Finances locales - Standard & Poor's : des recettes atones, une pression qui s'accroît
En 2014, les collectivités devraient emprunter quelque 16 milliards d'euros, soit le même montant qu'en 2013. Et pourtant, leurs investissements devraient reculer sur la même période de 6%, du fait de la moindre propension des communes et intercommunalités à investir en période de renouvellement des mandats municipaux et, dans une moindre mesure, en raison de la poursuite, modérée, de la baisse des investissements des départements. Si le besoin de financement des collectivités ne faiblit pas, c'est que "la pression s'accroît sur les finances locales" pour tous les échelons de collectivités territoriales, observe l'agence Standard & Poor's dans une note qu'elle a rendue publique ce 5 mars. La réduction attendue de la capacité d'autofinancement, pour la troisième année consécutive, est notamment le signe de la dégradation de la santé financière des collectivités locales.
L'effet de ciseau que connaissait déjà le secteur ces dernières années risque, en effet, de s'accentuer encore. En cause : l'atonie des recettes, dont la progression serait limitée à moins d'1% (contre 1,8% en 2012-2013 et 3,6% sur la période 2008-2011). La baisse de 1,5 milliard d'euros des dotations de l'Etat, la réduction de 600 à 700 millions d'euros du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), enfin l'absence de marges de manœuvre sur les taux de fiscalité, portent un sérieux coup dur aux ressources. Or, dans le même temps, les dépenses courantes continueraient de progresser dans des proportions semblables à 2013 (2,7%).
Plongeon des recettes des régions
Les communes et les intercommunalités ne sont concernées par l'effet de ciseau que depuis peu. Mais il ne fait aucun doute qu'elles y sont désormais soumises. Conséquence, leur taux d'épargne brute devrait reculer de 17,8% en 2013, à 16,1% en 2014.
Les nouvelles recettes qu'ils ont obtenues (possibilité d'augmenter pendant deux ans les droits de mutation et transfert à leur profit de 830 millions d'euros de ressources liées à des frais de gestion jusque-là perçus par l'Etat), constituent pour les départements une bouffée d'oxygène. Leurs recettes courantes devraient ainsi progresser de 2% cette année, contre 1,4% l'année dernière. Mais les départements traînent un véritable boulet avec leurs dépenses sociales mal compensées. Leur taux d'épargne brute reculerait donc quand même de 10,8% à 10%. Certains départements ne sont pas loin de la cote d'alerte. "Sauf mesures structurelles", ceux-ci restent exposés à un risque "d'asphyxie budgétaire", révèle Standard & Poor's.
Le ciel continue à s'assombrir pour les régions. Quasiment privées de levier fiscal, elles dépendent aujourd'hui beaucoup des dotations de l'Etat et de la CVAE, deux ressources en baisse cette année. Sans surprise, leurs recettes courantes devraient décroître de 1 à 2% en 2014, prévoit l'agence de notation. La limitation à 1,5% de l'augmentation de leurs dépenses courantes et la stabilité de leurs investissements ne pourront pas empêcher une nouvelle dégradation de leur taux d'épargne brute, qui reste cependant élevé (21%).
Ce tableau noir est quand même accompagné d'une bonne nouvelle. La crise de liquidités, consécutive à la disparition de Dexia et au désengagement de plusieurs banques qui ont anticipé l'application des règles de la réglementation de Bâle 3, a pris fin à la mi-2013. L'entrée sur le marché de la Banque postale, dont les prêts financeront en 2014 le quart des besoins de financement des collectivités, n'est pas pour rien dans le retour à la normale. De même que l'intervention des enveloppes de prêts sur fonds d'épargne de la Caisse des Dépôts. Un acteur qui, avec la Banque européenne d'investissement, pèsera 30% du marché en 2014. Soit plus que les banques commerciales présentes historiquement sur le secteur : Caisses d'Epargne, Crédit agricole, Banques populaires... apporteront 25% du financement des collectivités.
De nouvelles sources de financement
Les 15% restants proviendront du recours direct aux marchés financiers (ou à l'épargne des particuliers dans une moindre mesure). Un taux jamais atteint par la France. Jusqu'à la crise financière de 2008, le modèle ultra-dominant était celui du financement par les banques, bon marché et abondant. Seules quelques grandes collectivités avaient exploré la voie du financement désintermédié (pour des emprunts représentant seulement 3 à 4% de l'ensemble du volume des emprunts souscrits par le secteur public local). Dans un contexte de pénurie de liquidités, la recherche par les collectivités d'une plus grande palette de financements a rencontré chez les prêteurs un regain d'intérêt pour un secteur présentant "un bon rapport risques/solvabilité", décrypte Valérie Montmaur, responsable Europe du département finances publiques chez Standard & Poor's.
Conséquence de l'attrait des marchés obligataires, les grandes collectivités ont frappé à la porte des agences de notation. Aujourd'hui, cinquante d'entre elles ont une note attribuée par l'une des trois agences (Moody's, Fitch et Standard & Poor's). Cette dernière assure à ce jour la notation de 32 entités du secteur public (soit 17 de plus qu'en 2010). 14 de ces entités ont la note AA, tandis que 8 bénéficient de la note AA- et 7 de la note A+. 2 ont la note A. La Polynésie française ferme la marche avec une note de BB+.