrait en fait ajouter Paris en tant que département) et ses impacts "en termes budgétaires et de répartition des compétences". Elle sera remise "au plus tard le 1er janvier 2015", a indiqué le ministère en charge de la décentralisation. L'idée étant bien de "prendre une décision éclairée pour voir si la fusion est possible". "A l'heure où je vous parle, il n'y a pas de suppression des départements en Ile-de-France ou ailleurs dans le projet de loi de décentralisation qui sera présenté au printemps", a en outre assuré Marylise Lebranchu lors de ce déplacement, dans des propos rapportés par l'AEF, ajoutant : "L'étude d'impact, si on travaille très vite, mais je veux qu'elle soit fine et sérieuse, on l'aura après l'été. Ensuite il y aura tout un débat démocratique sur cette question."

Référendums en question

Quoi qu'il en soit, dans les départements concernés, la perspective évoquée par le Premier ministre semble être prise très au sérieux. "Le Val-de-Marne serait ainsi, sans aucune concertation, sans aucun dialogue avec les élus ou avec les populations, condamné à disparaître très rapidement, intégré de force dans la métropole du Grand Paris", déclarait ainsi le 30 janvier lors de ses vœux à la presse Christian Favier, président du conseil général et sénateur, parlant d'"improvisation", d'"incohérence" et de "précipitation".
"D'un vague projet, la disparition des départements de petite couronne, qui nécessitait un examen attentif quant à sa faisabilité, on est passé à une forme d'oukase : il faut le faire, quel qu'en soit le prix à payer", a-t-il avancé. "J'ai le sentiment qu'ils veulent aller vite, peut-être pour faire coïncider cela avec la création de la métropole le 1er janvier 2016", a-t-il également confié, tout en relevant que les prochaines élections départementales ont lieu en 2015 et qu'en principe, on ne change pas les règles du jeu en cours de mandat...
L'élu PCF rappelle en outre que "pour le moment en tout cas" figure bien dans la loi (loi de décembre 2010) une obligation de référendum pour toute fusion de départements ou de régions – un point qui fut d'ailleurs pas mal débattu lors de la discussion de la loi Mapam (des amendements, finalement rejetés, entendaient autoriser deux départements à fusionner sans obligation de référendum). Et s'il devait y avoir référendum auprès des habitants du Val-de-Marne… Christian Favier semble confiant quant à l'issue d'une telle consultation. D'autant plus que son idée serait d'organiser en amont un débat associant "tous ceux qui ont un lien avec le département", que ce soit en tant qu'associations, parents de collégiens, bénéficiaires d'allocations de solidarité… "ce qui représente beaucoup de monde !". Puis d'élargir encore le débat pour aller vers une série de réunions publiques ouvertes à tous.
Jean-Marc Ayrault a au contraire considéré que le référendum n'est pas adapté sur un "sujet aussi complexe" : "Cela ne peut pas être une réponse par oui ou par non. C'est au Parlement de faire un travail de fond et de trouver la bonne solution." Sur ce point, Marylise Lebranchu, toujours le 16 janvier, aurait déclaré : "Est-ce qu'on est prêt à supprimer les référendums ? Est-ce qu'on est prêt à dire qu'une assemblée délibérante représentative, dans une démocratie représentative, peut prendre seule la décision sans consultation des populations ? Voilà qui va, sans doute, alimenter le débat parlementaire…"

Mise en place d'une mission d'information

Visiblement, l'idée de supprimer ces trois départements franciliens est d'autant moins bien accueillie qu'elle a été émise au même moment que l'idée de supprimer à nouveau la clause de compétence générale des départements.
"Je vous avoue que j'ai un peu de mal à comprendre la logique (…) : après avoir été supprimée par le précédent gouvernement, elle vient tout juste d'être réinstaurée dans la loi de modernisation de l'action publique. Et cette loi à peine promulguée, on nous dit que cette clause de compétence générale qui permet à une collectivité de se saisir de toute question d'intérêt général sur son territoire va disparaître prochainement pour les départements et les régions…", s'est étonné Christian Favier.
Selon lui, cette question de la clause est loin d'être conceptuelle. Car derrière, relève-t-il, c'est notamment celle des financements croisés qui est en jeu. Or ces financements croisés sont "souvent une nécessité pour faire aboutir les projets", rappelle-t-il, citant le cas d'une nouvelle ligne de tramway : "tous les niveaux y sont, mais chacun dans son rôle". Et "pour le citoyen, l'essentiel c'est que ce soit fait". D'ailleurs, entre la région Ile-de-France et le département, un modus operandi aurait été établi pour ce type de projets urbains : sur la partie transports, le département prend en charge 30% quand la région finance 70% et sur la partie voirie, cette proportion s'inverse.
Alors, au fond, supprimer carrément le département ou supprimer la clause de compétence générale pourrait avoir pratiquement le même effet… "Si le Val-de-Marne disparaît, qui fera demain ce qu'il fait aujourd'hui ?", s'est interrogé le président. La métropole reprendrait les compétences obligatoires (compétences sociales, collèges…), sans véritables économies à la clef. Ce serait donc "tout le reste" qui serait en sursis, à savoir ce que le département "a construit d'original" de sa propre initiative ou en complémentarité avec les autres collectivités, fait-on valoir à Créteil.
Dans l'immédiat, l'assemblée départementale a décidé à l'unanimité de mettre en place sa propre "mission d'information et d'évaluation sur la suppression des départements de la petite couronne et sur l'organisation institutionnelle". Composée de neuf membres, avec un président issu de la majorité départementale et un rapporteur issu de l'opposition", cette mission va mener une série d'auditions et expertises pour, in fine, formuler des propositions d'ici le mois de juin.
Parallèlement, Christian Favier espère étoffer les échanges avec le président de la région, le maire de Paris, l'Assemblée des départements de France… sans oublier les élus de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine. Et le président du Val-de-Marne d'évoquer "l'attitude assez habile" de son homologue UMP du 92, Patrick Devedjian, qui s'est dit prêt à se rapprocher des Yvelines. Car, note Christian Favier, toute fusion entre ces deux départements de l'Ouest francilien, que les populations concernées verraient probablement d'un bon œil en cas de référendum, "remettrait de facto en cause la métropole du Grand Paris".

 

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