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Emploi - Semaine cruciale pour la négociation sur la sécurisation de l'emploi

Les partenaires sociaux entrent dans la dernière ligne droite de leurs négociations sur la sécurisation de l'emploi. Ils sont censés tomber d'accord à l'issue des réunions des 10 et 11 janvier 2013, mais de nombreux points de blocage persistent. Certains sujets, comme le chômage partiel et la reprise de sites industriels, trouveront leur dénouement plus tard, à travers de nouvelles négociations pour l'un, et un éventuel texte de loi pour l'autre.

Les partenaires sociaux doivent conclure les 10 et 11 janvier 2013 leurs négociations sur la sécurisation de l'emploi commencée en octobre 2012. Ils se retrouvent ainsi autour de la table pour la dernière fois, le président de la République leur ayant demandé d'aboutir à un accord qu'il a qualifié d'"historique" à l'occasion de ses voeux le 31 décembre 2012, sans quoi "l'Etat prendra ses responsabilités". Il s'agit du troisième axe, après les emplois d'avenir et les contrats de génération, du plan prévu par le gouvernement pour favoriser l'emploi en France. L'objectif : apporter plus de souplesse aux entreprises et de protection aux salariés. La quadrature du cercle.
Cinq axes sont donnés à ces discussions qui réunissent cinq syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC) et trois organisations patronales (Medef, CGPME et UPA) : lutter contre la précarité, progresser dans l'anticipation des évolutions de l'activité, de l'emploi et des compétences, améliorer les dispositifs de maintien dans l'emploi face aux aléas conjoncturels et améliorer les procédures de licenciements collectifs.
En décembre, les partenaires sociaux n'étaient pas arrivés à se mettre d'accord. Et s'il y a une semaine, tous se montraient plutôt optimistes, à mesure que l'échéance approche, les positions se durcissent. Le 8 janvier, Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, a estimé qu'un tel accord relèverait du miracle. Il estime que le programme donné par le gouvernement est une "barque hyper chargée qui risque de couler". Même avis côté patronat. Le 7 janvier, la présidente du Medef s'est ainsi déclarée "pessimiste" sur ces négociations. "Les choses avaient progressé d'une manière raisonnable, dans un objectif que nous poursuivons tous, qui est d'améliorer le marché du travail pour créer de l'emploi et faire baisser le chômage. Or, depuis vendredi, nous avons reculé", a ainsi signalé Laurence Parisot, dénonçant une "intervention perturbatrice" du gouvernement qu'elle accuse de s'être "ingéré dans les négociations". Une position qualifiée de "repli dogmatique" par la CFE-CGC, mardi.
Parmi les points d'achoppement : la taxation des contrats précaires. Les syndicats en font un impératif pour la négociation. Le Medef quant à lui ne veut pas de cette idée. Mais le gouvernement a menacé de revoir le dispositif du crédit impôt compétitivité emploi (CICE), en excluant les CDD, si le patronat refusait d'accepter une taxation pour ces contrats.

Des négociations spécifiques pour le chômage partiel

Autres sujets abordés lors de ces négociations : les contreparties, comme l'accès facilité à la formation, à un logement, et à des aides aux prêts bancaires pour les salariés de ces CDD, et la complémentaire santé en échange de plus de flexibilité pour les entreprises. Mais le patronat craint un coût important pour cette dernière mesure. Il a proposé la mise en place d'un nouveau type de contrat, le "contrat de projet à durée indéterminée". Ce contrat permettrait aux employeurs de conclure un CDI pour la réalisation d'un projet précisément identifié, dont la durée non définie ne pourrait être inférieure à neuf mois. Et "si le contrat ne peut être poursuivi au-delà de la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu, le motif de licenciement tient à la réalisation dudit projet", détaille le Medef dans sa proposition d'accord. Mais les syndicats sont opposés à ce que le patronat donne plus de flexibilité dans le marché du travail. "Ils [les patrons] veulent surtout faire en sorte d'avoir une main-d'oeuvre plus malléable, plus précaire, a fustigé Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT. Il y a déjà plus d'une dizaine de contrats de travail dans la législation sociale française. Contrairement à ce que l'on dit, la flexibilité dans le marché du travail en France est déjà très importante." Pour le chef de file de la CGT, cette négociation traite de "tout sauf du recul de la précarité", qui est pourtant un des objectifs phare de la discussion... L'autre point central des discussions concerne les moyens de faire varier le temps de travail des salariés tout en maintenant les effectifs, pour surmonter des difficultés conjoncturelles. Dans ce domaine, côté chômage partiel notamment, les choses ont l'air d'avancer. Les partenaires sociaux ont prévu d'ouvrir au premier trimestre 2013 une négociation spécifique. Pour les syndicats, et notamment FO, la question principale sur le sujet est d'ordre financier. "En Allemagne, le montant consacré au chômage partiel était de 6 milliards d'euros en 2009 alors qu'en France il atteignait seulement 650 millions d'euros, détaille Stéphane Lardy, secrétaire confédéral de FO. Par ailleurs, certaines entreprises utilisent ce dispositif de manière structurelle ce qui ne correspond pas aux prescriptions, il faut qu'on traite ce point." D'après les propositions envoyées par le Medef aux syndicats, ces discussions devraient permettre de donner lieu à "un nouveau régime unique et simplifié de chômage partiel", avec la "fusion des régimes de l'allocation spécifique et des allocations complémentaires de chômage partiel (en particulier APLD-activité partielle de longue durée) en un dispositif unique d'indemnisation", "le maintien de la procédure d'autorisation préalable réintroduite récemment et la suppression du conventionnement", et "le regroupement de l'allocation spécifique et de l'allocation d'APLD avec financement de l'entreprise et prise en charge unique, par l'Etat et l'Unedic, dans les mêmes conditions que l'APLD". Côté formation, des dispositions incitatives perdureraient (90% de la rémunération brute aux salariés partant en formation, 70% dans les autres cas). La formation serait toujours envisageable pendant les heures d'activité partielle et l'exonération de charges sociales et patronales sur les allocations de chômage partiel serait maintenue. Un travail de "toilettage et de simplification" serait également engagé (maintien du contingent annuel d'heures d'activité partielle par salarié à 1.000 heures, suppression du plafond de 6 semaines pour la durée de fermeture totale d'établissement, simplification des modalités de calcul des heures indemnisables, etc.).
Ces dernières années, le recours au chômage partiel a été irrégulier. Après un pic au troisième trimestre 2009 à 27,9 millions d'heures, le nombre d'heures consommées a diminué jusqu'au premier trimestre 2011. Il s'est stabilisé en 2011, année durant laquelle un peu plus de 12 millions d'heures de chômage partiel ont été consommées en France métropolitaine, dont 75% dans l'industrie.

Un texte de loi sur la reprise de sites

La question de la reprise des sites industriels fait aussi l'objet d'une annexe de l'accord, tel que proposé par le Medef. Celle-ci mentionne en effet que "lorsque l'entreprise envisage, indépendamment de tout projet de cession, sa fermeture, celle d'un établissement ou d'un site, il convient dans le cadre de l'obligation de revitalisation des bassins d'emploi, d'envisager la recherche de repreneurs dès l'annonce du projet de fermeture". Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, avait promis une loi sur ce point aux salariés de Florange dont le site devait fermer. Une ébauche avait été envoyée aux syndicats début septembre. Elle mentionne que "dans la perspective d'assurer la pérennité de l'emploi, les entreprises, de plus de 1.000 salariés, qui envisagent de mettre fin à l'exploitation d'un de leurs établissements, recherchent des repreneurs." Dans sa logique, le comité d'entreprise pourrait aussi demander au président du tribunal de commerce,  à l'issue d'un délai de deux mois à compter de l'information qui lui est donnée, de nommer un mandataire chargé de rechercher des offres de reprise de l'établissement. Et c'est le tribunal qui arrêterait le prix de la cession, "après avoir entendu l'entreprise et le repreneur", précise l'avant-projet d'Arnaud Montebourg. Mais le texte a été mis en suspens, le Premier ministre ayant préféré attendre la fin des négociations avec les partenaires sociaux pour le finaliser. Des négociations qui ne devraient pas en modifier les principes. "On est plutôt favorables à un dispositif législatif de reprise, mais ça ne relève pas d'une négociation, explique ainsi Stéphane Lardy. Il ne sortira pas grand-chose de cette négociation."
Malgré les nombreux points de blocage, les partenaires sociaux n'entendent pas s'éterniser. La présidente du Medef est opposée à une prolongation des négociations au cas où il n'y aurait pas d'accord à la fin de la semaine. Même écho côté syndicats. "On va voir les propositions du patronat et si on n'arrive pas à trouver un accord, on ne va pas prolonger les négociations. Il faut qu'on en finisse", signale aussi Stéphane Lardy.